Chapitre 9

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Après avoir suivi Chad pendant de longues minutes, serpentant entre les ruelles sombres, Lucy se retrouva à l'intérieur d'un bâtiment assez bien conservé. Bien sûr, ce n'était pas aussi flambant neuf que son appartement ou sa maison familiale, mais au moins l'endroit tenait debout et les murs ne laissaient pas tous entrevoir l'extérieur. La jeune femme se trouvait dans ce qu'elle estimait être un salon : quelques chaises, une table et une banquette plus ou moins bien entretenue, malgré la poussière et les quelques décombres, cela ressemblait dans l'ensemble à un espace de vie. Chad s'installa tranquillement sur une des chaises et invita la rousse à en faire de même, qui, toujours suspicieuse, s'exécuta avec attention.

« Bienvenue chez moi. Enfin chez moi... ici. »

Lucy hocha la tête face au sourire triste du brun. Ses yeux semblaient, l'espace d'un instant, perdus dans de lointains souvenirs passés. Il était évident que Chad ne considérait pas cet endroit comme sa véritable maison, et en cet instant la jeune femme pu voir à quel point il avait lui aussi envie de rentrer, de retourner dans son propre monde. Ce dernier quant à lui soupira longuement pour se reprendre, effaçant son air mélancolique, puis il commença ses explications tant attendues sous l'œil curieux de la rousse.

« Comme tu t'en doutes, ici ce n'est pas une ville ordinaire. En fait plus qu'une ville, on peut appeler ça une prison. »

Lucy écarquilla les yeux de surprise. Une prison ? La jeune femme n'avait jamais rien fait qui justifiait le fait de se retrouver en prison, qui plus est l'endroit ne ressemblait pas vraiment aux prisons qu'on pouvait voir dans les séries ou les films qu'elle avait regardé. Alors pourquoi qualifier cette ville de prison ?

« Ne fais pas cette tête-là, non tu n'as pas été condamnée à mort t'inquiète pas. Enfin, qui sait, ça aurait peut-être été mieux que ce soit le cas, au moins tu ne serais pas ici. Chad marqua une pause, l'air pensif. Bref ! Je disais, cette ville est une prison. Comment t'expliquer... Ah, je sais. Dis-moi, est-ce que, en entrant ici, tu as eu une piqûre dans le cou ? Un léger picotement, rien de bien méchant.
- Euh non je... Oh ! La piqûre de moustique ?
- Une piqûre de moustique ? »

Chad observa Lucy un moment avant de se mettre à rire. Bien que la rousse ne comprit pas exactement ce qui avait causé l'hilarité de l'homme face à elle, elle ne pu s'empêcher de se sentir presque soulagée d'entendre quelqu'un rire, de savoir que même dans ces lieux, c'était toujours possible. Qui plus est, elle était forcée d'admettre que Chad avait un certain charme quand il souriait comme cela, ce qui contrastait avec l'air sérieux et l'ambiance pesante dans laquelle ils se trouvaient il y a encore quelques instants.

« Haha ! Oui j'imagine que ça peut être comparé comme ça, mais quand même.. Chad souffla, calmant son rire. Malheureusement ce n'était pas une simple piqûre de moustique. D'ailleurs tu remarqueras qu'étrangement, dans ce désert, il n'y a pas la moindre trace de vie passé un certain point. Pas de verdure, pas d'animaux, pas d'insectes... rien.
- Alors.. qu'est-ce qui m'a piquée ?
- Les tours qui encerclent la ville. »

Lucy haussa un sourcil et observa Chad d'un air dubitatif. L'espace d'un instant, elle se demanda s'il avait encore toute sa tête. Depuis quand les tours pouvaient piquer comme des moustiques ? Il était question d'un bâtiment, pas d'un insecte.

« Me regarde pas comme ça, je suis pas fou, ce sont vraiment les tours qui t'ont piquée. C'est un peu comme si quelqu'un t'avait tiré dessus depuis la tour en fait, sauf qu'il n'y a personne dedans.
- Tu veux dire que la tour a une sorte de mécanisme qui tire sur les gens qui entrent ?
- Oui, c'est l'idée. »

La jeune femme était de plus en plus confuse. Il était vrai que les tours semblaient neuves et avaient un aspect "technologie avancée" sortie de science-fiction, mais pourquoi diable vouloir tirer sur ceux qui entraient dans la ville ? D'autant plus que le choc ne tuait même pas, et n'était pas particulièrement douloureux non plus. Alors quelle pouvait être l'utilité en un tel coup ? Ça n'avait aucun sens.

