Jeudi 21 Février 2019

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JEUDI 21 FÉVRIER 2019

Avant le lever du jour, Dounia se réveille et ne voit pas Na-ri à ses côtés. Inquiète elle se lève, va dans le séjour et n’a que le temps de la voir se faufiler dehors en manteau. Elle s’habille en vitesse, sort de la maison, regarde des deux côtés de la rue mais Na-ri n’est déjà plus là. Elle fait quelques pas jusqu’au croisement et l’aperçoit, déjà loin, qui descend la rue menant à la station de métro. Elle s’élance à sa suite.

D’un pas de course léger, Na-ri arrive au bout de la rue puis traverse directement l’avenue en sautant par-dessus la rambarde de sécurité. Arrivée sur l’autre trottoir, elle marche d’un pas rapide. Son visage montre de la détermination. Soudain elle entend Dounia l’appeler derrière. Elle se retourne, la voit de l’autre côté de l’avenue, lui fait signe de s’en aller d’un air contrarié et part en sprint.

Assise sur une moto dans le parking d’une station-service, Hee-jung embrasse son copain surnommé par tous « 근육 씨 » (Mister Muscle, 26 ans) ou bien « 미음, 미음 » (MM). Voyant Na-ri s’engouffrer en courant dans le parking de bus lui faisant face de l’autre côté de l’avenue, elle le repousse, intriguée, puis sourit en la voyant se diriger vers le grillage séparant le parking du réseau de chemin de fer.

— 그녀는 … (Elle va s'amuser... Elle n’a pas changé.)

Hee-jung retourne à son occupation puis repousse de nouveau sans ménagements MM en voyant Dounia s’engager à son tour en courant dans le parking puis s’arrêter à une vingtaine mètres de Na-ri qui semble l’attendre.

— Na-ri !

Dounia ne sait que penser du comportement de son amie qui lui fait un sourire avant de lui dire fermement :

— ‘’Attends ! Là !’’

Puis Na-ri se grimpe prestement le grillage, dégringole le talus et s’élance au travers du réseau de multiples rails entremêlés.

Dounia hésite. Na-ri semble confiante et détendue mais elle la sait bouleversée depuis la rencontre avec sa mère. La peur d’une décision extrême de son amie l’emporte alors elle grimpe à son tour sur le grillage. Au loin, Hee-jung soudain inquiète arrache brusquement les mains de MM glissées sous son pullover et se met à courir en lui criant :

— 날 기다려 … (Attends-moi MM ! Je reviens !)

Déjà loin, Na-ri exulte, saute de rails en rails. Ça fait longtemps qu’elle n’est pas venue mais elle connait les lieux par cœur. Un train de marchandises arrive, elle choisit la bonne voie et l’attend debout, l‘affronte de face. Les phares s’approchent, l’adrénaline monte. Elle sait qu’il va tourner sur l’aiguillage juste devant elle mais… Et si… ?

Le conducteur klaxonne sans ralentir, Na-ri hurle et le train passe à côté d’elle, si près qu’elle en sent sa chaleur et manque tomber tant est puissant le courant d’air. Puis, très vite, l’enfer décroit et c’est le silence, uniquement perturbé par les battements de son cœur. Na-ri d’habitude savoure de longues minutes ce moment où elle se sent extraordinairement vivante mais cette fois un appel se fait entendre qui la distrait.

Elle se retourne, voit au loin Dounia qui la cherche en trébuchant entre les rails et prend peur car celle-ci se trouve du côté des voies les plus fréquentées, les voies express où les trains roulent le plus vite. Même elle ne s’aventure pas là-bas sans une grande prudence. Un train justement arrive au loin. Na-ri s’élance vers Dounia en hurlant :

— 두 니아! … (Dounia ! Ne reste pas là !) ‘’Gada ! Pars !’’

Mais Dounia la voyant s’avance au contraire. Na-ri gesticulant, désignant quelque chose derrière elle. Dounia se retourne enfin et voit le train approcher, très vite, ses phares l’éblouissant. Perdue au milieu des rails, paralysée de peur, elle n’a d’autre réflexe que celui de rester sur place en protégeant sa tête de ses bras…

Les rails se déroulent à une folle vitesse au travers du pare-brise du train. Si vite qu’il ne suffit que de quelques secondes d’inattention au conducteur pour ne pas voir la silhouette sombre de Dounia soudain éclairée par les phares au milieu de la voie.

Juste avant la catastrophe, une ombre surgit soudain qui lui plonge dessus.

