Sic itur ad astra

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 Enfant, j'avais ce rêve flottant dans ma tête, celui de m'envoler comme les rouges-gorges de mon jardin. Si ce n'est bien plus haut encore. Mon avenir, je le voyais 100km au dessus du sol où je me tenais, pourtant à cette époque je ne connaissais pas encore la distance qui m'en séparait. Je voulais être Astronaute ; piloter une fusée, premier arrêt Lune, avant de passer le portail galactique le plus proche et foncer vers l'inconnu, sûre de percer les secrets de l'univers et de nombreuses civilisations encore inaccessibles.

J'ai abandonné ce rêve peu de temps plus tard, de but en blanc quand, encore à l'école primaire, j'ai vu à la télé l'épreuve de la centrifugeuse que j'allais devoir affronter. Et oui, juste pour ça ! Vous me direz ce que vous voudrez, n'empêche qu'à ce moment là je me disais qu'il fallait être sacrément fracassé pour accepter de monter dans cet engin !

Pendant longtemps ensuite, j'ai voulu devenir pilote d'avion de ligne, ce qui me paraissait fantastique. Jusqu'à ce que je comprenne qu'on ne choisissait pas la destination de l'avion, et que ça ne me permettrait pas de passer autant de temps que ce que je prévoyais avec ma future famille. Dès mon plus jeune âge, j'ai eu les pieds sur Terre. D'un autre côté, j'ai toujours eu la tête en l'air, ce qui a contribué à former le petit paradoxe que je suis aujourd'hui.

Je suis quelqu'un qui a du mal à choisir entre me résigner face à la réalité ou rêver encore et encore.

 À titre d'exemple, petite j'étais fascinée par l'anime Heidi. C'est ainsi qu'un jour j'ai pris la décision radicale que pour ma retraite, je changerai de vie et je partirai élever des chèvres en haute montagne. Vous avez bien lu, à l'âge de 7 ans et demi je planifiais déjà ma retraite sans même savoir quel serait mon futur métier. C'est peut-être le seul rêve de mon enfance qui finira par se réaliser.

Obligée de prendre conscience du fait que mes pieds resteraient sur Terre, j'ai passé en revu tout les métiers qui me plaisait sans pouvoir en choisir un, leur trouvant toujours un ennui à mon égard. C'est comme ça qu'après une visite de ma classe de grande section à la boulangerie du village, l'agréable odeur du pain m'ayant fait fondre, j'annonçais le soir même ma nouvelle vocation à mon père. Il rétorqua alors que moi, tortue somnolante à toute heure, je serai absolument incapable de me lever aux alentours de 4-5h du matin comme cela était nécessaire. Nouvel abandon radical ! - Fleuriste ? Allergique au pollen et très mauvaise commerçante ; au vu de mes capacités exceptionnelles à faire faillite dans les jeux de sociétés et les jeux vidéos. - Acrobate de cirque ? Je ne savais même pas qu'on pouvait le devenir en passant par des écoles spécialisées si on ne naissait pas dans une famille du cirque, et mon niveau en gymnastique n'était pas à la hauteur.

Comme nombre d'enfants, j'étais bien sotte de vouloir grandir si vite. La vie d'enfant m'apparait maintenant tellement plus simple, la même chose pour celle des chats en passant.

 Je suis entrée au collège avec la vocation de devenir vétérinaire chirurgien dans une réserve africaine ou en zoo, malgré mes allergies aux animaux. Je connaissais déjà la durée des études post-bac nécéssaires, environ 10 ans. Ma détermination s'est intensifiée brutalement quand la documentaliste, une vieille femme un peu aigrie mais pas foncièrement méchante communément appelée par les élèves "la dame du CDI", nous montra sur le mur "Le schéma des études supérieures - les principaux itinéraires de formation après le baccalauréat", et se moqua sarcastiquement de moi devant toute la classe avant de me dire que je n'y parviendrais jamais. Elle l'a affirmé avec conviction mais ne connaissait ni mon nom, ni mes résultats scolaires, ce qui m'a mise dans une rage intérieure folle. Il faut savoir que je ne tissais pas facilement des liens avec mes camarades, je suis toujours un peu paresseuse, si ce n'est plus qu'avant, mais d'un tempérament sérieux qui m'a toujours permis d'obtenir d'excellents résultats. Grossièrement, le portrait de la bonne élève toujours sage à laquelle les professeurs ne disent rien quand elle se met à dormir sur la table ou dessiner sur ses cahiers, faisant parfois enrager les autres. Il ne faut pas croire que je n'écoutais plus dans ces moments là, j'avais toujours une oreille à l'affut, et je travaillais chez moi consciencieusement sous le regard attentif de mes parents plein d'attente. Timide, stressée, impulsive, avec de rares mais fidèles amis que je côtoie encore aujourd'hui, telle étais la jeune fille que j'étais à une époque où j'étais persuadée que la moyenne n'était pas à 10 mais à 15.