« Vas-y, touche l'endroit où tu as été piquée, mais n'appuie pas trop fort surtout. Tu comprendras mieux. »

Toujours septique, Lucy s'exécuta. Elle vint délicatement poser sa main sur la base de sa nuque où elle avait été piquée plus tôt et massa son cou pour retrouver la zone précise. Du bout de ses doigts, elle chercha la marque d'une piqûre, une petite plaie ou n'importe quoi que le coup aurait pu laisser. Soudain, elle sentit quelque chose de dur sous sa peau. C'était très étrange, comme si un petit bout d'os s'était détaché pour venir se poser plus loin. En massant un peu plus la zone, Lucy estima que cette chose dans son cou était sphérique, pas plus grande qu'une de ces billes jaunes qu'on tirait à l'aide de pistolets quand on était enfant. Elle n'avait pas l'air enracinée comme un os le serait pour autant, puisque la petite bille se décalait légèrement quand la rousse appuyait à côté. Lucy continuait à exercer toute sorte de pressions sur la zone, souhaitant identifier ce qui se trouvait dans son corps. Mais d'un coup rapide, Chad lui attrapa le poignet et éloigna vivement sa main de son cou, l'air paniqué.

« Arrête ! Ne touche pas plus, ça pourrait exploser ! »

Lucy se stoppa net. Elle resta interdite un instant face aux mots de Chad. Exploser ? Exploser comme.. une bombe ? La rousse chercha un signe dans les yeux de l'homme face à elle, quelque chose lui montrant qu'elle avait tort de penser à une bombe, que c'était moins grave que cela, mais tout ce qu'elle y vit fut la confirmation de ses craintes. Malheureusement, le brun semblait très sérieux. On pouvait lire l'inquiétude et l'effroi sur son visage, ne laissant aucun doute sur les choses épouvantables auxquelles il avait dû assister. Alors Lucy se figea. Une bombe, elle avait une bombe dans le cou. Quelque chose qui menaçait d'exploser à chaque instant, qui pourrait la tuer en un claquement de doigt. Elle avait été confrontée bien des fois à la mort depuis ces derniers jours, bien trop pour un être humain à peine passé à l'âge adulte, mais savoir qu'à présent ce danger serait toujours avec elle, c'était trop pour la jeune femme. Sa respiration commença à se faire plus courte, plus rapide. Elle avait du mal à garder une vision nette, les contours des choses qui l'entouraient devenaient flous. Chad, en voyant l'état de panique dans lequel Lucy s'enfonçait, réagit rapidement. Il attrapa gentiment les épaules de la rousse et pris la voix la plus calme qu'il puisse, essayant de se montrer le plus rassurant possible.

« Hey, calme toi, ça va aller d'accord ? Tu ne cours aucun danger tant que tu n'essaies pas de le retirer. Je t'assure, ça va aller. »

Chad offrit un regard doux à Lucy, qui avait encore du mal à garder une respiration normale. Il posa sa main sur la joue de la rousse pour lui faire relever ses yeux paniqués vers lui.

« Là, regarde moi. C'est bien, respire. Tu t'en sors comme un chef. Tu vois, tout va bien. »

Peu à peu la respiration de la jeune femme ralentit, se casant sur celle de Chad, et ses pupilles dilatées reprirent une taille normale. Essoufflée, la rousse eut besoin d'un moment avant de reprendre contenance, consciente qu'elle avait échappé de peu à un état bien plus grave grâce à l'homme face à elle, qui gardait toujours un œil inquiet sur Lucy. C'était déjà la deuxième qu'il l'aidait en si peu de temps, et pour ça la jeune femme lui en était sincèrement reconnaissante. Peut-être s'était-elle fait un allié de taille après tout.

« Excuse-moi, ça ne m'était jamais arrivé avant.
- T'inquiète pas c'est normal, n'importe qui pourrait réagir comme ça face à cette nouvelle, c'est moi, j'aurais dû y aller plus en douceur. »

Chad retira sa main du visage de Lucy avant de lui offrir un sourire rassuré, que la jeune femme lui rendit difficilement.

« Tu veux que je continue à t'expliquer ? Ou tu préfères qu'on s'arrête là pour aujourd'hui, le temps de te reposer un peu ?
- Non ça va aller, continue.
- Comme tu le sens. »

Le jeune homme marqua cependant un léger temps de pause, observant le visage de Lucy, afin d'être sûr de ne pas la remettre dans pareil état. Cette dernière avait l'air sûre d'elle, toute la panique qui l'avait habitée quelques instants plus tôt ne semblait plus être qu'un lointain souvenir. Chad fut soulagé face à cette vision. Décidément cette femme était très forte, il était persuadé qu'elle n'aurait aucun mal à s'adapter ici.

« Alors, pour commencer, cette... chose que tu as dans le cou a un rôle très important dans l'élaboration de cette prison. En fait, c'est à cause d'elle que tu ne peux plus sortir d'ici.
- Comment ça ? Je ne peux plus sortir ?
- Non, une fois entré dans cette ville, personne n'en ressort. Ou du moins, pas vivant. »

Lucy avala difficilement sa salive, tentant de garder son calme. Elle se souvint subitement du vieil homme qu'elle avait vu plus tôt dans la journée, celui qui était retourné dans le désert. Elle se souvint aussi de sa mort, à l'instant précis où il avait posé le pied en dehors de la ville. Et maintenant qu'elle y repensait, sa blessure fatale avait été proche de sa nuque...

