Chapitre 9 : Retour au pays (2)

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La vieille femme se détourna d’eux et s’engouffra dans le chemin menant à l’extérieur. Vyrian pouvait sentir un courant d’air chaud s’en échapper. Depuis son entrée dans le puits, qu’il s’agisse de la descente en rappel ou de l’avancée sur le sol inégal de la grotte, il avait toujours été en mouvement et ne s’était pas aperçut du léger changement de température.

Le groupe suivit l’Hydriossienne qui s’arrêta un peu plus loin, face à une imposante porte en bois. Oriana sortit de sous sa tunique une clé attachée à un cordon et l’inséra dans la serrure. Elle se tourna vers Kela et fit pivoter la porte laissant entrer la lumière du soleil.

— Je compte sur toi pour les mener chez moi. J’ai encore quelques détails à régler pour la réunion de demain.

La Visionnaire hocha simplement la tête et sortit des grottes suivit de près par les deux Ombres et leurs protégés. Vyrian fermait la marche, il voulut poursuivre la discussion avec Oriana, mais elle le devança.

— On aura tout le temps d’en reparler une fois installé.

Vyrian n’insista pas et partit rejoindre les autres. Kela avait rabattu sa capuche sur sa tête et seules ses boucles noires dépassaient. Il remonta le groupe et vint se placer à ses côtés. Ils empruntèrent des chemins de campagne et le biologiste ne put voir de la ville que les tuiles bleues des habitations.

Un cours d’eau serpentait ente les terres agricoles et Vyrian fut apaisé par son bruit. En regardant ses compagnons, il vit à leurs expressions qu’il n’était pas le seul. Il surprit une nouvelle fois Nick et Yomi se rapprocher. Il s’était tissé entre eux un lien fort. Tous deux venaient du même monde, l’apprendre avait dû être pour eux un premier pas pour sympathiser, les événements du Monde Numérique avaient fais le reste et une complicité était née.

Vyrian repensa aux paroles de Skan et à la noirceur de Xam et Yomi. S’il y en avait un pour en éloigner la jeune femme, s’était bien Nick. Il ne cessait de tourner sur lui-même, telle une girouette et ce spectacle amusait la mysticienne, un sourire illuminait son visage. Le chercheur ne se rappelait pas l'avoir déjà vu aussi joyeuse. L'Historian semblait avoir la capacité de lui faire oublier les précédents événements, lui rendant sa joie de vivre.

Non loin de là, Kayle et Vanea admiraient également le paysage. Vanea cueillait des fleurs sauvages et les portaient à son nez. Elle les faisait ensuite tourner entre ses doigts, les admirant sous tous les angles, tandis que son frère passait ses mains dans les cultures agricoles bercées par le vent. Leurs réactions étaient plus modérées que les deux Historians, mais il ne faisait aucun doute, ils étaient heureux d'être là.

Occupé à regarder autour de lui, Vyrian ne vit pas le pont qui se tenait devant lui et il s'empiergea, se rattrapant de justesse. Lorsqu'il se redressa, il découvrit le reflet scintillant de la ville dans l’eau. Il s'arrêta et contempla le paysage. Il lui rappelait les albums photos de sa campagne natale. Le biologiste lutta contre les souvenirs qui refaisaient surface et Kela lui facilita la tâche.

— Ne te fit pas aux apparences, cette ville est moins idyllique qu’elle n’y paraît.

Vyrian détourna le regard du paysage et suivit la jeune femme se gardant de l'interroger. Il le ferait lorsque la situation serait plus propice, en attendant, il se laissa guider. Ils ne tardèrent pas à apercevoir une grande propriété dotée sur l'une de ses façades d'une roue à eau. Le courant poussait les pales du dessous et faisait tourner la construction.

Arrivés devant le bâtiment, le bruit de la roue surprit Vyrian, contrairement à ce qu'il s'était attendu, elle tournait silencieusement, seul le clapotis de l'eau se faisait entendre entre ses palmes. Ils pénétrèrent dans la propriété et Kela les mena à l'étage. Elle les invita à choisir une chambre. Vyrian regarda amusé Nick et Yomi prendre la même, Xam sur leurs talons. Le reste du groupe se dispersa dans les autres pièces et Vyrian en choisit une au-dessus de la roue. Kela s'attarda quelques instants à ses côtés.

— Il y a des chambres plus calmes si tu le souhaites.

— Non, c’est très bien, le bruit de l'eau m'apaise.

Satisfaite, la jeune femme repartit, le laissant seul face à l'énorme baie vitrée aqueuse. Le scientiifique en effleura la surface, propageant des ondulations et déformant le paysage en contrebas. Comme il avait déjà pu le voir dans les ruines, l'eau se durcit lorsqu'il tapota la surface, avant de reprendre sa densité initiale. De là, Vyrian avait une vue dégagée sur la campagne hydriossienne. Il s'en tourna à regret et prit le temps d'observer son nouvel environnement.

