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Le capitaine Gantz, chef de la milice d’Héliocanis, s’arrêta face à la grille du cimetière, frontière de fer dont les pointes acérées le séparaient du monde de ceux qui n’étaient plus. Dans sa main gantée, une gerbe de fleurs pleurait des pétales rouges emportés par le vent. Un garde sortit de la guitoune, la tête entre les épaules, son museau dégoulinant de pluie malgré la visière de sa casquette, et s’empressa d’ouvrir la poterne.

— Sale temps, capitaine, maugréa-t-il. Il est tard, j’allais fermer !

— J’en aurai pas pour longtemps, Flint.

— Vous passez boire un petit hypocras chaud avec les gars, avant ?

Gantz releva son tricorne dégoulinant d’eau et hocha la tête avec un sourire qui révéla ses canines de lycaon. Les chiens et les lycaons avaient appris à se respecter, même s’il n’en avait pas toujours été ainsi.

— Avec plaisir.

Il suivit le gardien jusqu’à la conciergerie, une bâtisse en pierre, adossée au mur d’enceinte. Dans la salle de repos, un poêle en fonte turbinait en ronflant. Une casserole cabossée glougloutait dessus, dégageant un parfum d’épices et de miel. À son entrée, deux gardes qui tapaient le carton se levèrent en trombe, un air gêné en travers de leurs museaux ébouriffés. Gantz leur donna congé d’un signe de sa main libre.

— Qui gagne ?

Le plus vieux des deux, un sergent au regard doux et usé, laissa échapper un rictus.

— Moi, chef, qui vous voulez que ce soit ?

Le regard de Gantz se perdit au-delà des truffes de ses gars, pensif. Il se détourna et essuya de sa main gantée la vitre couverte de buée. Dehors, le vallonnement des tombes et caveaux s’effaçait derrière des lambeaux de bruine.

— On vous attendait pas aujourd’hui, chef, hasarda le sergent. On aurait fait un peu de ménage.

À travers le verre humide, Gantz discerna la silhouette d’une carriole arrêtée près d’un tombeau.

— Des trafiquants de cadavres…

Il se tourna vers ses hommes, dont les attitudes trahissaient une angoisse soudaine. Gantz comprit qu’ils étaient au courant. Sans doute avaient-ils été payés pour fermer les yeux.

Enfin, comme à contrecœur, le sergent attrapa un ceinturon, glissa une rapière dans son fourreau et fit un signe de tête aux deux autres, qui semblèrent se réveiller.

— On va s’en occuper, chef.

— Laissez, sergent, ordonna Gantz.

Il tira une chaise vers le poêle et jeta ses fleurs sur la table. Les gardes se regardèrent avec des airs indécis, sans que l’anxiété s’en fût totalement effacée.

— Je vais vous raconter une histoire, reprit Gantz en retirant son manteau trempé. Une histoire de cadavres et de gars qui se seraient peut-être abstenus de les déterrer s’ils avaient eu conscience du prix à payer.

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