Jours de deuil - 2ème partie : brumes

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Lundi 29 juillet 2013, dans la soirée
 
Erwan, qui devait repartir le lendemain matin, invita Elena au restaurant. Ils se rendirent au Buffalo Grill.

Lorsque la jeune femme était revenue du poste de police, elle avait la mine défaite et songeuse. Son compagnon ne l'avait pas interrogée, sentant qu'elle n'était pas d'humeur. Il lui avait proposé une promenade le long de l'Yonne et elle s'était empressée d'accepter. Ils rendirent visite aux cygnes et autres canards et, comme des gamins, leur lancèrent des morceaux de pain rassis.

Après une bonne heure de marche, qu'ils conclurent par un arrêt au Black & White afin de se désaltérer, ils rentrèrent et prirent un bain ensemble. Un fond musical (l'album Zen and the Art of Relaxation, d'Anzan) les accompagnait.  Ils étaient un peu à l'étroit dans la baignoire mais ce fut un agréable moment de détente. Elena, qui avait le dos complètement noué, bénéficia d'un massage des mains expertes d'Erwan. Bien relaxée, elle fit une petite sieste, et son amoureux la regarda dormir. Elle était si belle mais recelait tant de mystères ! Il n'avait pas complètement réussi à briser sa carapace, même si elle avait commencé à s'ouvrir à lui la veille au soir. Il lui laisserait le temps, mais il espérait secrètement en savoir plus avant son départ.
 
Une fois au Buffalo Grill, le couple décida de prendre un apéritif. Elena, bien calée sur la banquette, ses longues jambes croisées, sirotait langoureusement son cocktail. Elle avait choisi quelque chose de doux : une piña colada, mélange de rhum, lait de coco et jus d'ananas. Elle avait beau boire doucement tout en discutant avec Erwan de sa prochaine destination (un vol pour la Norvège l'attendait), l'alcool faisait son effet. Elle n'avait pas l'habitude et elle fut prise d'un fou rire lorsque son compagnon fit mention, le ton taquin, des belles nordiques. Les hommes lui semblaient soudain bien prévisibles.
 
Sur le chemin du retour, la jeune femme, totalement désinhibée après l'apéritif et un verre de Chablis avec le fromage, et l'esprit tout à Dorian, entreprit de raconter son existence après l'accident de novembre 1996. Erwan fut subjugué quand elle lui narra son adolescence, atterré par ce qu'elle avait enduré. Elena était plongée dans les souvenirs de cette période et elle relatait comment, après avoir été victime des violences de son oncle devenu alcoolique, elle avait supporté la vie chez ses parents adoptifs. Chaque soir, elle s'enfermait dans sa chambre pour esquiver les coups. Elle avait fini par déterminer à quelle heure il était temps de filer s'isoler. Elle ne parla pas de la thérapie qu'elle avait suivie depuis l'adoption, quand tout se passait bien chez les Martin mais qu'elle ne pouvait surmonter le décès de ses parents et que ses nuits étaient peuplées de cauchemars, toujours les mêmes. La maison de ses oncle et tante était devenue une sorte de prison. Elle avait peu d'amis (et elle ne se réfugiait jamais chez eux) et sa solitude s'accentuait de jour en jour.

De retour à son appartement, Elena se sentait mal. L'alcool avait toujours cet effet sur elle, une des raisons pour laquelle elle buvait rarement. C'était d'abord un sentiment de bien-être puis elle sombrait dans des brumes oppressantes qui la renvoyaient à son passé douloureux.

Erwan s'en voulut de lui avoir fait revivre tout ça et, pourtant, il n'avait pas eu besoin d'insister. Sa bien-aimée s'était livrée d'elle-même.
Et dire qu'il allait devoir reprendre le chemin du travail en la laissant à ses tourments et à une affaire de meurtre qui la touchait de près.
En son for intérieur, il se promit d'essayer d'être là pour soutenir Elena le jour de l'enterrement de Dorian. La jeune femme avait décidé de prendre à sa charge les funérailles.

De son côté, Elena était songeuse. Elle avait l'impression de s'être mise en danger en révélant tant d'éléments de son passé à son compagnon. Certes, elle aimait Erwan, mais était-elle prête à se savoir ainsi exposée ? Ce qu'elle ressentait, c'est qu'elle venait de donner à Erwan un pouvoir sur elle et cela l'effrayait.

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