J'avais 17 ans... J'étais follement amoureuse bien que la plupart de mes amis ou même ma famille ne comprenait pas mon choix. Oh... Pas qu'il était plus vieux... Simplement, on me qualifiait de jolie fille : grande, svelte, avec une humour assez décalé ! J'étais fière de mon corps, bien que je n'avais pas de poitrine, ma taille 36 attirait bien des regards. Envieux, jaloux mais aussi charnels...

Mon petit copain était à l'inverse de moi : avec ses presque 100 kilos, personne ne comprenait mon attirance pour lui. Pourtant... Pourtant, je l'aimais. J'aimais son sourire, sa façon de se moquer de moi, son instinct protecteur parfois même un peu trop jaloux... J'aimais notre différence : lui, noir, moi, blanche, lui, obèse, moi, toute mince.

Nous allions fêter notre première année ensemble. Il connaissait ma famille et moi la sienne. Je passais l'essentiel de mon temps libre chez lui et quand j'étais au lycée, il n'hésitait pas à bâcher les cours, juste pour venir me voir.

Notre couple attirait bien des regards. Même les plus malveillants.

- Hey ! Cafrine ! Qu'est-ce que tu fous avec ce gros tas ! Tu mérites mieux !

Combien de fois j'avais entendu ça ? Je mieux ? Qu'est-ce que tu en sais ? Pauvre con...

Il a découvert le sexe avec moi. Bon... Ce n'était pas un dieu mais je m'en fichais. J'aimais juste être dans ses bras. Nous faisions attention : moi la pilule et lui préservatif. Enceinte alors que je n'avais pas fini l'école ? JA-MAIS.

Sauf que...

Cette semaine-là, j'avais fini ma plaquette. Il aurait fallu que j'aille m'en faire prescrire une nouvelle boîte. Ce que je n'ai pas fait. Et... On n'avait plus de capote...

Nous sommes dans son lit... Une caresse puis une autre... On s'était dit que les mains, pas de pénétration... Pour être sûrs. Mais voilà. Pris dans notre élan... Et là, il ne se retient pas.

• Tu sais que je risque de tomber enceinte là ?
• Oui... Et ? Ce serait merveilleux non ?
• Merveilleux ? Tu rigoles j'espère ?
• Imagine... Un mélange de toi et moi...

Devant ma mine déconfite, il éclate de rire.

• T'inquiète... Ça ne va pas arriver.
• J'espère pour toi.
• De toute façon, même si cela arrivait je serai toujours là pour toi. Toujours. Je t'aime.

En voilà des paroles rassurantes.

Le mois suivant, pas de règles. Bon, après tout, je n'ai jamais été régulière.

Le mois d'après... toujours rien. Je commence à avoir la trouille. Je décide de faire un test de grossesse. Négatif. Ouf... Tout va bien.

Sauf que... Trois mois après... Toujours rien. Je lui en parle. Nous décidons d'aller à la PMI. Trois tests de grossesse plus tard... rien. Tous négatifs. Le médecin me donne trois pilules à avaler à intervalle régulier.

• Tes règles viendront avec ça, me dit-il.

Je suis sceptique. Pourquoi ? Aucune idée. Je décide d'aller voir mon médecin de famille pour qu'il me prescrive une prise de sang.

La nouvelle tombe. Je suis enceinte. De trois mois et demi. Trop tard pour avorter. Merde. Je lui envoie un message.

C'est officiel. Tu seras papa dans moins de 6 mois.

Mon téléphone sonne. Il est censé être en cours.

• C'est... c'est sûr ? Tu... Tu es enceinte ?

Je n'arrivepas à décripter son ton. Peur ? Joie ?

• Oui... J'ai fait une prise de sang, murmurai-je.

Silence au bout du fil. J'ai soudainement peur. Une peur qui me tiraille le ventre. Qui m'ouvre en deux. Je suis enceinte. Je passe le bac dans quelques mois. Lui aussi. Mes parents vont me tuer. Me trucider. Un cri me sort de mes sombres pensées. Je sursaute.

• Oh mon dieu ! Je vais être papa ! C'est le plus beau jour de ma vie !

Je souris. Malgré l'avenir incertain qui (nous) m'attend, je souris car je suis heureuse. Il ne me rejette pas. Je vais avoir un bébé avec le garçon que j'aime.

QUELLE NAÏVETÉ !

L'annonce aux parents n'a pas été une mince affaire. Nous devions le faire le même soir, histoire d'accorder nos violons. Si moi j'ai sauté le pas, lui non. Il a fallu plus de deux semaines pour lui. Finalement, une table ronde a été demandée par mon père, fou furieux. Mais j'ai plus peur de maman.