Effarée, Na-ri d’où elle est ne peut croire autre chose qu’un drame. Elle s’élance à toute allure en hurlant, arrive près de l’endroit où se trouvait Dounia et la découvre bien vivante entre deux voies, penchée vers Hee-jung qui semble souffrir, un pied coincé dans un petit canal en béton.

— 희정! 다쳤어? (Hee-jung ! Tu es blessée ?)

Na-ri saisit la cheville de Hee-jung, dégage délicatement son pied et l’aide à se remettre debout. Puis passant son bras sous ses aisselles, elle la soutient et s’avance prudemment en ordonnant à Dounia d’un ton dur :

— Oda ! (Viens !)

Une pluie commence à tomber, fine et glaciale, presque de la neige fondue, sur le parking de bus. Voyant au loin Hee-jung marcher en boitant soutenue par Na-ri, MM démarre en trombe pour la rejoindre en traversant l’avenue sur un passage piéton. Irrité, il aide sans un mot Hee-jung à enfourcher la moto, lui met son casque et démarre sans tarder. Na-ri se tourne vers Dounia, furieuse.

— 기다리라고 … (Je t'avais dit d'attendre ! Tu aurais pu mourir !)

Puis enragée par l’air toujours hébété de Dounia, elle désigne la voie ferrée et hurle :

— ‘’TOI… MORT ! HEE-JUNG MORT !’’

Dounia soudain éclate en sanglot.

— Mianhae Na-ri ! Mianhae !

Na-ri la prend par les épaules et la pousse sans ménagements jusqu’au grillage. Dounia s’effondre. Na-ri se penche vers elle et hurle encore sous la pluie devenant plus forte :

— 죽고 싶어? ... (Tu veux mourir ? Meurs ! Vas-y !) ‘’VA ! VA MORT !’’

Na-ri lève la main comme pour frapper puis s’en va brusquement, laissant Dounia en sanglots, tremblante de peur rétrospective et de froid, recroquevillée contre le grillage.

………………….

Trempée, frigorifiée, Dounia ouvre la porte de leur chambre, regarde Na-ri déjà couchée qui lui tourne le dos, puis la referme pour aller se recroqueviller dans le fauteuil du séjour.

Quelques secondes plus tard, Na-ri sort de la chambre, la voit trembler de froid et va chercher une serviette. Visage fermé, elle tire Dounia vers leur chambre, la débarrasse de ses vêtements mouillés, la frictionne, lui enfile une de ses tenues de sport du lycée et la pousse sur une couche où elle la couvre d’une couette avant de s’allonger près d’elle. S’étant jusque-là laissée faire sans réagir, Dounia se tourne vers elle et baissant la tête, vient appuyer son front contre l’épaule de son amie.

Na-ri regarde quelques secondes les larmes silencieuses couler des yeux fermés de Dounia et se tourne vers elle en ouvrant ses bras entre lesquels son amie vient se réfugier.

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JEUDI 21 FÉVRIER 2019

Début d’après-midi.

Na-ri et Dounia remontent une petite rue pentue. Le visage de Na-ri est dur, sombre. Dounia la suit tête baissée, anxieuse. Bordé de petits immeubles et de maisons individuelles, le coin serait agréable s’il n’y avait autant de signes d’abandon ; rues vides, encombrants un peu partout, vitres sales, voire brisées et plantes d’ornement extérieures séchées. Arrivée en vue des premiers arbres de la colline, Na-ri s’arrête devant une belle maison récente et sonne. Les filles entendent une porte s’ouvrir puis un pas irrégulier s’approcher et le portail s’ouvre sur Hee-jung dont le visage se fait subitement radieux à leur vue.

— 나리! ... (Na-ri ! Ça fait si longtemps que tu n'étais pas venue chez moi ! Attends, j’arrive.)

Boitillant sur son pied en attelle, Hee-jung laisse le portail ouvert, se précipite dans la maison pour enfiler un blouson et en ressortir presque aussitôt, suivie par sa mère Jang Haeng-ja, une belle femme dans sa quarantaine.

— 어디 ... (Où vas-tu Hee-jung ! Tu ne dois pas sortir.)

— 다 … (Ça va maman. Je vais faire un tour avec Na-ri.)

— 아 … (Ah. Bonjour Na-ri.) 희정 ... (Hee-jung, ton père...)

Jusque-là joyeuse, sa fille hurle soudain avec une rage qui surprend tout le monde :

— 내 … (Ce n’est pas mon père !)