« La bombe.. explose quand on essaie de sortir ?
- Précisément. Elle explose quand on dépasse les tours et quand on essaie de la retirer. »

L'appellation de "prison" prenait maintenant tout son sens. Alors c'était vrai, ils étaient bel et bien prisonniers de ces murs. Dès l'instant où ils poseraient le pied dehors, ce serait la mort assurée. Deux choix s'offraient donc aux personnes coincées ici : rester ou mourir. Mais pourquoi ? Pourquoi un tel endroit existait-il ? Et qui pouvait bien l'avoir construit ? C'était impensable de confronter des personnes à une telle situation, tout simplement inhumain. Au fond de Lucy, une rage bouillonnait. La peur avait laissé place à une grande colère contre les personnes ayant créé cet endroit, contre celles qui privaient de pauvres personnes de leur famille et amis, et les confrontait à la mort. En cet instant, la jeune femme se jura qu'elle survivrait. Pour retrouver ses proches, mais aussi et surtout pour faire payer à ces monstres. Oui, elle se le promettait, la rousse trouverait les coupables coûte que coûte. Mais avant tout, elle avait besoin de sortir de là. Il fallait qu'elle prévienne le monde de l'existence de cet endroit, pour que plus personne jamais ne s'y aventure, et pour sauver tous ceux qui, comme elle, étaient prisonniers.

« Et... il n'y a aucun autre moyen de sortir ?
- En fait, il pourrait y en avoir un. »

Lucy avait posé la question sans grandes convictions, mais elle avait tout de même été surprise par la réponse de Chad. Alors finalement il y avait peut-être une autre solution... Tant mieux, la jeune femme n'était pas prête à perdre tout espoir si tôt. C'est pourquoi, curieuse, elle écouta avec attention les paroles du brun.

« Au centre de la ville, il y a un grand ascenseur. Certains disent que la ville s'étend sur plusieurs niveaux, et qu'au niveau le plus bas se trouvent les personnes qui ont créé cet endroit. Alors si on veut sortir, je pense que c'est à eux qu'il faut s'adresser. »

Sortir et trouver les responsables de cet enfer en suivant le même chemin ? C'était trop beau, Lucy n'aurait même pas besoin d'enquêter pour pouvoir les démasquer si l'information s'avérait véridique. Cependant si c'était aussi facile que simplement prendre un pauvre ascenseur et descendre quelques étages, pourquoi Chad n'avait-il pas quitté les lieux plus tôt ? Il devait probablement y avoir certaines conditions pour accéder à l'ascenseur en question, ou peut-être était-ce relativement dangereux de s'en approcher. Mais plutôt que de continuer à faire des suppositions à tout vent, Lucy attendit patiemment que Chad ne continue ses explications.

« Comme tu dois t'en douter, prendre l'ascenseur n'est malheureusement pas si simple : il ne s'ouvre qu'avec une clé très spécifique.
- Une clé ? »

Soudain, Lucy se souvint de la petite clé qu'elle avait trouvée dans sa poche quelques jours plus tôt. Avait-elle un lien avec celle dont parlait Chad ? Si c'était le cas, alors la personne qui le lui avait donné était forcément celle qui avait posé les cairns qu'elle avait suivis, puisque logiquement, elle aurait voulu que la rousse se retrouve ici pour l'utiliser. Mais si c'était le cas... combien de temps Lucy était-elle restée inconsciente exactement ? Combien de temps avait-il fallu pour mettre en place tous les cairns et lui donner la clé ? Elle pensait initialement n'avoir perdu conscience que quelques minutes, cependant à présent Lucy n'était plus sûre de rien. Mais peu importait, elle demanderait des réponses aux personnes l'ayant amenée ici quand elle les rencontrerait, quelques niveaux plus bas. S'il suffisait d'une clé, alors la rousse en avait une, cela ne serait pas un problème. Passant la main dans la poche où elle avait auparavant rangé le petit objet, Lucy en ressorti rapidement la clé dorée qui l'avait tant inquiétée pour la montrer à Chad, en espérant qu'il s'agissait bien de ce dont ils avaient besoin.

« Une clé... comme ça ? »

Le regard du brun s'illumina un bref instant en voyant l'objet que Lucy venait de sortir, comme s'il était en train de contempler le plus beau joyau du monde. Cependant il se reprit très rapidement, retrouvant son calme habituel afin de fournir de nouvelles explications à la jeune femme.

« Non, ta clé est beaucoup plus précieuse. La clé d'or est la clé de la sortie. »

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