Chapitre VIII

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-VIII -

Je l'avais regardée. Fragile, recroquevillée, minuscule, tout comme ces soirs d'orage où petites filles tremblantes et apeurées, nous nous cachions sous notre lit. Serrées l'une contre l'autre, nous sursautions à chaque gros coup de tonnerre et nous bouchions respectivement les oreilles. Toute notre enfance, nous avions pris soin l'une de l'autre. Épreuves et maladies, nous les avions souffertes et traversées ensemble. Si Cassandra ressentait une douleur quelque part, je la percevais au même endroit. Si elle était triste, je l'étais moi aussi. Pour nous, une certitude ! Au premier jour de la fécondation, nos corps et nos esprits s'étaient reliés pour le meilleur et pour le pire. Nous étions dans une alliance charnelle et éternelle. Alors oui ! En prenant pour modèle mon père, je décidais d'être fidèle à ma promesse et de secourir ma Sandra envers et contre tout. Je décidais de ne pas l'abandonner et de faire mon maximum pour qu'elle guérisse... Je décidais de tout faire pour qu'elle ne soit plus dans la confusion mais qu'elle soit pleinement restaurée.

Des larmes d'amour plein les yeux, j'avais décidé de m'occuper de ma sœur à la vie à la mort.

- On va partir... lui avais-je murmuré à l'oreille.

Surprise, elle m'avait questionnée d'une toute petite voix.

- Partir ? Mais où ? Quand ?

- On va partir. On va se cacher et s'éloigner de tous ceux qui te veulent du mal. Je vais t'aider Cassandra. Ce sera nous deux ensemble contre eux Et je te jure qu'on va y arriver. Je te jure qu'on va s'en sortir.

- Se cacher ? Oui... se cacher...

À cet instant, je m'étais aperçue que ma sœur était totalement déconnectée du monde réel et dissociée d'elle-même. Alors que je lui parlais de nous enfuir, elle n'avait manifestée aucune pensée pour nos parents, pour son travail ou ses élèves. Mis à part son délire, plus rien d'autre ne s'incarnait. Elle était coupée de la vie... De sa vie. J'étais troublée. Je m'étais interrogée sur ma place au milieu de cette folie tyrannique.

- Tu m'aimes ? lui avais-je demandé.

Elle m'avait regardée avec des yeux étonnés.

- T'aimer ? Oui... enfin je crois... Je ne saurais le dire...

- Tu as confiance en moi ?

- Oui... Je crois...

- Qui je suis pour toi ?

- Alexandra...

- Mais encore ?

- Je ne sais pas... J'ai peur... c'est tout ce que je sais...

- Habille-toi, on va partir.

- On va où ?

- Tu verras. Fais-moi confiance.

Ma sœur m'avait souri. Ce sourire reconnaissant était semblable à celui reçu la vieille avant d'aller dormir. Il me comblait. Il me donnait de la vigueur. J'allais sauver ma sœur et la libérer de ses démons intérieurs. Je me sentais si forte. Si forte qu'à cet instant précis, j'aurais pu déplacer des montagnes. Par ce sourire, je comprenais où et comment mon père avait puisé sa force pour s'occuper de sa fratrie. Je comprenais qu'à travers les regards perdus de ses frères et sœurs, il avait dû se sentir investi lui aussi d'une mission de sauveteur et de gardien. Oui ! J'allais sauver ma sœur ! Et personne ! Personne ne l'enfermerait ! Personne ne la traiterait de folle à lier ! Personne ne l'asservirait ou ne se moquerait d'elle ! Personne ! Moi vivante, personne n'allait faire du mal à ma Sandra !

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