Complice

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Ils s’étaient arrêtés dans une auberge pour la nuit. Alors que l’obscurité s’étendait au-dehors, ils discutaient dans la salle commune, assis à une table. L’ambiance était détendue, mais la jeune femme ne passait pas inaperçue malgré sa mise discrète. Il faut dire que la population de l’estaminet était essentiellement masculine. La conversation avait dérivé sur divers sujets, et ils en étaient venus à évoquer leur vie à Athènes. Malgré le fait que cette période soit distante de quelques années, ils en gardaient de clairs souvenirs, parmi les meilleurs de leur vie.

« Te rappelles-tu, un jour où nous assistions à une représentation, quand nous avons croisé mon père à la sortie ? demanda-t-elle.

- Il s’y était rendu de son côté, et a été aussi surpris que nous de nous trouver là. se remémora-t-il. Nous avions eu peur qu’il ait deviné. Mais après coup, c’était assez amusant.

- C’est quand même à cause de toi qu’il a commencé à se douter de quelque chose, s’amusa-t-elle, tu avais essayé de me voler un baiser.

- Tu n’y étais pas pour rien non plus, corrigea-t-il, nous étions sur le point de nous embrasser.

- Peut-être… concéda-t-elle.

- D’ailleurs, ton père ne t’a jamais posé de questions à notre sujet ?

- Non, grâce à mes talents de dissimulatrice.

- Même après mon départ ?

- Jamais. » confirma-t-elle.

Ils sourirent. De nombreux moments revenaient à leur mémoire, toutes les fois où ils avaient sauvé leur secret in extremis, celles où un rival avait tenté de conquérir le cœur de la demoiselle – sans succès, bien évidemment –, leurs escapades nocturnes dans la ville endormie, leurs promenades diurnes où elle lui faisait découvrir toutes sortes de curiosités, la douceur de vivre au fil des saisons, et leurs disputes parfois – car leur caractère n’avait rien à envier l’un à l’autre en matière de force et de détermination –, après lesquelles ils passaient plusieurs jours sans se parler mais finissaient toujours par se réconcilier. Ils ne pouvaient se passer l’un de l’autre, à cette époque.

Et puis un jour il était parti.

« Tu as eu d’autres aventures après que je t’aie quittée ? s’enquit-il.

- Quelques-unes, rien de bien sérieux. Disons qu’ils étaient un peu trop conventionnels. Il y a eu ce jeune page, qui avait deux ans de moins que moi, et vivait dans une réalité teintée de romance. Je le trouvais attachant, presque mignon. J’ai aussi un peu fréquenté un noble au caractère fort plaisant, toujours enjoué et prêt à faire de l’esprit. Ou sinon, un qui m’a particulièrement divertie, le fils d’un magistrat, qui s’imaginait pouvoir gagner mes faveurs en m’offrant des bijoux. Mais son père s’est opposé à ce qu’il continue à me voir, il ne me jugeait pas assez bien pour son fils. Et de toute façon il avait fini par remarquer la bague que tu m’avais offerte, et par avoir des doutes.

- Eh bien, commenta-t-il, tu me fais de la concurrence.

- Rassure-toi, je ne compte pas t’égaler en matière de conquêtes. plaisanta-t-elle. Même si j’aurais pu m’y mettre, si je l’avais voulu. Je ne dis pas cela pour me vanter, mais les prétendants se sont succédés au cours de ces dernières années. Mon père aurait aimé que j’en choisisse un, mais finalement il a tranché la question lui-même. Et puis aucun ne me plaisait vraiment, surtout ceux qui avaient la faveur de mon père, les plus fortunés.

- La richesse ne fait pas tout. sourit-il.

- C’est sûr, étant donné que je suis tombée sous le charme d’un vagabond sans le sou. le taquina-t-elle.

- Hé ! protesta-t-il. Je ne suis pas pauvre.

- On se demande d’où tu tiens ton argent… continua-t-elle dans le même jeu.

- Ça, ce sont mes affaires. » dit-il avec un air mystérieux.

Un éclat amusé brilla dans son regard. Un temps passa, puis elle changea radicalement de sujet :

« Tu devrais te couper les cheveux, veux-tu que je m’en charge ?

- Ils sont très bien comme ça, merci.

- Je les trouve un peu longs, moi, par endroits.

- Eh bien ça ne me dérange pas le moins du monde. Ce n’est pas comme si je pouvais me les attacher.

- Non, concéda-t-elle, mais tu as quelques mèches qui font désordonné. »

Elle dénoua l’un des rubans blancs qui maintenaient sa tresse, se leva, et alla le lui nouer comme un bandeau.

« Là, c’est mieux. » déclara-t-elle.

Il lui jeta un regard contenant toute la désapprobation de l’univers.

« Pourquoi décides-tu soudainement de me donner un air présentable, selon toi qui plus est ? demanda-t-il en détachant le ruban.

- Je ne sais pas, répondit-elle sur un ton léger, peut-être que ça m’amuse. »

Il soupira et elle lui fit un charmant sourire.

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