…puis redevient tout aussi soudainement souriante en s’adressant à Na-ri.

— Gaja Na-ri. 와 주셔서 … (Allons-y Na-ri. Je suis si contente que tu sois venue !)

Passant son bras sous celui de Na-ri, Hee-jung l’entraine en direction du chemin de terre grimpant la colline, Dounia suivant à distance, voutée. Elles parcourent ainsi une vingtaine de mètre quand Hee-jung se retourne vivement vers celle-ci pour l’apostropher jovialement :

— 이봐 요! Dou ... (Hé toi ! Dou... Dounia ? Arrête de faire la gueule, ne reste pas derrière !)

Elle la rejoint en clopinant, passe un bras autour de son cou et la houspille en souriant.

— 당신은 … (Tu devrais me remercier, non ? Je t’ai sauvée la vie quand même.)

Puis elle crie joyeusement en levant un bras au ciel :

— I save your life! ... (Je t’ai sauvé la vie ! Je suis un héros !)

Dounia se dégage vivement et s’incline très bas devant Hee-jung médusée.

— Gamsahabnida !... (Merci ! Merci !), s’écrie-t-elle avant de se redresser tout en désignant le pied de Hee-jung : C’est cassé ? Broken?

Semblant défaillir, Hee-jung s’accroche de nouveau au cou de Dounia. Na-ri les regarde, visage fermé.

— Yes… Aye, aye, aye…

— Mianhae ! Mianhae !, panique Dounia.

Hee-jung éclate soudain de rire.

— No, no! I joke! 염좌입니다 … (Non, non ! Je plaisante ! C'est une entorse. Pas cassé ! Ça va ! ‘’Come my friend… Mon… amie ? Correct ?’’

………………….

Hee-jung et Na-ri sont assises côte à côte dans l’herbe au milieu d’une zone déboisée. Dounia s’est installée un peu en retrait. Devant les filles, le quartier s’étale en contre-bas, défiguré par de larges zones démolies. Na-ri regarde l’atèle au pied de son amie.

— 감사합 … (Merci Hee-jung. Si tu n'avais pas été là...)

— 그렇게 … (Arrête. Tu aurais fait pareil.), répond la blessée qui poursuit en regardant Dounia entortiller des brins d’herbe entre ses doigts. 그녀는 … (Elle compte beaucoup pour toi. Hein ?)

Na-ri hoche la tête affirmativement.

— 그러니 … (Alors cesse d’être en colère contre elle.)
— 하지만 … (Mais elle a failli vous tuer toutes les deux ! Cette folle flirte trop avec la mort !), s’énerve subitement Na-ri.

— 그녀는 … (Elle ne savait pas… Elle a voulu faire comme toi.)

— 내가 … (Sauf que moi je sais exactement où je mets les pieds ! Quand on ne connait pas, on s'abstient !)

Puis se tournant vers Dounia qui les regarde d’un air piteux.

— Babo ! 날 따르지 … (Idiote ! Je t'avais dit de ne pas me suivre !)

Hee-jung s’énerve subitement.

— 당신과 … (Toi et ton sale caractère ! Tu faisais pareil avec moi ! Tu ne pardonnes rien ! Continue comme ça si tu veux rester seule !)

Na-ri regarde tour à tour Hee-jung irritée, puis Dounia malheureuse et prend brutalement conscience du mur que son intransigeance dresse inconsciemment entre elle et les gens qu’elle aime. Puis elle revoit le visage de sa mère et ses amies la voient sans comprendre prendre sa tête entre ses mains pour éclater d’un étrange rire nerveux. Interloquée, Hee-jung tapote son épaule tandis que Dounia vient s’accroupir devant elle et prendre sa main, anxieuse. Na-ri relève alors son visage au ciel et pousse un cri.

— 하아아! ... (HAAAAA ! Pourquoi t’es revenue maman !)

Hee-jung regarde Dounia d’un air étonné en prononçant sans le dire le mot « Eomma ? ». Dounia acquiesce en silence. Le téléphone de Na-ri sonne. Hee-jung aimerait avoir des précisions de Dounia tandis qu’elle répond mais elle n’en a pas le temps, Na-ri raccroche déjà.

— 감사합니다 ... (Merci Hee-jung. On doit partir.) ‘’Gaja Dounia, Eonni veut nous.’’

………………….

