Chapitre 1 : Mise à jour (1)

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Vyrian avait beau regarder dans toutes les directions, seule l’obscurité l’entourait. L'endroit dépourvu d'odeurs et de bruits, ne lui fournissait aucun indice sur sa localisation. Il ne savait comment se repérer, quand une voix lui parvint. Il se laissa guider et le paysage s’éclaircit peu à peu jusqu'à laisser place à l’ISTA. Face à cet environnement familier, Vyrian en oublia ses craintes et observa, comme il en avait pris l'habitude l’Institut des Sciences et Technologies de l’Avenir.

Une fois de plus, il ne put s'empêcher de détailler la Pilule, le dernier dispositif né de l’établissement. Le film avait été étiré sur sa façade, le recouvrant d'une toile argentée. Les rayons du soleil venaient s'y réverbérer le faisant scintiller. L'ISTA brillait de mille feux.

Le mécanisme mettait en valeur le bâtiment, mais il ne s'agissait que d'un effet secondaire. Comme son nom l'indiquait, la Pilule avait un rôle de protection. Actuellement, en phase de test autour du bâtiment, les résultats devaient permettre de déterminer si elle agissait bien comme une barrière entre les éléments sains et ceux contaminés. Le film devait son aspect brillant aux nanoépurateurs quadrillant sa surface. Ses petites structures avaient pour fonction de filtrer les impuretés de l’air et des nappes phréatiques, dans le but de préserver et de dépolluer l’environnement.

Il était prévu, si le dispositif se montrait à la hauteur de leur espérance que les monuments et les surfaces agricoles en soient équipés, dans un premier temps. Les premiers pour sauvegarder la culture et les seconds pour améliorer la qualité des aliments. Le mécanisme visait à endiguer les malformations liées à l’alimentation. Ils étaient arrivés à une situation critique. En plus de s’asphyxier avec l’air qu’ils respiraient, ils s’empoisonnaient avec leur nourriture, si bien que la longévité avait rapidement diminué.

Alors que son regard se perdait sur l’armature, Vyrian se rappela la conceptrice d'un tel dispositif et les battements de son coeur s'accélèrent. Il ne savait à quel moment cela c'était produit, mais il avait rapidement dû se rendre à l'évidence, il était tombé amoureux de Clana. Il poussa un soupir lorsqu'il pensa à ce qui l'attendait. Il avait rendez-vous avec la jeune femme pour parler de leur projet et de la façon de les mettre en commun. L'idée d'un tête-à-tête avec elle, fit naître un sourire sur ses lèvres.

Alors qu'il reprenait la direction du parc longeant le côté sud du bâtiment, la voix se fit de nouveau entendre. L'image de la pièce sombre lui traversa l'esprit, mais il la chassa et se laissa guider par la douce mélodie. Lorsqu'il arriva devant la chanteuse, il resta pétrifié. Clana se tenait assise sur le dossier du banc. Ses longs cheveux cascadaient sur sa poitrine. Vyrian avait toujours aimé l'apparence un peu punk de la jeune femme. Des racines de ses cheveux à leurs pointes, sa crinière arborait un joli dégradé passant du blond platine, au blond vénitien, puis au roux et enfin au rouge. A l'image de la jeune femme, ses cheveux étaient flamboyants. Le biologiste ne pouvait s'empêcher de l'admirer tant pour son caractère, que pour son intelligence ou son apparence. Même vêtu d'un bleu de travail et de la poussière maculant ses joues, elle lui paraissait magnifique. Elle devait venir du chantier. Vyrian sourit à l'imaginer se balancer au bout d'un baudrier à la recherche de pierres friables à consolider. Ingénieur de formation, la jeune femme cumulait les passions, l'architecture n'en était qu'une parmi d'autres, Vyrian la suspectait d'être responsble de l'esthétisme de la Pilule.

Il profita qu'elle ait les yeux fermés pour écouter la fin de la chanson. Dans un coin de sa tête, il nota qu'elle aimait chanter et se promit s'il en avait le courage de l'emmener dans un karaoké.