Il dit qu'il veut assumer. Il sera là. Ouf... Mon père semble soulagé, ma mère sceptique. Ma belle-mère est en colère. Je n'ose même pas imaginer ce qu'elle pense.

Cela fait une semaine. Une semaine que je n'ai pas de nouvelles. Bon, il m'a dit être en carême. Je sais que dans ces moments-là, il ne peut pas avoir de contact avec moi car nous ne sommes pas mariés et qui plus est je suis enceinte. Je comprends. Et prends mon mal en patience.

Une semaine et trois jours. Toujours aucune nouvelle. Il ne répond ni à mes messages, ni à mes appels. Je panique. J'essaie à nouveau.

• Allô ?

Une voix féminine. Sur son téléphone. Il est plus de 22h. PARDON ?

• T'es qui ? questionnai-je un peu brutalement.
• Euh... Euh... Je suis sa cousine.
• Sa cousine ? À ma connaissance, il n'en a qu'une et elle a quatre ans ! Alors t'es qui ?

Silence au bout du fil. Mon coeur va exploser. Qui est cette fille ? Par pitié, tout, tout, mais pas ça.

• Allô ?

Ma "belle-mère".

• Écoute. Mon fils ne veut plus rien à voir avec toi. Vous deux, c'est fini.

Fin de la conversation. Elle me raccroche au nez. Je n'ai pas pu discuter avec lui. Je suis enceinte de six mois. Il est avec une autre fille. Je hurle. Je crie ma détresse. Ma tristesse. Ma peur. Maman déboule dans ma chambre, paniquée.

• Qu'est-ce qui se passe ? me demande-t-elle.
• Il... Il me lâche...

Ce sont les seuls mots qui sont sortis de ma bouche. Un torrent de larmes se déverse sur mon visage. Malgré sa colère envers moi, maman me prend dans ses bras et tente de me réconforter.

Nouvelle table ronde. J'ai froid. J'ai honte. Honte d'y avoir cru. Honte de m'être fait avoir.

• Tu as couché avec tellement de mecs que toi-même tu ne sais pas qui est le père ! tonne ma désormais ex-belle-mère.

Génial. Je ne m'y attendais pas, à celle-là. Il y a quelques mois, j'étais la belle-fille idéale et aujourd'hui me voilà reléguée à la pute de service. Et lui qui ne bronche pas. Il se contente de baisser les yeux.

Et là, je la sens. La colère. La haine. Je vais exploser.

• Suis-moi.

Il me regarde enfin. Il tourne sa tête vers sa mère en quête de son approbation.

• Quoi ? T'as peur que je te fasse quoi dans mon état ?

Mon ton est acerbe. Je pointe alors mon doigt vers mon ventre énorme. Il me suit dans ma chambre. Sur le lit, j'ai déjà posé tous ses cadeaux : des peluches à la bague de "fiancailles".

• Alors tu me lâches ? Comme ça ?
• Bébé...
• Je t'interdis de m'appeler comme ça.
• C'est que... les gars... les gars m'ont dit que...
• Oh... Les gars... Tes "amis". Bah bravo. Et dit-moi quand hein ? Quand je n'étais pas en cours, j'étais avec toi ! Ah peut-être qu'ils sont venus me baiser dans cette chambre avec papa juste à côté ! Ça doit être ça !

Mon ton est monté crescendo. Je suis en fureur. Mon coeur bat la chamade : je sens que je vais bientôt pleurer. Non. Pas devant lui.

• Dégage.
• Quoi ?
• Tu m'as bien comprise. Dégage. Tu ne veux pas assumer ? OK. Pas de problèmes. Je me démerderai. DÉGAGE PUTAIN !

Il est sorti de ma chambre et de ma vie.

Qu'est-ce que j'aurais pu changer ?

Ne pas tomber amoureuse ?

Avorter ?

Prendre ces fameuses pilules ? Aujourd'hui, je sais que c'était l'avortement médicamenteuse.

Je suis tombée enceinte à 17 ans et ma vie a été un enfer tout le long de ma grossesse. J'étais devenue la pute de service qui ne savait pas qui était le père de son enfant.

Aujourd'hui, il a 17 ans. Et moi, je suis mariée et heureuse. Et à nouveau maman d'un garçon de dix ans.

Si je n'avais pas eu ce chemin de vie aurai-je eu celle que j'ai aujourd'hui ? Non. Oui. Aucune idée.

La seule chose dont je suis certaine c'est que si j'avais la possibilité de retourner dans le passé, je me ferais prescrire cette fichue plaquette de pilules ! La grossesse à 17 ans... Non, très mauvais plan.

Chaque action passée a ses conséquences dans l'avenir.