Chapitre II : Souvenirs bridés

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Le soleil venait à peine de se lever. Une lumière pâle filtrait à travers les persiennes de la chambre de Charlotte. Elle s'était réveillée tôt, l'esprit encore embrouillé par les médicaments qui lui avaient été administrés la veille au soir. Elle savait qu'elle devait profiter de ce bref moment de lucidité pour explorer l'hôpital et, espérait-elle, trouver des réponses à ses questions persistantes.

Se levant lentement de son lit, Charlotte enfila ses chaussures et sortit de sa chambre. Les couloirs de l'hôpital étaient silencieux à cette heure, à part le bruit lointain de l'administration matinale. Alors qu'elle marchait, des fragments de souvenirs commencèrent à lui revenir - des cris aigus, des éclaboussures de sang, mais elle ne pouvait toujours pas assembler les pièces du puzzle.

"Qu'est-ce que... est-ce des souvenirs ?"

La confusion de Charlotte était exacerbée par l'état de son esprit. Les hallucinations étaient courantes pour elle, mais elle avait appris à distinguer le réel de l'imaginaire avec le temps. Pourtant, ces souvenirs, aussi vagues soient-ils, semblaient trop réels pour être simplement des fabrications de son esprit.

Elle s'arrêta devant une porte qui donnait sur une cour intérieure. Hésitant un instant, elle la poussa et sortit à l'extérieur. L'air frais lui fit du bien et elle prit une grande inspiration. Le jardin était calme et apaisant, avec des bancs dispersés et des fleurs en fleurs. Elle s'assit sur un banc et ferma les yeux, essayant de se concentrer sur les fragments de souvenirs qui lui revenaient.

Des images fragmentées passaient devant ses yeux fermés : une femme criant, un homme à terre, du sang partout. Elle ouvrit les yeux brusquement, en sueur. Était-ce un souvenir de la nuit où elle avait tué ses parents ? Ou était-ce simplement un autre cauchemar créé par son esprit tourmenté ?

Perdue dans ses pensées, Charlotte ne remarqua pas tout de suite la silhouette qui s'approchait d'elle. C'était un autre patient de l'hôpital, un homme d'une quarantaine d'années avec des cheveux ébouriffés et une barbe négligée. Il lui adressa un sourire timide et s'assit à côté d'elle.

— Bonjour, dit-il d'une voix douce. Je m'appelle Alex.

Charlotte le regarda un moment avant de répondre.

— Charlotte, dit-elle finalement.

Alex hocha la tête et regarda autour de lui.

— C'est un bel endroit, n'est-ce pas ? J'aime venir ici pour réfléchir.

Charlotte acquiesça, bien qu'elle ne trouvât pas le lieu particulièrement apaisant.

— Il me rappelle un endroit... mais je n'arrive pas à mettre le doigt dessus.

Charlotte ne pouvait s'empêcher de se demander si cette rencontre avec Alex était réelle ou simplement une autre de ses hallucinations. Mais peu importe à quel point elle essayait de discerner la réalité de l'imaginaire, les frontières semblaient de plus en plus floues. Alex semblait être une personne aimable et, peu à peu, Charlotte commença à se détendre en sa présence.

Il lui parlait de son amour pour la peinture et comment il utilisait l'art comme une forme d'évasion. Charlotte, quant à elle, ne partageait pas beaucoup d'elle-même. Elle avait du mal à faire confiance aux gens, étant donné la nature trompeuse de sa réalité. Cependant, quelque chose en Alex l'incita à s'ouvrir un peu plus que d'habitude.

— Ce que... j'aime ? J'apprécie la musique.

Au fur et à mesure que la matinée avançait, Charlotte se rendit compte qu'elle appréciait réellement la compagnie d'Alex. Ce n'était pas souvent qu'elle rencontrait quelqu'un qui semblait comprendre, ou du moins accepter, les complexités de son esprit. Et pourtant, malgré cette amitié naissante, Charlotte ne pouvait s'empêcher de se demander si Alex était réel ou simplement un autre figment de son imagination.

— Tu es ici depuis combien de temps ? demanda Charlotte, brisant le silence qui s'était installé entre eux.

Alex réfléchit un instant avant de répondre.

— Oh, je ne sais pas... ça fait longtemps. Les jours semblent se fondre les uns dans les autres ici.

Charlotte hocha la tête en comprenant.

— Oui, je vois ce que tu veux dire.

Ils passèrent le reste de la matinée à discuter de tout et de rien, jusqu'à ce qu'un infirmier vienne les chercher pour le déjeuner.

— C'est l'heure d'aller manger ! Tous à vos chambres, allez !

En se levant pour partir, Charlotte se sentit un peu plus légère qu'auparavant. Cependant, les souvenirs de son passé continuaient à la hanter. Des bribes de cris, de sang refusaient de s'assembler en une image complète, laissant Charlotte frustrée et angoissée. Elle savait qu'elle ne pourrait pas avancer tant qu'elle ne serait pas confrontée à son passé, mais ce passé restait caché dans l'ombre.

Après le repas, en ressortant de sa chambre, Charlotte prit une décision. Elle allait explorer chaque recoin de l'hôpital, parler à chaque patient, essayer de déterrer tout ce qu'elle pouvait sur son passé. Cela semblait la seule façon de reprendre le contrôle de sa vie et, peut-être, de trouver un moyen de guérir.

La journée qui suivit fut longue et épuisante. Dans l'une de ces salles, elle trouva un vieux journal poussiéreux caché dans un tiroir. En le feuilletant, elle remarqua que certains passages semblaient étrangement familiers.

"23 avril. Aujourd'hui a été une journée difficile. Les cris de Mme Thompson ont résonné dans les couloirs pendant des heures. C'est toujours bouleversant de l'entendre crier ainsi. Je ne peux m'empêcher de penser à ma propre mère et à la manière dont elle...".

Le texte s'arrêtait brusquement, comme si l'auteur avait été interrompu en plein milieu de sa phrase. Charlotte se demanda qui aurait pu écrire ces mots et pourquoi ils avaient été laissés ici. Plus important encore, pourquoi ce passage lui semblait-il si familier ? Est-ce que cela avait un lien avec ses propres souvenirs ?

Avec un soupir de frustration, Charlotte remit le journal dans le tiroir et quitta la salle. Il était clair qu'elle n'obtiendrait pas de réponses ici. Peut-être qu'Alex saurait quelque chose à ce sujet. Il était là depuis plus longtemps qu'elle, après tout.

En cherchant Alex, Charlotte ne put s'empêcher de se sentir un peu découragée. Malgré tous ses efforts, elle n'était pas plus proche de comprendre son passé qu'au début de la journée. Et pourtant, elle savait qu'elle ne pouvait pas abandonner. Il y avait quelque chose ici, quelque chose d'important qu'elle devait découvrir. Et elle ne s'arrêterait pas avant de l'avoir trouvé.

Pendant ce temps, les pièces du puzzle de son passé restaient obstinément éparpillées, hors de portée.

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