Descendant la rue de Hee-jung, Na-ri et Dounia croisent la moto de MM. Arrivé devant chez Hee-jung il klaxonne, impatient et celle-ci accourt en boitillant, suivie par sa mère :

— 어디가는거야 … (Où vas-tu Hee-jung !)

—- 내 남자 … (Faire un tour avec mon mec !)

Inquiète, Jang Haeng-ja suit sa fille dans la rue. MM ne la salue pas, tend un casque à Hee-jung qui enfourche la moto sans un regard pour sa mère, au contraire de MM qui lui fait cette fois un petit signe de main accompagné d’un sourire ironique avant de démarrer en trombe.

— 조심해 … (Soit prudente.), murmure Jang Haeng-ja, anxieuse et intimidée.

La moto de MM zigzague entre les voitures dans l’intense circulation puis déboule sur une berge non aménagée du fleuve Han. Elle s’arrête, Hee-jung en descend pour aller s’assoir dans l’herbe, MM la rejoint, tenant une mini glacière tirée d’une des sacoches de la moto. Il en sort deux bières, en donne une à Hee-jung.

Les deux boivent une gorgée et regardent un instant le fleuve en silence puis le garçon s’adresse à sa petite amie d’un ton renfrogné :

— 이 아이들과 … (Arrête de trainer avec ces gamines.)

— 무슨 애들? (Quelles gamines ?)

— 네 친구 … (Ton amie Na-ri et cette étrangère. Laisse-les tomber.)

— 어? 왜? (Hein ? Pourquoi ?)

— 그들은 … (Elles m’énervent. C’est juste des pisseuses qui se prennent pour des grandes.)

Hee-jung le provoque, railleuse.

— 왜? … (Pourquoi ? Parce qu’elles ne baisent pas ?)

— 다른 … (Entre autres…)

Surprise, Hee-jung le regarde et s’irrite de constater que sa réponse à l’air sincère.

— 무엇 ... (Quoi… Y’en a une qui t’intéresse ? Les deux peut-être…)

— 낯선 사람 … (L’étrangère, je ne dirais pas non… juste pour voir.), répond-t-il avec un petit sourire égrillard.

Hee-jung en reste bouche bée.

— 넌 정말 ... (T’es vraiment un gros con... Dés fois je me demande ce que je fais avec toi…)

— 나는 … (Parce que je te baise bien… Tu ne diras pas le contraire, hein mon joli p’tit cul ?)

Son sourire suffisant rend soudain Hee-jung furieuse.

— 하지만 … (Mais t’es vraiment un putain de connard ! Tu crois qu’il n’y a que toi ? Continue comme ça et tu pourras lui dire adieu à mon cul !)

Elle se lève, jette sa bière à peine entamée dans la glacière et s’en va.

— 이봐 … (Hé mais qu’est-ce qui t’arrive ? Hee-jung ! Reviens !), s’écrie-t-il, sincèrement surpris.

Déjà loin, Hee-jung lui fait un doigt d’honneur sans se retourner.

— 내 … (Va te faire foutre. Connard !)

………………….

Fin d’après-midi au Coffeebe de Donggyo-dong.

Aimé est assis en face de Na-ri, Dounia à son côté fait face à Hyun-ae qui traduit les paroles d’Aimé.

— 네 엄마가 … (Ta mère a fait une bêtise. Une seule. Une petite. Et ton père l'a mise à la porte. Il lui a interdit de revenir te voir. Il était extrêmement en colère. Ta mère avait peur.)

— 불가능합니다 … (Impossible. Papa n'était jamais en colère !)

— Elle ne comprend pas. Son père était toujours calme, traduit Hyun-ae pour Aimé.

— Dites-lui que sa mère m’a dit la même chose, que c’était habituellement quelqu’un de très doux.

— 당신의 … (Ta mère dit aussi que c'était un homme bon et doux. Tu sais, les gens les plus calmes peuvent parfois être très durs devant certaines choses qu'ils n’acceptent pas.)

— 그래서 … (Alors qu'est-ce qu'elle a fait ? Une petite bêtise ? J'y crois pas.)

Hyun-ae regarde Aimé, va pour traduire mais se ravise :

— 그녀는 … (Elle a embrassé quelqu'un d'autre. Juste un baiser.)

— 그냥 ... (Juste un baiser ? Ce n’est pas possible. Papa ne l'aurait pas chassée pour ça.)

— 그녀는 … (Elle embrassait une femme.)

