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_ Mais oui maman, je suis sur la route là. Promis je ne traine pas, je file directement à ma voiture. 

Ma mère à l'autre bout du fil semble mécontente de mon retard. Je devais rentrer à la maison après les cours, mais j'ai souhaité rester un peu plus à la bibliothèque pour réviser. Il est désormais 18h30, il fait nuit mais surtout il fait froid. Mes lèvres soufflent un petit nuage blanc de vapeur à chacun de mes mots. J'enfonce davantage mon bonnet sur les oreilles et me précipite vers le parking située trop loin à mon goût.

_ Bon maman, je vais raccrocher là. Je ne sens plus mes doigts avec ce froid, lui dis-je agacée. 

La tension qui règne à mon domicile ne m'encourage pas à me dépêcher, malgré le froid qui me transperce. Mon père et ma mère passent tout leur temps à se disputer voire même à parler de divorce. Les cris, les pleurs, la tristesse font partie de mon quotidien depuis plusieurs semaines. La cause ? La routine d'un vieux couple sûrement. 

_ Je sais être prudente sur la route, tenté-je de la rassurer. On se voit dans vingt minutes, je t'aime.

Je raccroche pour de bon et souffle d'exaspération. Si ma mère insiste tant pour que je rentre tôt, c'est pour ne plus supporter la présence de mon père. Et j'en ai marre d'endosser  ce rôle. 

Ecouteurs dans les oreilles, je suis sur le point d'actionner une musique lorsque un bruit de moteur se fait entendre. La voiture roule assez lentement, peut-être dû à la route qui glisse ? Pourtant les routes ne me semblent pas si glissantes... Je fais abstractions et la musique me détend. Je ne me sens pas en sécurité. 

_ Putain pourquoi j'ai garé ma voiture aussi loin ? craché-je contre moi-même.

Or, je sais pertinnement qu'il n'y avait pas de meilleures places en arrivant ce matin. La voiture continue de me suivre. J'en suis certaine maitenant. Pas étonnant, les hommes rodent souvent près des universités, tels des prédateurs à l'affût. Je me tâte à rappeler ma mère ou n'importe qui d'autre pour ne pas paniquer. Au pire je sais me défendre non ? Un coup de pied dans les parties, et je le ferais fuir non ? Je me pose trop de questions. 

J'ai une terrible envie de courir lorsque ma voiture entre dans mon champ de vision. Le problème étant que je porte des talons et que je ne vois même pas où je marche. Une soudaine envie de me taper me prend, d'avoir été si stupide de rester à la bibliothèque jusque si tard. Ou bien de ne pas avoir mis des baskets pour changer. 

Toujours aux aguets, je suis prête à appeler ma mère mais aussi à déployer mon genou si ça tourne mal. Sauf que contre toute attente, il est trop tard. Une main munie d'un torchon presse -ou écrasent- mes lèvres. Je me débat du mieux que je peux : coups de pieds, coups de coudes et mêmes griffures y passent. 

_ Mais quelle conne ! s'écrit l'homme avant de relacher sa main.

Mes yeux s'embruement et m'empêchent de voir quoi que ce soit dans la pénombre. Je me mets à courir jusqu'à mon véhicule, mon bonnet tombe sur le sol et le froid glacial me fouette. Désespérée, je fouille dans mon sac pour y chercher mes clés. Les larmes ruissellent sur mon visage, de peur mais aussi à cause du produit toxique présent sur le chiffon. 

_ Putain ! 

Mes clés sont introuvables. Je panique lorsque la silhouette de l'homme se tient devant moi et que la voiture est désormais collée à la mienne. Ils sont deux. Peut-être plus. C'est trop tard.

...

Cela fait maintenant plusieurs heures que je suis réveillée et que je me demande toujours ce que je fais ici et pourquoi. Mes longs cheveux bruns collent à mon visage et certains sont même dans ma bouche, me dérangeant plus qu'autre chose à force de gigoter pour me défaire de mes cordes. Je bouge dans tous les sens assise sur cette chaise peu confortable, mais je me résigne lorsque je constate que c'est peine perdu. C'est quoi ce bordel ? J'aimerais hurler de toutes mes forces. J'ai vraiment peur. 

J'essaie de passer la corde enroulée autour de mes poignées sur le dessus de la chaise pour pouvoir m'en libérer, mais en vain. Des milliers de questions se bousculent dans ma tête : pourquoi suis-je ici ? Avec qui ? Pourquoi je ne me souviens de rien ? Et puis l'image de ma famille apparaît dans un coin de ma tête, je prie pour que rien ne leur soit arrivé. Suis-je d'ailleurs chez moi ?

Je plisse mes yeux dans l'obscurité dans l'espoir de reconnaître n'importe quoi de familier, tenter de découvrir si je suis chez une amie ou si ce n'est qu'une mauvaise blague.  Mais contre toute attente, la pièce est vide, bien que humide et sûrement infestée d'araignées. Je frissonne face à cette pensée, surtout que mon ennemi actuel n'est pas cette petite bête. L'odeur d'humidité mélangée à ma sueur me donnent la nausée jusqu'à ce que je craignais n'arrive.

Des bruits sourds me pétrifient sur place, ils semblent provenir de l'étage. Des pas se rapprochent dangereusement et bruyamment de moi. J'ai l'impression que ma vessie va exploser tellement la peur me hante. J'entends un grincement de porte puis une lumière m'aveugle malgré l'ombre qui la surplomb. 

_ Déjà réveillée ?

Je m'apprête à lui demander où sont mes parents mais, ce que je suppose être du ruban adhésif sur ma bouche, me l'en empêche. Seul un son étouffé sort en guise de réponse.

_ Je vois que tu as essayé de te débattre, dit-il en se moquant. Je vais devoir te punir pour cela tu sais ma belle ?

Je le vois se rapprocher de moi puis je me retrouve propulsée à terre. Il vient de me frapper au visage et ma chaise a basculé violemment. Des larmes coulent sur mes joues face à la douleur, ma joue me lance et fourmille de douleur.  Il replace ma chaise correctement sans le moindre effort et je peux entrevoir un sourire sur son visage à travers la pénombre. 

_ Tu en veux encore ? me demande-t-il.

J'arrive tant bien que mal à secouer la tête en guise de « non » mais il rigole.

_ Ha ha tu devrais voir ta tête en ce moment : toute apeurée.

Des larmes coulent une nouvelle fois. Je ferme les yeux pour ne plus voir cette ordure.

_ Quand tu seras sage je viendrais te récupérer. En attendant ne bouge pas d'un pouce sinon je te tue, me menace-t-il.

Ses paroles me font froid dans le dos et un frisson me parcourt l'échine. Je rouvre les yeux et constate qu'il a fait demi-tour et qu'il s'éloigne de moi. Il referme la porte dans un bruit assourdissant. Je réalise que j'ai bien été capturée hors de chez moi. Je grelotte morte de froid, de la morve s'écoulant de mes narines. Ou bien est-ce du sang ? Je ne sais combien de temps il va me retenir ici, mais j'ai le sentiment que mon cauchemar ne fait que commencer.

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