Musicien

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Le clair de lune était magnifique. Tous deux étaient installés sur le balcon de la riche propriété. Il était assis sur un confortable coussin, et jouait une douce mélodie sur son luth. Les notes s’élevaient, claires dans la nuit cristalline. Il était vêtu d’une tunique couleur de sable aux broderies dorées, portait un pantalon d’une teinte semblable mais un peu plus soutenue, était chaussé de bottes de cuir légèrement usé, et avait une large écharpe aux motifs abstraits et colorés. Tout en jouant, il regardait la dame de ces lieux. Debout et accoudée à la balustrade, elle laissait son regard survoler la nuit, rêvant. Elle portait une longue robe rose parme retenue par une ceinture dorée richement ornée, et des bracelets tintaient à ses poignets et ses chevilles à chacun de ses mouvements. Un voile blanc couvrait ses cheveux ondulés, maintenu en place par des colliers de tête chaînés auxquels étaient accrochées des médailles, en accord avec ses boucles d’oreilles. Ses pieds délicats étaient chaussés de souliers décorés d’arabesques, faits du même tissus précieux que son châle cousu de perles fines. Son maquillage léger faisait ressortir ses yeux sombres, et mettait en valeur sa chevelure brune.

« D’où viens-tu ? demanda-t-elle au bout d’un moment.

- Qui sait ? » sourit-il.

Elle laissa passer quelques accords, puis reprit :

« Tu es si mystérieux. J’en sais peu à ton sujet, alors que tu connais tout de moi.

- Mon identité importe-t-elle tant que cela ? L’essentiel, c’est que je sois avec toi. »

D’un mouvement de ses doigts, il modula l’air qui s’échappait de son instrument. La musique était désormais plus simple, et légèrement plus rapide. Il commença à fredonner, et elle reconnut un chant traditionnel de ce pays. Elle alla prendre place à ses côtés. La scène demeura ainsi, paisible, le temps d’une chanson. Lorsqu’il enchaîna sur une autre mélodie, elle parla de nouveau.

« Tu ne ressembles pas aux autres hommes de ce pays. Ta peau est plus claire, et bien que tu aies aussi les cheveux noirs, tes yeux bleus trahissent ton origine étrangère.

- Crois-tu donc que je ne viens pas d’ici ? s’amusa-t-il.

- Pas de cet État, en tout cas. D’un royaume voisin, peut-être. Quoique, je ne connais aucune nation dont les membres te ressemblent.

- Et si j’étais le dernier descendant d’un peuple disparu ? »

Tous deux sourirent. Ils demeurèrent ainsi un certain temps, les yeux dans les yeux, sans souffler mot. Il cessa progressivement de jouer. Le silence les enveloppa. Les étoiles et la lune étaient leurs seuls témoins. Il perçut plus qu’il n’entendit un infime froissement de tissus dans la rue en contrebas. Il posa son instrument à côté de lui, puis plongea à nouveau ses yeux dans le regard couleur de nuit de la jeune femme. Leurs souffles se mêlaient, ils ne ressentaient plus la brise fraîche qui s’était levée. Elle s’apprêtait à parler quand elle remarqua un mouvement à l’angle de son champ de vision. Elle tourna la tête dans cette direction. Et prit conscience que dix silhouettes se trouvaient à présent sur le balcon, les entourant. Elle sursauta. Instinctivement, elle se rapprocha du jeune homme. Celui-ci sourit, se leva posément, et l’aida à se mettre debout. Elle s’étonna du fait qu’il n’ait dégainé aucune arme. Il s’adressa à l’un des hommes.

« Vous êtes venus un peu tôt.

- Milo ? Que signifie ceci ? l’interrogea la jeune femme.

- Nous sommes venus régler une vieille affaire, expliqua l’une des ombres, et empocher la prime pour votre assassinat. »

Désemparée, elle regarda tour à tour la silhouette qui lui avait parlé, et celui qui était avec elle. Ce dernier reprit à l’attention de l’autre homme :

« Bon, j’ai fait ma part. Vous avez refusé de me payer à l’avance, à présent soyons quittes.

- Mais tu étais censé me protéger d’eux ! intervint la jeune femme. Je t’avais engagé pour cela !

- Sans imaginer un seul instant que je pouvais travailler pour eux. Quoique, au départ, je ne les avais pas encore croisés.

- Tu n’es qu’un mercenaire !

- Je dirais plutôt : opportuniste. Cette fois-ci, entre les beaux yeux d’une jolie fille et une récompense plus... matérielle, j’ai préféré l’argent.

- Ne t’en ai-je pas suffisamment offert ?

- La somme était assez intéressante, il est vrai. Cependant, ils me payent plus. »

Il reporta son attention sur le meneur des silhouettes. Celui-ci lui lança une bourse pleine de pièces. Le jeune homme l’attrapa au vol et s’empressa de la ranger.

Mieux vaut ne pas vérifier la somme. pensa-t-il. Vu le genre d’hommes à qui j’ai affaire, je risquerai de les contrarier en recomptant.

Il ramassa son instrument et le plaça dans son dos.

« Au fait, ajouta-t-il, je ne m’appelle pas Milo. »

Puis il s’inclina devant son hôtesse et la salua.

« Mes hommages, Madame, au plaisir de vous revoir... dans l’autre monde, peut-être. »

Il lui adressa un charmant sourire et s’en alla, retournant dans la maison pour sortir dans la rue. Avant de s’éloigner entre les riches demeures, il leva le regard vers le balcon.

Dommage, elle était vraiment belle.

Il partit dans la rue, marchant d’un pas tranquille. Désinvolte, comme à son habitude.

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