La chambre comportait une grande armoire, deux tables de chevet, le tout dans un bois bleu grisé. La baie vitrée rendait la pièce lumineuse, tout en filtrant les rayons du soleil. La température y était agréable. Un lit deux places occupait le centre de la chambre et une malle se trouvait à son pied. Vyrian l'ouvrit et y plaça son sac. Occupé à récupérer le carnet de Rayec, le biologiste sursauta lorsque les survivants le contactèrent.

— Quel luxe !

Vyrian ne pouvait qu'approuver, il n’avait jamais eu tant de confort. Fils unique, il venait d’une famille modeste et avait dû travailler en parallèle de ses études, le midi en tant qu’animateur dans les cantines pour les enfants et le soir dans les fastfoods. Cela avait empiré avec le décès de son père. Il avait consulté pour des essoufflements inhabituels et les médecins lui avaient diagnostiqués un cancer en phase terminale. La nouvelle fut aussi brutale qu’inattendue. Son père décéda dans la semaine. Après plusieurs examens, son cancer fut catégorisé comme étant dû à l’amiante et de longues démarches administratives commencèrent. Vyrian y consacra tout son temps, délaissant ses études, ses emplois et surtout sa mère endeuillée. Elle finit par entrer en dépression, sans qu'il ne s'en aperçoive, et même avec l'aide d'un groupe de parole et de Clana, il ne parvint pas à lui faire retrouver le sourire. Elle se suicida dans les mois suivants, d'une overdose de somnifère. Vyrian à peine remis du décès de son père, se consola du mieux qu’il put, se répétant qu’au moins elle était morte sans souffrance, bien qu’au fond de lui, il savait que c’était cet excès de douleur qui l’avait conduit à une telle extrémité.

Clana étant proche de sa famille encaissa difficilement la nouvelle. Orpheline, elle avait grandi dans un centre spécialisé, sa mère toxicomane en avait perdu la garde lorsqu'elle avait cinq ans. La jeune femme avait elle-même eut un passif avec la drogue avant d’arrêter lorsqu’elle avait prit conscience qu’elle suivait les traces de sa mère. Elle avait comblé son besoin d’adrénaline en pratiquant des sports extrêmes. Depuis, tout incident dut aux drogues, la peinait.

Ils s’étaient beaucoup rapprochés pendant cette période, surmontant ensemble ces décès. Les larmes vinrent au scientifique se rappelant l’une des discussions les plus difficiles qu’il avait eu avec Clana.

— Que ferais-tu si je venais à mourir ?

— Déconne pas avec ça, c'est pas le moment !

— Je suis sérieuse, comment réagirais-tu ?

— Je serai triste.

— Et ?

— Que veux-tu savoir exactement ?

— Je veux que tu me promettes qu’après avoir pleuré, gémit, et tout ce que tu veux, que tu te relèverais et que tu trouverais la force de vivre. Je veux que ce cœur continue de palpiter, que si la vie t’offre de nouvelles opportunités que tu les saisisses. Jure-le-moi !

— Je… Je le jure.

Vyrian voyait encore son regard déterminé et sincère. Il l’avait aimé pour ça, sa sincérité et son franc-parler.

On toqua à la porte. Kela se tenait dans l’encadrement, il lui fit signe qu’elle pouvait entrer. Elle refema la porte derrière elle. Vyrian fut étonnée par sa couleur de cheveux, ils n’étaient plus noirs, mais bleu nuit et ses yeux d’un bleu saphir ressortait sur sa peau diaphane. Sa tenue avait également changé. Elle en tenait une d’ailleurs dans les bras qu’elle lui tendit.

— Les Hydriossiens n’aiment pas les étrangers, s’habiller aux couleurs locales facilitera un peu les choses.

Il lui pit les vêtements des bras et ils restèrent un instant face à face sans rien dire, les paroles de Clana lui revinrent.

— Je veux que tu vives, si tu en viens à trouver quelqu’un d’autre, rends-la heureuse ou le heureux comme tu l'as fais avec moi. La vie est suffisamment dure, il n’y a pas besoin de se faire souffrir.

Vyrian déglutit péniblement, Kela l’observait toujours. Devant ses yeux humides, elle baissa la tête avant de s’exprimer d’une voix faible.

— Tu te souviens les fioles que je t’ai donné avec le sérum de vérité. Je n’avais pas l’intention de te forcer à les boire, mais de les partager avec toi.

Ellle releva les yeux vers lui.

— Mais ce n’est peut-être pas le bon moment.

— Au contraire ça l’est, je viens de me rappeler de quelque chose de très important.

Elle hocha la tête, et attrapa l’une des fioles à la ceinture de Vyrian qui l’en empêcha.

— Nous n’en avons pas besoin. Tu souhaites me dire la vérité, je le souhaite également, c’est plus que suffisant.

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