Épilogue

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Les trois gardes étaient pendus aux lèvres du capitaine Gantz. Le plus jeune, impatient d’entendre la suite, brisa le silence :

— Et après, Capitaine ?

Gantz avala le reste de son gobelet. Le fond d’hypocras, froid et chargé d’épices, lui arracha une grimace.

— Après ?

Il se leva, récupéra son bouquet de fleurs, son manteau et son tricorne, avant de se diriger vers la porte. La carriole des trafiquants de cadavres venait de s’immobiliser en grinçant devant la grille.

— Après… c’est une histoire qui n’est pas achevée. Celle d’une petite hyène qui a déterré un lycaon pour lui coller un médaillon contre la poitrine, emprisonnant à jamais un démon en lui.

Il plongea la main entre les boutons de son veston, tâtant machinalement le pendentif incrusté dans sa chair, punaisé à la gemme noire qui palpitait à l’intérieur de son corps.

— Ne vous laissez jamais corrompre.

Il poussa la porte. Dehors, les deux trafiquants de cadavres s’impatientaient face à la grille fermée. Apercevant le chef de la milice, les billes noires de leurs yeux de rongeurs brillèrent d’effroi. Mortimer contourna la carriole et sauta sur le plat bord arrière, s’asseyant derrière les cercueils, les jambes dans le vide.

— Déposez-moi au tombeau de la louve, juste après le caveau des Barry. Ensuite, vous irez remettre vos corps en terre.

Le plus jeune des deux rats, un gamin inexpérimenté, poussa un sanglot de soulagement. Mortimer se demanda si Svalta trouverait sa clémence idiote. Parfois, on agissait en pensant bien faire, et on fourrait son doigt dans un tombereau d’emmerdes. D’autres fois, on se comportait comme le dernier des fumiers, et on parvenait à s’en sortir. Où était la logique ?

Les rats le déposèrent devant la tombe de Svalta. Une silhouette était penchée sur le gisant, une couronne de fleurs à la main.

— J’espérais que tu viendrais, souffla Perle Barry, un sourire sur le visage.

Le lycaon déposa ses fleurs rouges sur le marbre blanc, sous le visage sculpté de la louve. Le sacrifice de Svalta avait permis le revirement des hyènes, dont Perle Barry était devenue la nouvelle guide. De fil en aiguille, sous sa houlette éclairée, les pouvoirs de la République avaient été restaurés. Lycaons et loups, de retour sur le devant de la scène à la faveur du déclin des hyènes, s’étaient à nouveau impliqués dans les institutions. La mission de Svalta avait dépassé leurs espérances. La petite infiltrée était devenue une héroïne romanesque. Mortimer, lui, ballotté par les événements, en avait été éclaboussé au-delà du rôle hasardeux qu’il avait réellement tenu. Emporté par les bouleversements d’Héliocanis, il avait fini du bon côté de la pelle : chef de la milice de la nouvelle bourgmaestre. Cependant, il demeurait affligé par les souvenirs de ce crépuscule furieux.

— Je peux te poser une question, Perle ?

Elle opina.

— Pourquoi tu m’as déterré, cette nuit-là ?

La hyène considéra le marbre luisant de pluie.

— Je te devais une résurrection.

Elle s’éloigna. Mortimer hocha la tête et murmura :

— Alors, tu me la dois toujours. Parce que mon âme est restée au fond de ma tombe. Et mon cœur est mort dans celle-ci.

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