La Puanteur Universelle

2 minutes de lecture

Il était petit, maigre, chétif, sa minuscule tête recroquevillée dans le creux de ses épaules, le genre de vieillard usé par la vie, battu par le temps, lynché par les saisons. Il arborait un pull over poussiéreux bien trop grand, recouvrant ses mains, et presque la totalité de son corps, ça lui donnait un côté enfantin, il avait l'air coquin, mutin, ou plutôt lutin en fait, c'est ça, on aurait dit un lutin du père Noël qui aurait perdu son job a cause des Chinois, sa femme a cause de son fric, ses gosses a cause de sa femme, ses biens a cause de son mal, ses rêves a cause de la réalité, et trouvé la rue, le caniveaux, la bouteille, comme seul et unique exil. Ses yeux étaient vifs, ses yeux étaient majestueux, ses yeux ne fixaient rien d'autre que mon sandwich, des petits yeux malicieux et pleins d'envie, l'envie bestiale, comme celle de l'animal qui doit survivre dans la savane aride, parce que son instinct naturel le pousse à le faire, comme celle de l'homme qui meurt de faim. Alors je me suis arrêté et lui ai tendu mon sandwich. Il a instantanément levé son regard vers le mien et j'ai pu y voir les sirènes de la crainte, celle d'autrui, comme un chat sauvage toujours méfiant devant l'homme et la mise en scène de ses vertus suspectes, alors j'ai agité mon sandwich, comme pour lui donner mon feu vert. Après quelques hésitations, il s'est doucement approché avec sa démarche féline et boiteuse, s'est arrêté à deux pas, puis il s'est saisi violemment du butin, avant de partir en courant sans se retourner.

Au détour de la ruelle suivante, je l'ai vu se battre avec un autre damné, tout aussi affamé que lui, et j'ai regardé le spectacle affligeant de la nature humaine défiler devant mes yeux, sans bouger le petit doigts, et la crasse des faubourgs remontait vers le ciel comme pour mettre en lumière l'éternelle misère que surplombait le ciel gris. Après quelques minutes de lutte, l'agresseur du lutin finit par asséner un coup fatal a sa victime, puis à retiré ce qu'il restait d'un morceau de pain des mains du pauvre boiteux avant de s'enfuir, et le public à lançé une ola. Le vieillard gisait au sol, repeignant le pavé froid d'un nouveau pourpre évocateur.

C'est donc de ça qu'on est tous faits.

J'ai continué mon chemin, jusqu'à la prochaine boulangerie.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire StockolmSyndrome ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0