Les premiers HumaniX Tellier naquirent bientôt. La population allait subir un bouleversement sans précédent. « Tous génies », prédisaient les médias.

Quinze ans plus tard, ces héritiers du progrès envahirent le monde du travail et imposèrent leur quotient intellectuel en tant que norme. Ils ne se considéraient pas comme la catégorie supérieure, mais situaient plutôt leurs parents et les derniers HumaniX de la version pionnière dans « la classe primitive», les gens à supporter.

Les avancées scientifiques et technologiques émergeaient de manière exponentielle. Le monde se métamorphosa si brutalement que les adultes de plus de trente ans ne parvenaient plus à s’y adapter. L’équilibre HumaniX-humain n’existait plus. Il devenait nécessaire de « s’occuper » des anciens.

De vastes quartiers d’immeubles furent construits en guise de logements pour les primitifs. Quelques services étaient mis en place pour subvenir à leurs besoins, leur fournir des loisirs les incitant à rester dans leur secteur, leur « offrir » la sécurité. Tout appareil électronique comportait pour cela les éléments adéquats pour rassembler les informations permettant une surveillance continue. Si l’on n’acceptait pas de porter de lentilles de réalité augmentée, d’autres puces électroniques prenaient le relais. Les appareils de cuisine connectés relevaient les heures et la composition des repas, le lit offrant des conseils pour un meilleur sommeil enregistrait les moments pendant lesquels le primitif se tenait tranquille. Les sorties de zones résidentielles était libres mais l’on se sentait rapidement épié. L’intérêt en était d’ailleurs devenu faible depuis la démocratisation des lentilles répondant au moindre désir à partir d’un clignement d’œil.

Les Tellier achetèrent un bel appartement dans une résidence calme de la rue 16F. Léa y trouva une vie paisible et enrichissante à travers les réseaux sociaux sur lesquels elle passait de bons moments avec ses voisins.

« Bienvenue à la trente-deuxième édition du prix Tellier. Vous vous demandez sûrement d’où vient ce nom. Sachez que nous aussi. Mais nous supposons que c’était un primitif ayant eu une trouvaille quelconque, comme cela arrivait si rarement. Voilà pour l’anecdote. De nos jours, la tâche du jury pour sélectionner la meilleure révolution de l’année se complique d’une session à l’autre. »

Léa, dans le fond de la salle assistait en silence et en toute discrétion à la cérémonie. Pourquoi venait-elle ? Elle se le demandait, ne parvenant pas à saisir la plus simple explication à propos de la découverte mise à l’honneur.

Elle cligna des yeux pour prendre une photo de la remise du trophée et sortit la première du congrès en dictant « J’y étais » à son application de réseau social.

Une voiture autonome la reconduisit à la rue 16F. Le long du parcours, les espaces verts, jugés inutiles en zone active, réapparaissaient dès l’entrée dans la zone primitive. Le véhicule circulait à nouveau sur un seul niveau. À destination, Léa s’assit sur un banc dans le parc de son immeuble, enleva ses lentilles et se rappela une jeunesse palpitante et glorieuse, mais un temps où les arbres apparaissaient sans images superposées ni personnalisation selon ses goûts. Verts, quoi que l’on en dise.