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Porte après porte, Leïlan réalisait qu’il ne reviendrait jamais.

Porte après porte, le sceau qu’il présentait aux guerriers s’alourdissait dans sa paume.

Aux abords du dernier rempart, Leïlan repassa au trot. Pas une fois, il n'accorda un regard en arrière de peur de rebrousser chemin. L'une de ses mains tenait fermement les rênes tandis que l'autre serrait l'enfant tout contre lui.

— C’est le fils de Geïlgdûn l’immortel, laissez-le passer ! tonna la voix d’un archer perché en haut d’une tour avant même que Leïlan ne brandisse l’emblème royal aux pieds des portes.

Aux symboles gravés sur la tempe et la joue du guerrier, Leïlan comprit qu’il s’agissait de l’un des plus puissants combattants de son clan. Il ne pouvait en être autrement : seuls ces derniers furent autorisés à rester au royaume auprès de leur chef. Les autres avaient été envoyés aux postes-frontières. Maintenant qu’il y songeait, jamais Leïlan n’avait vu son père recevoir une missive de la part de ses hommes partis au loin.

Le grincement des imposantes portes en bois l'arracha à ses pensées. Lorqu’elles furent grandes ouvertes, le jeune garçon resta immobile. La respiration rapide de sa monture suivait les palpitations de son cœur. Leïlan réalisa après quelques secondes que les battements fous qui pulsaient à ses tympans provenaient de l’alerte du royaume. L'enfant geignit et attira l'attention d'un autre guerrier. L'expression paniquée de Leïlan lui mit la puce à l'oreille, car aussitôt, sa voix s'éleva :

— Fermez les portes !

Immédiatement, Leïlan donna des jambes. L'étalon rua avant de charger. Le combattant tenta de s'interposer entre lui et la liberté, mais fut balayé par la puissance de l'équidé.

— Arrêtez-le !

Fort des entraînements de son père, Leïlan obligea sa monture à suivre une trajectoire désordonnée tandis que les flèches s’abattaient vers eux.

Réceptif, l’équidé changeait de pied à la moindre pression sur les rênes. Désormais, Leïlan savait pourquoi son père ne cessait de louer les prouesses de l’animal. Hélas, cette technique les ralentissait. Les cavaliers du royaume ne tarderaient pas à les rattraper.

Leïlan jeta un regard par-dessus son épaule afin de savoir combien d'hommes s'étaient lancé à ses trousses lorsqu'il vit que l'archer de son peuple ne brandissait pas son arc en sa direction : flèche après flèche, les protecteurs de la porte s'écroulaient au sol. L'incompréhension gagna le cœur du jeune garçon. Devait-il faire marche arrière afin d'aider cet homme ou s'éloigner le plus possible ?

D'après son père, un homme, un vrai, n'abandonnait pas les siens.

Les cris du nourrisson redoublèrent et, alors que la rêne se tendait anormalement vers la droite, Leïlan reprit sa trajectoire initiale et pressa sa monture vers le sud. Les récits de guerre de son père inondèrent son esprit tout comme les tactiques pour semer un ennemi.

Leïlan emprunta rivières, bosquets, marécages, terrains escarpés et s'enfonça dans les monts boisés au péril de son corps et de sa monture. Ici, les pisteurs n'arriveraient pas à suivre sa trace, mais un danger bien plus grand planerait au-dessus de leur tête s'ils ne quittaient pas la forêt avant la tombée de la nuit.


Après un quart de soleil, Leïlan mit pied à terre et abandonna la selle de l'étalon. Si les gardes du royaume le rattrapaient, il perdrait en stabilité, mais il se devait de soulager sa monture au maximum afin qu'elle les mènent le plus loin possible.

Sur des lieues, garçon et bête progressèrent côte à côte. Les arbrisseaux épineux laceraient leurs corps, mutilant cuisses, poitrail, bras. Des ronces, plus téméraires que d'autres, s'accrochaient à eux comme si elles cherchaient à entraver leur mouvement et les retenir captifs du mont boisé.

À maintes reprises, Leïlan s'excusa sans savoir s'il s'adressait à lui-même, à sa monture, à l'enfant ou à la nature qu'ils malmenaient. Dans les moments moins éprouvants, Leïlan ressassait ce désastre. Dans d'autres, il éprouvait le sentiment que l'équidé blanc jaugeait ses actions : quand il effleurait l'enfant, le regard bleuté de sa monture se braquait sur lui. Pourtant, l'étalon ignorait ses autres mouvements. Pire, Leïlan avait même l'impression de le voir lever les yeux au ciel lorsqu'il trébuchait sur l'une ou l'autre aspérité.


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