Chapitre 6 : Une belle vue

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 Cela fait une heure que l’on dort, que l’on essaye plutôt. Nous nous sommes installés à « la source » avec comme matelas la terre dure du chêne centenaire et comme couverture la fine couche de notre duvet. On patiente jusqu’au lever du soleil, réalisant la merde dans laquelle nous nous sommes foutus.

 Lylian commence à parler :

  — On va faire quoi maintenant, on va se rendre ?

  — Je sais pas, après ce qu’on a fait on peut être condamné à plusieurs années de prison même en étant mineure.

  — Il est pas question que je pourrisse dans une putain de prison, et après comment je trouverai un travail, comment ?! avec un putain de casier c’est impossible ou alors ce sera pour faire un bouleau de merde…

  — Oui c’est sûr, je compte pas pourrir en prison non plus. On va se débrouiller comme on peut, on est débrouillards, on va se trouver un petit travail au black en essayant de pas se faire baiser et on attendra de se faire oublier.

  — Travailler au black, super ! mais où ? des photos de nous vont être placardées sur tous les murs de la ville, dans les commissariats, lycées et même dans la boulangerie où ta copine achète des croissants. Mais aussi à la télé et dans plein d’autres endroits. On a blessé un flic mec, un putain de poulet t’imagines, on est dans la merde jusqu’au coup … dit Lylian avec de la pitié pour lui-même.

  — Oui je l’ai bien remarqué, on est des petits cons de vendeurs de weeds pas fichus de vendre intelligemment. Au niveau du travail je pense dans les champs ou ce genre de boulots, en dehors des villes. Et pour notre identité on a encore le temps d’y penser je pense. Focalisons-nous sur le court terme et gardons la tête froide.

  — Oui je pense c’est la meilleure chose à faire, on va pas aller se dénoncer et on va se trouver un job au black sans se faire remarquer au fin fond de la campagne tout en attendant une solution pour régler nos problèmes.

  — Oui on va se faire bien calme dis-je en regardant ma jambe.

 Elle me fait de plus en plus mal, je vais devoir la nettoyer et désinfecter à nouveau.

  — Ta jambe va mieux ? dit Lylian

  — Non pas du tout, je vais la désinfecter encore une fois et j’espère qu’elle ira mieux.

 Lylian commence à me raconter l’histoire où il était à la mer avec son grand père et qu’il s’était écorché en escaladant des rochers, son vieux l’avait balancé dans l’eau salé et qu’il avait crié de douleur sur l’instant mais que sa plaie s’était tellement cicatrisée qu’il n’y avait même plus de trace.

  — Ton grand-père est un peu fou j’espère que l’on n’aura pas à arriver jusque-là et que le désinfectant va suffire …

  — Oui mais je n’ai plus rien, on peut comme premier endroit aller sur la côte de l’océan, je connais un lieu sympa où il n’y a jamais personne, j’y allais avec mon grand-père.

  — Si tu le dis il y fera un peu frais mais heureusement nous sommes bientôt en été et nous n’aurons pas trop à avoir peur sur ce point-là.

 Vingt minutes plus tard on a mangé quelques fruits pour le petit déjeuner et nous sommes prêts à nous en aller et sûrement pour ne plus jamais revenir. Je pense que l’on va avoir à s’y habituer dans les temps à venir. On a nos sacs pleins des provisions et outils pris la veille chez moi plus le reste de weed qu’il nous reste et les billets qui étaient bien cachés sous les racines du vieux chêne dans un bocal hermétique. Nous avons pour un peu plus de mille euros, une somme assez importante mais peut-être sans aucune valeur vu les risques que l’on prendra pour acheter une simple baguette. Nous ne réalisons peut-être pas le mode de vie dans lequel nous allons vivre.

  Lylian enlève la capuche de son sweat shirt au-dessus de sa casquette, sa mèche brune se balance devant ses yeux pendant qu’il monte sur son vélo. Je fais de même la casquette sur la tête, l’air lointain, regarde derrière avant de m’en aller et admire la source, l’endroit où l’on a passé tant de temps avec Lylian et un frisson me traverse le corps.

On pédale lentement dû au poids des sacs et de la douleur à ma jambe, on emprunte un chemin de terre très rarement utilisé. Prions pour que l’on ne croise personne. Nous nous dirigeons vers la côte, nous avons plus de quarante kilomètres à rouler et toute la journée pour les parcourir.

 Le chemin est irrégulier, ma jambe me fait mal à chaque tour de pédale mais je n’y pense pas, je me focalise sur la route qu’il nous reste à faire. Je pense à ce qu’il a bien pu se passer après que l’on soit partis, qu’ont fait les flics ? Connaissent-ils déjà nos noms ? Sont-ils déjà passé à ma maison ? Ma mère est-elle déjà au courant ? Pleure-t-elle déjà ? Connaissent-ils déjà mon lien avec Lilou ? Qu’en pense elle, me prend-elle pour un monstre ? Allons-nous nous en sortir ? Trop de questions se bousculent dans ma tête.

