4. Océane

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Décembre 2020

 Ce confinement, j’étais sensé le passer avec Océane. Océane était ma copine, jusqu’à ce que la dispute a éclaté. J’y repense en regardant ma valise noire que je n’ai toujours pas défaite. Cette valise attire mon regard irresistiblement et me replonge dans ces moments douloureux. Nous nous sommes disputé en étendant le linge, précisément pour un draps tombé par terre, et je suis parti brusquement faire mes bagages. Nous sommes restés l’un à coté de l’autre longtemps, ne sachant trop quoi faire, les yeux remplis de larmes et rivés sur la valise posée sur le lit. Puis je l’ai prise cette valise, et m’en suis allé. C’est ce qui m’a conduit à être ici désormais dans ma chambre, seul avec cette valise, sorte de machine à remonter les souvenirs.

 J’ai en tête le 11 mai dernier. C’était un jour particulier pour ceux qui s’en souviennent. Un jour que l’on avait attendu longuement, un jour d’espérance. La jeunesse s’était embaumé de parfum et de beaux vêtements ce matin là. Les arbres avaient revêtu leur parure et l'on sentait dans l’air leurs odeurs de pollen. J’ai alors éternué dans mon coude et manquais de peu de donner un coup de volant. Je regardais de temps en temps dans le rétroviseur, pour vérifier ma coiffure et aussi car je détestais quand quelqu’un me collait au cul. Personne derrière moi sur la route du paradis. Oui c’était ainsi qu’elle s’appelait, et en tout état de cause, je me disais que je roulais vers mon paradis. Quel-était t’il ? Comme la plupart des jeunes homme de mon âge je n’avais en tête que les filles. J’avais en tête la fille. J’ai continué ainsi ma route, serpentant entre les buttes et les longères normandes. Il faisait beau. Trop chaud. Tellement chaud que je me suis dit que j’avais bien fait de mettre du parfum puisque collait le siège à mon dos. Mais l’air qui venait de la fenêtre ouverte, contre laquelle je posais mon coude avec assurance, cet air était agréable. La « route du paradis » était sinueuse et paraissait de plus en plus étroites à mesure qu’elle été parcourue. C’était comme ces serpentins que l’on jète le soirs de fêtes. Parfois, le serpentin bouclait et il fallait rétrograder entre les buttes et fossés des virages. Serrer les fesses pour que personne n’arrive en face. Ma voiture zigzaguait toujours et je lui donnais des petit coups de volants nets et précis, pour mener la barque sur la route du paradis. Je suis passé prendre Océane, elle est entré dans la voiture comme un soleil et nous avons parcouru quelques kilomètres. Nous savions où aller. Nous avions eu tout un confinement pour nous décider. il nous fallait y revenir pour finir ce que nous avions commencé, avant que tout s'arrête.

- Elles sont où tes maisons troglodytes ?

- J’sais pas moi, regarde par là, y’a un autre chemin.

 Nous étions là, bien arrivé à l'endroit tant fantasmé, en train de marcher sur les sentiers d’Orival, petite ville normande au dessus d’Elbeuf. C’était un beau sentier qui longe les falaises des boucles de la Seine Normande, un sentier au cœur du calcaire. Nous cherchions des troglodytes vieilles de plusieurs centaines d’années, ces maisons incrustés dans la roche. Elles était à fleur des falaises érodée et il n’en restait plus que quelques bourgeons fossilisé. Quelques fenêtres et des orifices dans le calcaire, lesquels servaient à soutenir des poutres, parfois des escaliers. Nous nous y étions déjà rendu avant que tout ce soit arrêter et nous n’avions vu cet endroit qu’en hiver et la forêt nous avait donné un tout autre spectacle. Les arbres avaient été d’un duvet au travers duquel nous pouvions projeter notre regard. Il était maintenant plus dur avec toutes ces feuilles de se repérer. Nous avancions à l’aveugle et pour l’instant, perdions la piste des maisons troglodytes. Qu’importe puisque nous mourrions ne rire. Nous avions en tête qu’il s’était passé durant le trajet.

 Le voyage s’était bien passé sinon que la voiture était allé dans un fossé. Rien de grave, c’était juste avant cette ballade sur ces sentiers d’Orival, plus précisément à trente mètre de notre arrivée et du parking devant la forêt. J’avais dirigé mon regard au travers de la fenêtre baissé. Vers des chiens qui sautillaient dans un champs de blé, lorsque rayon de lumière avait donné à ce doré une composition merveilleuse. c'est la version que je lui ai raconté, mais la vérité est que je l'avais regardé, elle. J’avais alors été bouche bées et la voiture elle, avait eu ses deux roues dans le vide. J’avais juste eu le temps de serrer le frein à main à temps pour épargner les deux autres. « Cela t’apprendra à faire le branleur avec la voiture de ton père » m’étais-je dis. Après le choc, qui n’avait été qu’un horrible crissement du châssis contre le bas coté, je m’étais perdu dans son regard qui de la peur avait vite revêtu un air moqueur. Bien qu’inconfortable dans ce vide d’une quinzaine de centimètre, nous avions explosé de rire. Le trajet avait été ce que nous retenions le plus de cette journée. on dit bien que ce qui est important c'est le chemin, et non l'objectif. Ce véritable « coup de la panne » était admirable. Nous étions perdus et cela nous importait peu. Nous savions qu’un souvenir inoubliable avait été crée et nous étions encore en train de nous en délecter. nous en oublions notre faim. Tout allait bien, la voiture n’avait rien, et un gentil monsieur avait réussi à nous sortir de là grâce à deux trois câbles.