Na-ri regarde Hyun-ae bouche bée. Les émotions se bousculent dans sa tête ; le dégout, l’empathie pour son père malgré le sentiment diffus qu’un baiser après tout, ce n’est pas si grave que ça… Puis elle se souvient que si son père était doux, il pouvait se montrer dur et intransigeant pour des choses qu’il considérait immorales et, fidèle d’une église créationniste, il haïssait particulièrement les homosexuels. Oui, il aurait pu réagir excessivement pour ça… En plus il était rancunier. Hyun-ae perçoit sur le visage de Na-ri un processus d’acceptation commencer à s’installer peu à peu.

— 당신의 … (Ta mère regrette beaucoup de t'avoir laissée. Elle est très mal en ce moment. Je suis vraiment inquiète pour elle. Tu devrais venir la voir, même si tu ne lui pardonnes pas.)

Na-ri n’est pas prête à pardonner, non. Mais elle veut comprendre. Se souvenant du naturel de Dounia à ce sujet, elle la regarde, se lève et lui tend la main.

— ‘’Viens Dounia’’ 먼저 두 … (Je veux te parler d'abord.)

Na-ri entraine son amie dehors. Les deux amies marchent un peu dans Gyeongui Line Forest Park puis s’asseyent sur un muret. Malgré le froid, beaucoup de monde dans le parc, se promenant ou réunis en groupes. Près d’elles, cinq étudiants dont un avec une guitare leur font des yeux doux mais elles les ignorent.

Na-ri montre à Dounia ce qu’elle vient de saisir sur son téléphone :

« 아빠가 … (Tu sais pourquoi mon père a chassé ma mère ?) »

Puis comme Dounia secoue la tête en signe de négation :

« 그녀는 … (Elle a embrassé une femme.) »

Dounia fait une grimace et répond sur son propre téléphone :

« C'est pas cool... Mais je trouve la réaction de ton père un peu dure, non ? (쿨하지 ...) »

Na-ri :

« 그게 … (Tu trouves ça normal ?) »

Dounia fait une autre grimace et répond :

« Qu'elle ait trompé ton père ? Non... Mais bon... Si c’est juste un baiser... (그녀가 ...) »

Na-ri s’agace :

« 하지 그 ! (Pas ça !) »

Dounia hausse les épaules :

« Tu sais ce que j'en pense. Homme ou femme, pour moi c'est pareil. (내가 …) »

Puis, comme Na-ri ne réagit pas :

« Ta mère n'est pas un monstre ou une perverse. Tu n'as pas de bons souvenirs d'elle ? (당신의 …) »

Na-ri, songeuse :

« 예 ... (Si... Beaucoup quand j'étais petite.) »

Dounia :

« Alors pardonne... Tu devrais aller la voir. (그러니 ...) »

………………….

Hyun-ae entre dans l’appartement de Eun-jung, entrainant Na-ri derrière elle. Elles traversent le séjour sans allumer la lumière et Hyun-ae ouvre la porte de la chambre en faisant signe à Na-ri d’approcher. Na-ri regarde sa mère étendue sur le côté, lui tournant le dos, écouteurs aux oreilles. Hyun-ae chuchote :

— 그녀는 … (Elle est comme ça depuis qu'elle t'a vu. Elle ne bouge pas, ne mange pas. Elle ne fait qu'écouter en boucle la musique d'Aimé.)

Na-ri montre à Hyun-ae une clé USB sortie de sa poche à Hyun-ae qui acquiesce.

— 예, 그가 … (Oui, c’est la même playlist qu'il t'a donnée.)

Hyun-ae pose une main sur l’épaule de sa protégée puis la laisse.

Na-ri branche les écouteurs et la clé USB d’Aimé sur son téléphone. Puis elle ferme les yeux, se laisse porter par la musique entrainante et les paroles traitant de confusion des sentiments du titre « Minsu is confused » de Minsu. Quand elle les rouvre, Eun-jung redressée dans le lit la regarde. Mère et fille s’observent ainsi quelques secondes en silence puis une image traverse l’esprit de Na-ri telle un coup de fouet ; celle de sa mère et une autre femme, amoureusement enlacées…

Na-ri arrache les écouteurs de ses oreilles et s’enfuit de l’appartement en claquant la porte. Arrivée dans la rue, Na-ri fait un écart pour éviter Aimé et Dounia qui l’attendent mais Dounia lui court après et la rattrape au bout d’une vingtaine de mètres. Hyun-ae rejoint Aimé tandis qu’Eun-jung les observe depuis sa terrasse.

— NA-RI ! Attends Na-ri. Qu’est-ce qu’il se passe ?

