Encore une dure journée qui s'achevait dans ces draps froids qui étaient les miens. Demain serait semblable sans doute. Une journée comme une autre, comme toutes les autres.

Je fermai mes yeux à ce plafond fade, préférant amplement la noirceur de mes paupières. Encore une nuit seule.

Un toussotement me fit ouvrir les yeux. Mon cerveau mit un temps avant de réaliser que je n'étais plus allongée mais debout, près d'un petit lit en hauteur.

Remise de ce changement étrange de lieu, je reconnus bien facilement la pièce où je me trouvais : ma chambre d'enfance. Ce lit surélevé en dessous duquel j'avais aménagé une petite cachette, un autre matelas y reposait, me permettant mes lectures isolées. À ma gauche je souris en reconnaissant mon hamster, mon deuxième à en croire sa fourrure blanche. À ma droite, une bonne vingtaine de livres entassés dans des étagères. Je n'avais pas besoin de me retourner pour savoir que mon bureau derrière moi était en désordre, couvert de dessin et de cahier d'école que je ne rangeai jamais. C'était bien ma chambre d'enfance, celle de mes premières années.

Je souris en écartant lentement la moustiquaire décorative tombant sur le lit. Une petite fille d'une dizaine d'année était là.

• Tu ne dors pas ?

J'ignore alors pourquoi ma voix d'adulte avait été aussi faible, peut être pour ne pas lui faire peur. La petite fille leva ses yeux verts sur moi :

• J'ai toujours du mal à m'endormir.

Je montai dans le lit avec un sourire, prenant place face à moi-même.

• Sais tu pourquoi ?

Elle leva un instant les yeux pour réfléchir avant de me regarder de nouveau :

• Je pense trop surement.
• Tu penses à quoi ?
• Des histoires.
• Peut-être devrais-tu les écrire ?
• Pourquoi faire ?

Je souris. C'était exactement cette question que je me posais moi-même... Pourquoi écrire toutes ces choses qui m'avait fait rêver étant enfant et qui avaient aujourd'hui disparues... Je regrettais. Alors je me souris, comme pour me rassurer :

• Pour ne pas les oublier.
• Mais... ça ne va pas me servir à grand chose de les écrire.
• Bien sûr que si, quand tu te sens mal que fais-tu ?
• Je lis...
• Eh bien à la place écris, développe tes propres personnages et fait-les évoluer comme toi tu le veux, c'est plus intéressant que de suivre ceux des autres tu ne penses pas ?

Elle hocha finalement la tête avant de la pencher sur le côté, basculant ses frêles cheveux pâles sur son épaule :

• Tu écris toi ?
• Non malheureusement.
• Pourquoi ?
• Je n'ai plus assez de temps pour ça.
• Les adultes n'ont jamais de temps.

Je souris. Elle avait raison. J'avais raison... C'était une vérité que j'avais déjà comprise à cet âge là, mais je m'étais tout de même laissée entraîner dans la machine infernale de la société... comme tout le monde.

Si seulement je pouvais me changer, changer mes choix passés...

Je finis par sourire encore plus. J'étais face à moi-même en ce moment. J'avais la possibilité de me dire toutes ces choses que j'aurais voulu entendre mais que personne ne m'a jamais dites.

• Tu sais que tu es très intelligente pour ton âge.

Immédiatement, le rouge monta aux joues de l'enfant, à son visage entier. Ça n'avait été qu'un simple petit compliment. Mais je devais continuer, pour mon moi du passé, et pour ma conscience d'adulte.

• Et puis tu es très mignonne comme tu sais. Il ne faut pas croire tout ce que ces filles te disent à l'école, elles sont simplement jalouses que tu aies de meilleures notes. Franchement tu les trouves belles, elles ? Moi non, pas du tout. Tu as de beaux yeux, alors ne les crois pas et si elles t'embêtent encore, souris leur.

Elle eut un moment d'étonnement face à moi. Mais finalement ses lèvres s'entrouvrirent dans un murmure :

• Toi aussi tu es belle, j'aimerais être comme toi plus tard.