« Irradiés jusqu’aux os

Condamnés au repos

Nous luttons contre nos bourreaux

L’avarice et l’égo


Pour ne pas tous les nommer

Sinon on serait mal barré

Enfin façon de parler

Car on va tous y rester »

Il reconnut le titre « C’est pas gagné » du groupe Ecolo post-apo. Vyrian n’avait jamais été un grand fan, mais il leur reconnaissait au moins le mérite de faire des chansons d’actualité et prenait très au sérieux le rôle de porte-parole qui leur avait été octroyé. Leurs chansons s’inspiraient notamment des phrases qu’ils entendaient le plus souvent dans la rue, ce qui expliquaient le côté un peu simpliste de leur parole.

Le nom de leur groupe n'était pas une de leurs idées, mais leur avait été attribué par un politicien pour se moquer de leur composition. Le surnom avait rapidement été reprit par la population qui lui avait rapidement donné ses lettres de noblesse et le groupe avait fini par l'adopter.

Lorsque la jeune femme ouvrit les yeux, elle le fixa de ses yeux vert pâle.

— Qu'en penses-tu ?

Le scientifique aurait aimé lui répondre, mais il peinait à sortir de sa contemplation. Aussi il ne put bégayer que les débuts d'une phrase.

— Je…Je....

Ce qui fit rire la jeune femme.

— La Pilule, andouille !

Au nom de la construction, Vyrian reprit peu à peu son sérieux.

— C'est beau, mais il faut espérer que ce soit utile.

Le scientifique se maudit pour la dureté de ses paroles et se mordit la lèvre. La jeune femme lui sourit en réponse.

— Allez viens, assieds-toi.

Elle se décala pour lui laisser une place sur le banc, une fois Vyrian à ses côtés, elle reprit.

— Imagine ce que nous pourrions faire avec nos deux technologies couplées.

Vyrian aurait aimé partager son optimiste, mais une fois de plus ses inquiétudes prirent le dessus.

— Mais en aurons-nous le temps ? Je veux dire combien de temps cela nous prendra-t-il pour arriver à une version finale ?

— Des années sûrement.

— Et cela ne t'inquiète pas ?

— Nous mourons forcément à un moment où un autre, le principal est de choisir comment.

— Ouais, mais si le projet échoue.

— Et c'est reparti toujours des "si" par-ci et des "si" par-là. J'ai une question pour toi : que se passerait-il si je t'embrasse ?

— Je …

Elle ne lui laissa pas le temps de finir sa phrase et apposa ses lèvres contre les siennes. Vyrian sentit son cœur s’emballer et le rouge lui monter aux joues. Jamais il n’aurait imaginé qu’une telle femme puisse éprouver les mêmes sentiments que lui. Mais à présent, qu’il en avait l’opportunité, il ne comptait pas laisser passer la chance qui lui était donné et lorsque leurs lèvres se séparèrent, il l’embrassa de nouveau. Sauf que cette fois, le contact chaud et doux de sa bouche se fit froid et visqueux, ses cheveux perdirent leur éclat et devinrent filasses jusqu’à lui rester dans les mains alors qu’il les entortillait entre ses doigts.

Il recula et de sa bouche et de ses mains partirent de longs filaments translucides, il s’essuya les lèvres en vitesse, face aux yeux blancs qui le fixaient. Ne comprenant pas ce qu'il voyait, il interrogea la jeune femme.

— Cla… na ?

Comme s’il ne l’avait pas entendu, le corps se pencha en avant et tomba. Vyrian s’en écarta précipitamment et chuta du banc. Des images commencèrent à défiler sous ses yeux. Il revit la mort de Clana et glissa un coup d'oeil au corps à ses pieds, mais celui-ci avait disparut comme le reste du paysage. De nouveau seul, il hurla le nom de sa bien-aimée.

— Clana !

Alors qu'il s'époumonait, de nouvelles images lui apparurent, bientôt arrêtées par le retentissement d'une gifle. La joue en feu, Vyrian ouvrit les yeux.

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