— 그녀는 … (Elle me dégoûte !) Eomma, amkae (Maman salope) !

— Na-ri. Calme-toi. Ne dis pas ça… Ne eommaya. (C’est ta mère.)

— 우리 엄마가 아니야! 그런 사람들은 감옥에 가야합니다!

— Attend Na-ri. Je ne comprends pas.

Na-ri tape fébrilement sur son téléphone qu’elle montre ensuite à Dounia :

« 우리 … (C'est pas ma mère ! Les gens comme ça il faudrait les mettre en prison !) »

Dounia prend le téléphone et saisit, agacée :

« Arrête avec ça Na-ri ! Tu insultes mes amis ! (그 나리 …) »

Les deux s’affrontent du regard, tendues. Voyant ça de loin, Aimé veut intervenir mais Hyun-ae le retient. Dounia écrit encore :

« T’as vraiment l'esprit étroit... Alors moi aussi je suis une salope :

j'ai déjà eu envie d’embrasser une fille. (당신은 …)

Na-ri la regarde d’un air écœuré… Soudain son amie fait la chose à laquelle elle s’attend le moins : Dounia prend fermement sa tête entre ses mains et applique avec force ses lèvres contre les siennes ! Cela ne dure qu’une seconde avant qu’elle ne la repousse mais Na-ri est si estomaquée qu’elle ne réagit pas tandis que Dounia saisit encore sur son téléphone :

« Voilà ! Tu es comme ta mère maintenant ! (여기 …) »

Na-ri lit. Soudain furieuse elle pousse Dounia contre le mur et lève le poing prête à frapper mais la réaction de son amie l’en empêche ; étrangement calme, Dounia la repousse doucement puis se tourne face au mur et lui dit en la regardant droit dans les yeux :

— Beompeu… (Cogner…) Tu ne connais que ça, hein Na-ri ? Moi aussi je peux le faire, regarde.

Na-ri pousse un cri ; son amie vient de frapper du poing le mur de brique ! De toutes ses forces ! Aimé accourt en criant, Na-ri saute sur Dounia mais celle-ci a encore le temps de donner un deuxième coup de poing avant qu’elle ne l’immobilise. Aimé repousse brutalement Na-ri et regarde avec effroi les doigts de sa fille en sang, profondément écorchés.

— Mais tu es folle !

Hyun-ae saisit un bras de Na-ri tétanisée. Eun-jung accourt et sans un regard pour sa fille, inspecte la main de Dounia.

— Let’s go … (Allons à hôpital.) 현애 … (Hyun-ae, emmène Na-ri chez toi.)

Na-ri regarde le trio descendre la rue d’un pas pressé, Eun-jung soutenant le bras blessé de Dounia. Puis elle affronte le regard de Hyun-ae ; il est froid, chargé de reproches. Na-ri blêmit ; elle a tout perdu… par sa faute. Soudain tout se délite autour d’elle et Hyun-ae doit la soutenir pour ne pas qu’elle s’effondre.

………………….

À Susaek-dong, Na-ri est recroquevillée dans un coin du canapé tandis que Hyun-ae parle au téléphone avec Aimé.

— Une fracture ?

— Oui, au petit doigt. Mais ils disent qu’elle est légère. Rassurez Na-ri s’il vous plait. Je ne sais pas ce qui a pris à Dounia de faire une folie pareille.

— Dounia voulait la provoquer pour lui ouvrir les yeux. C’est très intelligent de sa part mais elle n’avait pas besoin d’aller jusque-là…

— Elles me font un peu peur ensemble…

— Je crois que le plus gros de la crise est passé. Na-ri est vraiment choquée.

— Papa ! Donne-moi le téléphone ! s’écrie au loin la voix de Dounia, qui poursuit dans le combiné : Hyun-ae ! Na-ri va bien ? Passe là moi !

Hyun-ae tend le téléphone à Na-ri.

— Dounia가 … (Dounia voudrait te parler.)

— Na-ri ! Ce n’est rien ! Juste le petit doigt cassé… On dit comment Eun-jung ? ‘’Buleojin songalag. Da gwaenchanha Na-ri.’’ (Doigt cassé. Tout va bien.)

— 왜 ! Wae Dounia! (Pourquoi ! Pourquoi Dounia !)

Na-ri jette le téléphone sur le canapé et s’effondre enfin en pleurs.

Bien plus tard dans la chambre des filles, Na-ri en position de fœtus sanglote comme une enfant dans les bras de Hyun-ae.

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