Diplomate

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Bon, pensa-t-il, quand j’espérais un changement, je n’en demandais pas tant.

Il avait proposé à la dame Alvise de se rendre dans une autre pièce, en l’occurrence la chambre qu’il avait prise, afin de poursuivre la discussion plus posément. Il se tenait près de la fenêtre, jetant de temps à autre un coup d’œil aux nuages. Elle demeurait debout, au milieu de la pièce, tandis que l’enfant avait pris place sur une chaise, dans un coin.

« Comment m’as-tu retrouvé ? commença-t-il.

- Je suis arrivée dans cette ville il y a quelques jours, et tout à l’heure je t’ai vu passer par hasard. Je t’ai rejoint, et tu connais la suite.

- Que fais-tu si loin de l’Italie ?

- C’est une histoire compliquée.

- Je crois qu’il me tarde de l’entendre. » dit-il avec sarcasme.

Elle lui lança un regard noir. L’enfant les observait tour à tour, paraissant ne pas comprendre.

« Après ton départ, raconta-t-elle, j’ai continué à vivre comme je l’entendais. J’imagine que tu te rappelles encore la vie libre que nous menions. Cependant, je dois avouer que je suis allée un peu plus loin que l’amour platonique. Les gens ont commencé à jaser, et il a fallu me marier. Pendant un temps, les rumeurs se sont calmées, mais lorsque je suis tombée enceinte certains ont contesté la légitimité de l’enfant. Mes cousins, particulièrement, qui m’enviaient car j’avais hérité de la fortune familiale. La discorde a toujours régné entre nous. La situation s’est envenimée, année après année, et a fini par totalement dégénérer. Mon mari a été tué, et j’ai tout perdu. J’ai été contrainte de fuir avec mon fils.

- Et mon rôle, dans tout ça ? s’enquit froidement le voyageur.

- Premièrement, tu es en partie responsable de ma situation. » affirma-t-elle.

Il ne prit même pas la peine de répondre. Il leva seulement un sourcil interrogateur, l’air dubitatif.

« Sans toi, expliqua-t-elle, je n’aurais jamais découvert l’univers nocturne, je serais restée innocente.

- Et tu aurais manqué tout un pan de ta vie que tu es, si je ne m’abuse, bien contente d’avoir connu.

- Au final, répliqua-t-elle, cela ne m’a apporté que du malheur.

- Permets-moi de te rappeler que tu t’es laissée entraîner sans réticence. » rétorqua-t-il.

Elle ne trouva rien à répliquer. Elle changea de stratégie.

« Quand je t’ai aperçu tout à l’heure, j’ai repensé à ce qu’on m’avait dit à la naissance de mon fils. N’importe qui aurait pu être son père. On a même insinué que tu l’étais. »

Il mit une fraction de seconde à réagir. Il éclata de rire.

« Mais c’est absurde ! Tu es la mieux placée avec moi pour savoir que c’est impossible.

- Je ne suis pas amnésique, merci. s’offusqua-t-elle. Mais ce que je voulais dire, c’est que j’ai pensé que tu pourrais m’aider.

- Tu es allée jusqu’à tenter de me faire accepter une sorte de responsabilité envers ce garçon – en passant par une exagération –, afin que je te porte secours ? Je ne parviens pas à te comprendre. En outre, je ne vois pas ce que je peux faire pour toi, quand bien même je le voudrais. Ta situation m’a l’air réglée.

- Pas exactement. Ils me recherchent encore, pour m’éliminer, ainsi que Baldassare. »

L’enfant leva le regard vers sa mère. L’inquiétude se lisait dans ses yeux. Il ne l’avait probablement jamais entendue énoncer si clairement la tragédie de leur condition.

« Ils ont peur qu’une fois devenu grand, il revienne se venger.

- L’ambiance est toujours aussi familiale au sein de la noblesse. ironisa le voyageur.

- Naggaï, s’il te plaît. Prends au moins la peine de m’écouter jusqu’au bout. J’ai besoin de ton secours. Protège-moi, le temps qu’ils m’oublient.

- Étant donné qu’ils t’ont poursuivie jusqu’en Orient, je doute que cela arrive. Et je n’ai pas l’intention de jouer les gardes du corps pour le restant de mes jours.

- Tu m’abandonnerais, après ce que nous avons vécu ensemble ?

- Si je conservais des dettes envers toutes les femmes que j’ai courtisées, je ne m’en sortirais pas. » argua-t-il.

À nouveau, elle fut si choquée qu’elle ne trouva rien à répondre.

« Viens, Baldassare. » dit-elle finalement.

L’enfant se leva et la rejoignit. Elle lui prit la main et ils sortirent. Le voyageur attendit que la porte se soit refermée, puis laissa échapper un long soupir. Il se rendit à son lit et s’y laissa tomber.

Tout de même, se dit-il, le passé a une fâcheuse tendance à me rattraper ces temps-ci.

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