 Nous arrivions, pour la seconde fois, devant un grand arbres dont je ne pus dire l’espèce, peut-être un chêne. Il posait comme le sujet d'une toile de maitre, vieux monarque sur son royaume sylvestre, qui attendait de nous une courbette. C’était un vieil arbre tortueux à la croisée de plusieurs chemins. Lorsque l’on grimpait pour mettre ses mains en casquettes et chercher au travers des feuillage une destination, on pouvait remarquer que que son tronc prenait racine sur des pierre sculptées, sans doutes était-ce-là les ruines d’une maison d’ermite.

- T’es quand même vraiment con Yannis, m’a-t-elle dit affectueusement, repensant à la voiture.

- J’ai pas menti sur la marchandise,

 Et nous avons tourné, tourné sans jamais trouver ces grottes que nous avions pourtant déjà vus. Nous savions qu’elles étaient là, quelque part. Il n’y avait personne à qui demander le chemin, enfin personne qui n’était pas déjà dans les grottes. Un homme vivait en effet là bas, en parfait ermite, il avait aménagé sa propre maison troglodyte, son antre. Il a utilisé ce qui semblait être des morceaux de taules de provenance diverse, parfois la carrosserie de voiture ayant fini à la casse. La dernière fois, il avait planté sa clôture pour marquer son territoire et j'avais juste pu voir son regard au travers de son antre.

 En ce jour particulier, foisonnant de toutes les espérances, nous nous somme avoués vaincus. Pas même la moindre de ces grottes à fleur de la peau craquelé des falaises de craie, là où nous aurions pu graver comme deux adolescents, nos initiales dans la pierre molle. Alors, nous marchions toujours. Océane, instinctivement, regardait derrière elle pour savoir si nous étions suivis. c'était un de ses reflèxe. Peut-être avait t-elle peur de cet homme de la forêt dont je lui racontais l’histoire. Au fond, nous avions du mal à y croire, que l’on puisse vivre aussi détaché du monde. Cet homme ne pouvait exister que dans les histoires d’aventure sinon d’horreur. Il y avait bien chez lui quelque chose de romanesque et au fond, nous admirions cet homme pour cette vie au milieu de la nature si c'était celle qu’il avait choisi. Cette vie nous semblait belle. Pourtant, quand bien même celui-ci venait à passer devant nous, nous n’oserions pas lui demander notre chemin. Cet homme fantastique, tapis dans la nature, faisait peur. Autant que cette Nature nous faisait peur.

- Argh c’est absurde, elles sont le long de la falaise et on arrive à tourner autour. J’en ai marre.

- Ça me fait penser à un bouquin, ai-je commencé car je n’aimais pas quand elle s’énervait.

- Ah oui ?

- Le château de Kafka, tu sais celui qui a fait le truc sur le cafard là, bah dans ce livre les personnages tournent autour d’un château sans jamais y arriver.

- Ça finit comment ?

- Je crois que Kafka n’a pas réussi à terminer le livre, ai-je répondu nerveusement.

Nous n’étions pas suffisamment égarés pour oublier le chemin inverse. Alors, bien que déçus, nous nous sommes résigné à rebroussé chemin. Nous nous sommes arrêté un instant, près du sentier en gravier qui menait au parking. près de là où avait sombrer la 206 de mon père. Là, au travers du manteau de feuilles, elle avait distingué les reflets d’un bassin d’eau. Il y avait en effet cette marre, entourée d’hautes herbes et de joncs. Nous nous sommes approché en prenant garde de ne pas faire fuir le héron, posé d’une seule patte paisible à la surface de l’eau. Il y avait ce tapis de confetti vert, pour protéger cette parfaite harmonie. Les poissons déféquaient pour nourrir les racines des plantes émergentes. Je voyais, à certains endroits épargnés par les postillons vert et les nénuphars, une eau vivante. J’en étais sûr, que cette eau était gorgée d’oxygène et sa transparence troublée seulement par les queues des têtards, son silence par le croa des crapauds. C’était apaisant que de regarder la nature dans les yeux de ses iris bleus. J’ai déposé nos affaires à quelque centimètres du bords sur un plateau entouré de prime-vert desquels s’envolaient quelques libellules. Leur couleurs, pareil aux nappes d’essence sur le bitume, s’en allaient rejoindre cette marre notre paradis. Nous avons assisté à son doux crépuscule lorsque le soleil commençait à plonger dans son autre marre de mer, une infinité de mètre plus loin derrière la bordure des arbres. Ceux-ci ne laissaient passé qu’un peu de lumière, par petites touches. Comme un projecteur, ils nous donnait à voir seulement l’ombre d’une grenouille gobant sa libellule, devant le décors des massettes à larges feuilles.

 La lune et les étoiles ont commencé à transparaitre en filigrane, comme une première couche d’aquarelle. Et nous avons alors assisté au coucher de la nature, bercée par les bulles des carpes et le crescendo des crapauds. Puis le tableau s’est renversé tout entier lorsque nous avons déposé nos corps sur ces draps verts de mousse. Nos têtes ont basculés vers le ciel, lequel de son rose tendait vers un bleu plus profond. Main dans la main, ses cheveux se sont mêlés aux miens. Son regard bleu s'est mélangé au brun. Ses joues rougis par le froid sont devenus mes joues. Et ses lèvres sont devenues mes lèvres.

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