Ami

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Après avoir pérégriné dans diverses régions manquant particulièrement d’activité, il avait décidé, chose rare, de retourner à une ville par laquelle il était déjà passé. Ladite cité se trouvait être en l’occurrence Constantinople. Cette métropole l’avait d’une certaine façon marqué lorsqu’il y était venu la première fois, il s’y était tout de suite senti bien. Certes, il connaissait beaucoup de villes à l’activité semblable, mais l’ancienne Byzance possédait à ses yeux quelque chose de plus, une particularité. Peut-être que l’aura mythique de ce lieu jouait. Et à cela s’ajoutait le mélange culturel, qui entrait évidemment en ligne de compte. Tout en se promenant dans les rues, il retrouvait des lieux familiers, sans vraiment les rechercher. Poser à nouveau les yeux sur des éléments déjà vus lui procurait une sensation inhabituelle tant il était accoutumé à toujours aller de l’avant sans un regard pour le passé. Cette réflexion le fit sourire. Il arriva à une petite esplanade devant un bâtiment administratif. Près de l’imposante porte en bois sculpté s’était formé un attroupement fébrile. Intrigué, il s’en approcha. Il lui fallut un instant pour adapter son oreille à la langue qu’il entendait, puis il put saisir des bribes survolant le brouhaha ambiant.

« L’Assassin Adiutori a été arrêté !

- Comment ? C’est incroyable !

- Dans quelles circonstances…

- Et pourtant si !

- Et à quel moment ?

- … des marchands, sur la Route de la Soie…

- Il paraît qu’il s’est laissé faire.

- Au moins nous serons plus tranquilles.

- Vingt et un.

- Mais non ! Moi, je pense que… »

Ce nom lui évoquait très vaguement quelque chose. Il avait dû l’entendre, lorsqu’il était passé par Vérone, ou par Venise. Peut-être même à Chypre. Enfin, cela n’avait aucune importance.

La ville comptera bientôt un résident de moins. pensa-t-il simplement.

Il s’éloigna, se demandant si le soir venu il irait loger dans une auberge ou chez l’habitant. Il lui restait quelques heures pour se décider, rien ne pressait après tout, et d’après ses estimations il avait plus de chances de trouver un établissement que de croiser la route d’une jouvencelle. Au pire, il pourrait toujours décider de ça à pile ou face.

Il flânait à présent dans un quartier aisé, à en juger par l’architecture travaillée des maisons. Les façades rivalisaient de beauté, en pierre blanche ou colorée, et l’architecture de chaque demeure menait une compétition silencieuse à ses voisines. Il appréciait le décor, particulièrement les larges rues pavées et claires où évoluaient des passants richement vêtus et de fiers cavaliers. Les citadins avaient le même air de noblesse que ceux qui venaient visiter ses amis lorsqu’il était enfant. Il s’amusait à imaginer ce qui se passait dans la tête des membres de la haute société, ceux qui arboraient tous la même expression si distante de la réalité. Il remarqua que la richesse s’affichait de plus en plus à mesure qu’il progressait. Bientôt, il ne passerait plus inaperçu avec ses vêtements un peu poussiéreux et fatigués, et son visage ne dissimulant ni sa curiosité, ni son entrain. De plus son luth était un élément supplémentaire contribuant à le différencier des promeneurs désœuvrés. Le seul accessoire qu’il avait en commun avec eux était sa lame. Mais la plupart des passants possédaient des épées ou des sabres, tandis que lui avait son fleuret.

Il réajusta machinalement son écharpe. Dans le rythme des pas et des sabots claquant sur le pavé, il en décela deux avançant de concert, derrière lui, se rapprochant. Sa mémoire auditive lui fit savoir qu’il connaissait l’une des démarches.

« Azzur ? C’est bien toi ? »

Surpris, il s’arrêta et se retourna. Son étonnement vira à la stupéfaction et il mit un temps à réagir.

« Astrée ?! Mais que fais-tu si loin d’Athènes ? »

Ce fut tout ce qu’il trouva à dire. Face à lui se tenait la jeune femme, toujours aussi belle que dans son souvenir, bien présente malgré sa difficulté à réaliser. Elle était accompagnée d’une autre dame sensiblement du même âge, qu’il ne connaissait pas. Astrée lui sourit, de cet air espiègle la faisant ressembler à une enfant.

« C’est assez court à expliquer, mais je ne vais sûrement pas te le raconter en pleine rue. Allons chez Maryam. »

L’autre demoiselle acquiesça et ils partirent. La dénommée Maryam marchait devant, les guidant. Elle était brune, et ses cheveux ondulés étaient tressés en couronne autour de sa tête. Son visage plutôt commun ne manquait pas de charme, avec ses yeux gris, sa bouche rose, son nez un peu pointu et ses taches de rousseur. Elle avait l’air avenant, et paraissait environnée d’une aura de douceur. Astrée, quant à elle, était restée fidèle à sa façon d’être. Son visage ovale aux traits fins mettait en valeur ses yeux de biche couleur océan. Ses lèvres fines semblaient perpétuellement sourire, et leur teinte rose-rouge rehaussait la blancheur de son teint. Comme à son habitude elle avait lâché ses cheveux d’or, qui cascadaient dans son dos, pareil à un voile tissé de soleil. Comparée à la plupart des femmes, elle était relativement grande. Elle faisait la même taille que le jeune homme. Il remarqua qu’elle portait le même sobre manteau brun que Maryam, mais il pouvait apercevoir par intermittence le tissus bleu pastel de sa robe. Un autre détail attira son attention : à son auriculaire droit, elle portait toujours l’anneau d’or serti de lazuli qu’il lui avait offert. Voyant son regard, elle sourit :

« Je l’ai gardé, oui. confirma-t-elle. Et je constate que tu ne t’es jamais séparé de l’écharpe dont je t’ai fait cadeau.

- En effet. » répondit-il.

À ce moment, Maryam déclara :

« Nous y sommes ! »

Le voyageur leva les yeux vers la maison. Une façade riche agencée avec goût, constituée de pierre claire.

« Entre, l’invita Astrée, une fois que tu te seras reposé je te raconterai tout. »

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