 Cela fait trois heures qu’on pédale, notre ventre commence à rugir. On s’arrête un peu plus loin à l’écart du chemin. Lylian sort un paquet de pain de mie de son sac avec du jambon blanc, on se jette tous les deux dessus comme des affamés. Je sors une bouteille d’eau de mon sac et en bois de longues gorgées et la donne à Lylian qui fait pareil.

 On repart après une courte discussion sur le sujet de la quantité de nourriture qu’il nous reste, on en a encore pour deux jours si on se rationne bien. Après deux heures le chemin s’élargit et nos roues commencent à s’enfoncer dans le sable. On marche à côté du vélo les chaussures pleines de sable et l’océan apparaît devant nous, enfin. On aperçoit la côte sur des kilomètres avec quelques rares surfeurs, des vagues de plusieurs mètres viennent s’écraser sur la côte avec un bruit très agréable.

 Lylian me montre le lieu, c’était un peu à l’écart de la plage sur une colline avec une petite vue sur l’océan légèrement caché. L’endroit était à l’ombre grâce à des petits arbres et il y avait un petit espace entreux où des cailloux avaient étaient placés pour faire un feu.

  — Je venais ici avec mon grand-père, quand il était encore là. Il m’apprenait à pécher, à faire un feu et un tas d’autres choses, on dormait juste là où tu as les pieds, la nuit quelques oiseaux chantent et des insectes te passent dessus mais j’en garde un très bon souvenir. On pourra vivre un petit moment ici, je n’ai pas d’endroits plus sûr pour le moment.

  — C’est super ici, les rares personnes de la plage ne peuvent pas nous voir. Provisoirement je pense que c’est le meilleur endroit.

  — C’est sûr personne ne risque de venir nous trouver ici… bon je crois que tu as encore mal à la jambe, viens on va à l’eau, tu vas voir l’eau salé va te faire mal au début mais demain matin tu iras déjà beaucoup mieux.

  — Allons-y ! dis-je en redoutant ce qu’il allait m’arriver.

 Après avoir posé nos affaires, on se dirige vers la côte juste en slip et Lylian court vers l’eau et se jette la tête la première.

  — WOW elle est glacée !

  — J’arrive …

 J’entre dans l’eau rapidement et entre en contact avec ma plaie, mon pouls s’accélère et j’ai l’impression qu'elle prend feu. Pendant une dizaine de minutes on fait les cons dans l’eau avec Lylian en essayant d’oublier la douleur à ma jambe.

 On sort de l’eau avec les dents qui claquent et le corp entier qui tremble, on va vers le campement, on se sèche et après s'être rhabillé, on se prépare un petit peu à manger comme ce midi : pain de mie et jambon.

 On savoure chaque bouchées devant le coucher de soleil. Lylian sort quelque chose de son sac et me dit :

  — Mec, tu veux fumer ?

  — Tu te rappelles la dernière fois qu’on a fumé comment on a fini ? dis-je en rigolant et me remémorant.

  — Bien sûr mais ici on ne risque rien, ça vaut peut-être le coup de retenter.

  — Oui pourquoi pas.

 On fume que pour les occasions et en général une taffe à droite à gauche en petite quantité. Mais il y un mois en pleine nuit on a eu la bonne idée de s’en allumer un pour fêter la fin de la récolte et la tester mais à un endroit bien particulier… Au lycée, en y repensant je me dis qu’on est vraiment cons, on aurait pu aller à plein d’autres endroits comme la source ou autre mais non on est allés au lycée.

 On n’a pas su gérer les effets de la weed et on a eu un gros black-out pendant toute la nuit et le concierge du lycée nous a réveillés le matin à huit heures sur des bancs au milieu de la cour. Dix minutes plus tard on était dans le bureau du proviseur à devoir fournir des explications, avec les yeux tout rouges et les poches pleines de weeds. On a pris trois jours d’exclusion et on s’est juré de ne plus jamais y toucher, mais bon on est dans une situation plutôt compliquée.

 Lylian roule le joins avec soin et l’allume avec son vieux briquet à essence que son grand père lui a donné avant de mourir. Il tire une taffe et me dis :

  — Ça fait tellement longtemps, on a vraiment du très bon matos… goûte moi ça.

  — Oui je me rappelle, mais là ça va être différent.

 Je tire une taffe et ressens tous les effets de la weed, une chaleur m’immerge avec une sensation de bien être indescriptible. On discute pendant un long moment en profitant du moment, devant le coucher de soleil jusqu’à que la fatigue arrive et que l’on tombe dans les bras de Morphée.

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