Launch the ball

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S’il fallait citer un endroit où les flirts adultes ne sont pas courants, ça pourrait être le milieu scolaire ! Il faut dire que les enseignantes traînent depuis longue date l’image de femmes coincées, démodées, voire asexuées. Et pourtant elles sont des femmes ayant tout autant de fantasmes et d’activité sexuelle que n’importe quelle autre femme d’un autre corps de métier !

C’est un peu le point de départ d'Iris, prof d’anglais dans cette histoire : l’antithèse de la frigide prof au gilet de laine terne, cheveux gras et lunettes double foyer. Elle est tout sauf fade, enfin, c’est ce qu’elle espère, parce qu’elle a besoin de couleur, d’énergie, de charme pour aborder chaque nouvelle journée qui commence.

Elle a longtemps négligé sa coquetterie, coincée dans un mariage sans sens qui a pris fin encore récemment. Elle arbore fièrement son potentiel sex appeal depuis sa quarantaine passée, même si elle n’en fait pas non plus sa marque de fabrique, parce que ça n’irait pas avec son côté naturel, avant tout sans esbroufe.

Iris compte dans son entourage professionnel quelques relations de travail qui sont devenues des amitiés, et des échanges toujours agréables avec différents autres acteurs de l’établissement.

Pierre en fait partie : un assistant d’éducation grand, ténébreux, sexy, qui fait un malheur auprès des lycéennes en pleine puberté, sans surprise. Comble de chance pour lui, il bénéficie en plus d’un esprit sain dans ce corps sain. Iris le trouve tout à fait à son goût depuis le premier jour où elle avait fait sa connaissance, mais n’imagine pas une seconde qu’il pourrait avoir des vues sur elle, persuadée que de toute façon il doit être marié, et qu’elle ne peut pas rivaliser avec les femmes certainement sublimes qui sont les seules à pouvoir l’intéresser dans le cas peu probable où il serait célibataire. Alors année après année, elle s’assure de ne pas trop l’avoir dans son champ de vision, puisque ça devient un rappel de petite frustration à l’idée de ne jamais dépasser le stade de fantasme. Cela dit, rien de douloureux, l’idée est juste une intime pensée coquine en suspens, sans conséquence, sans ambiguïté ni confusion !

Dans sa vie privée, Iris fait des rencontres depuis le divorce, mais de son côté elle ne laisse pas transformer les essais, préférant remettre les poissons à l’eau au fur et à mesure… Iris serait-elle trop exigeante ? Eternelle insatisfaite ? Trouillarde peut-être ? En tout cas elle ne se voit pas faire semblant, elle respecte trop l’être humain.

Quoi qu’il en soit, parti comme c’est, rien ne prédispose ces deux personnes à un rapprochement, et c’est bien dommage parce qu’un haut potentiel alchimique est pourtant décelable !

C’est quand même un lundi soir, avant la crise sanitaire planétaire, que Pierre fera prendre une première fois une nouvelle dimension à Iris...

Alors qu’elle préparait une dernière fois la séance de cours sur laquelle elle allait être inspectée le lendemain par la rectrice académique, la pression est grande. Iris doit jongler entre le stress du jugement de l’exercice de son métier sur une petite heure, et en même temps elle doit encaisser la toxique relation de fin de mariage qui la tiraille silencieusement au quotidien, malgré les sourires affichés. Ça fait des heures qu’Iris travaille dans sa salle de classe, au bout d’un couloir vidé de ses élèves depuis la fin de leur dernier cours. Alors que Pierre passe devant la salle, il surprend Iris en train de pleurer, la tête entre ses mains, assise à son bureau. Il ne réfléchit pas et entre. Il apprécie Iris et sent sa détresse, qui est tout à fait inhabituelle chez elle, d’ordinaire rayonnante. Elle ne se rend pas compte qu’il s’approche d’elle, et sursaute quand elle sent sa main posée sur son épaule. Elle lève son visage vers Pierre, les yeux remplis de larmes, et n’arrive pas à parler, l’émotion lui serrant trop la gorge. Lui chuchote que tout va bien se passer, que ce n’est qu’une petite inspection et qu’elle n’a rien à craindre. A ses paroles, Iris se lève et se permet de poser sa tête contre le torse de Pierre, en le serrant dans ses bras. Pierre lui caresse les cheveux et pose délicatement sa bouche sur son front. Les mains d’Iris montent sagement et fébrilement sur les épaules de Pierre, et elle le regarde de face cette fois, pour lui dire merci, sanglots dans la voix. Ils se trouvent debout l’un contre l’autre, et il est quasi certain de pouvoir sentir le pouls d’Iris s’accélérer.

Pierre répète que tout va bien se passer, mais Iris ne semble plus penser à l’inspection, ni à son atroce mariage sur sa fin. Elle interroge plutôt le sens de cette scène surréaliste qui la met dans cet état : un état d’émotion fulgurante, qui neutralise ce qui l’avait poussée à bout quelques minutes plus tôt. Un état qui laisse aussi planer un doux moment de flottement : chaque seconde qui passe, elle semble se dire à elle-même : « Non Iris, ne fais pas ça, ne l’embrasse pas. Tu sais même pas s’il est marié. Non, ne regarde pas sa bouche attirante. Ne te noie pas dans ses yeux perçants. Ne le laisse pas voir ta faiblesse pour lui. Ne le laisse pas voir qu’il te plait. Ne rougis pas. Ne fais pas tomber tes filtres ! »

Mais l’ironie de ce questionnement intérieur chez Iris tient surtout dans le fait que Pierre non plus n’est pas indifférent au contact de ce buste contre lui, poitrine battante. Il tient dans ses mains les bras d’Iris, et peut sentir la douceur du satin de son chemisier, qui n’est pas sans rappeler le choix judicieux de cette matière pour les draps d’un lit qu’on élit lieu d’ébats nocturnes accueillant et sexy à souhait. Une matière qui glisse sur la peau, semblant contribuer à électriser les corps. Le satin de ce chemisier ne fait pas exception : il électrise à la fois Iris et Pierre, qui lui caresse les bras avec envie de la saisir plus fort.

Alors qu’Iris, ne sortant pas un mot de sa bouche mi close, s’approche lentement et irrépressiblement de la bouche de Pierre, une sonnerie leur rappelle qu’ils sont en plein milieu d’une salle de classe. Ils se lâchent, d’un air gêné mais en même temps curieux de savoir si chacun est le seul à avoir capté cette osmose momentanée avec l’autre. Ils se sourient, et quand Pierre réalise qu’Iris s’était appuyée contre le tableau à craie, il entreprend de l’aider à enlever de cette poussière blanche sur le haut de son jeans, en lui donnant de petites tapes répétées sur les fesses; Iris, au contraire d’être embarrassée, prend chaque tape comme un cadeau remonte-moral ! Elle sourit d’autant plus et lui dit qu’il est peut-être temps que chacun rentre chez soi, avec un clin d’oeil.

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