 C'est finalement au lycée que j'ai réalisé que, bien qu'ayant certainement les capacités de suivre ce genre d'études, le métier en lui même ne me correspondait pas, et qu'il était sot de m'y accrocher aussi bêtement parce qu'une vieille dame m'avait sans le vouloir mise au défi d'y parvenir. Qu'est-ce que j'espérais ? Décrocher mon diplôme et retourner la voir pour lui dire "Vous avez vu ? J'ai réussi." et qu'elle me réponde alors : "Mais vous êtes qui ?" Ce serait vraiment l'erreur la plus idiote que j'aurais pu faire.

Je me suis alors découvert un vraie vocation, l'enseignement. J'adorais encadrer, expliquer, apprendre. Il m'a fallu trois ans pour réussir à choisir entre les mathématiques, le français et les sicences de la vie et de la terre. Les maths ont été éliminées les premières, elles m'ont mises à rude épreuve, ça a même fini par me faire le même effet qu'apprendre une langue étrangère : possible, mais avec des efforts impressionnants à fournir. Quant au français, ça a été le choix le plus difficile, ma professeur de l'époque souhaitant même que je quitte ma filière scientifique pour me réorienter en littéraire. J'ai continué les sciences, qui me paraissait ouvrir plus de portes, et ce n'est que lorsque j'ai dû faire un choix définitif en terminale que j'ai opté pour la SVT. Mon coeur se déchirait en deux mais ça me paraissait le choix le plus juste envers moi même. Je ne pouvais pas abandonner les sciences, et à travers elle je continuerais d'écrire, je pourrais lire à côté et même continuer de raconter mes histoires. L'inverse est aussi possible, mais dans le cas où je choisirais de me réorienter, ça me paraissait plus accessible dans cet ordre là.

Finalement, il y a trois professeurs au lycée qui m'auront le plus inspiré et appris à grandir, me poussant à surpasser ma timidité et me confortant dans ma vocation; le premier était mon professeur d'histoire-géo de seconde, quant aux deux autres il s'agissait de mon professeur de physique-chimie et de mon professeur de philosophie de terminale.

 Je suis actuellement mes études dans une faculté de sciences, toujours convaicue que ce métier est fait pour moi, et qu'il me laissera parfois du temps à la fois pour créer un foyer aimant et vivre ma passion de l'écriture.

Pourtant, cet hiver, un évènement a boulversé ma vie. Si violemment que j'ai cru voir la terre se lézarder sous mes pieds. Je suis tombée au fond d'un gouffre d'où je ne pouvais même plus voir la couleur du ciel. Il m'a fallu plusieurs mois pour en sortir, essayant de grimper la paroi lisse comme du verre. Un soir de ras-le-bol, excédée par la quantité de choses qu'il me fallait apprendre, dépassée par les heures de cours et les examens qui s'enchaînait sans me laisser le moindre répis pour réfléchir à qui j'étais, je regardais le ciel étoilé. J'ai songé que si soudain un génie surgissait et me proposait de répondre à une seule question, une seule et unique question... je lui demanderai : qu'est-ce que l'univers ? Pour savoir jusqu'où l'espace s'étend, dans quel but, pourquoi ne puis-je pas l'atteindre ?

Au début de l'été, j'ai organisé mon premier voyage, je ne suis pas partie très loin, je suis allée visiter une correspondante à Prague. Ce fut mon premier vol en avion, la toute première fois que je quittais le sol de cette façon. J'ai été chamboulée, submergée, noyée par une émotion incompréhensible. Pourtant, il y a tant de merveilles à voir sur Terre.

En réalité, je suis toujours aussi fascinée par mon premier rêve d'enfant. Et ces derniers mois, en me renseignant, en regardant la lune, je me suis dis; pourquoi pas moi ? Pourquoi ne pas essayer ? Tant qu'il n'est pas trop tard, tout abandonner, recommencer, changer de vie, et y aller ?

21.07.2019,

Déchirée entre la Lune et les fleurs d'encre qui poussent sur les jardins de papier.
Déchirée entre voyager au bout du monde ou quitter ce dernier.

Déchirée en larmes intérieures, fragments de cristal invisibles et coupants.
Déchirée en feuillets éparpillés, comme soufflés par le vent.

19.02.2019,

Autrefois j'avais un rêve,

Envolé avec l'enfance qui passe et s'achève,

Je voudrais rencontrer un mage,

Qui avec un regard de folie sage,

Dirait « C'est écrit dans les runes,

Un jour, oui, tu iras sur la lune. »

« Mais pour toucher les étoiles du doigt,

C'est un autre chemin qui s'ouvrira à toi. »

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