1. Seulement cinq ans plus tard

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Voilà maintenant cinq ans que le ciel est devenu rouge, qu’il n’y a plus que l’été comme unique saison. Cinq ans que la fin du monde a eu lieu, que je suis seul à marcher dans les rues, avec la routine habituelle de chercher chaque jour àmanger, à boire, un coin frais pour dormir et recommencer chaque jour. J’ai quitté depuis longtemps cette petite ville où je suis né, cette petite ville où je t’ai connu, où je t’ai aimé. Tu restes constamment gravé dans mon esprit, comme les résidus de la lumière du soleil sur nos pupilles quand on le fixe bien trop longtemps.

Je ne sais toujours pas ce qu’il est arrivé il y a cinq ans, si c’est le soleil qui est entré en fusion, si une météorite a percuté la terre, un super volcan ou encore des bombes. Tout ce que je sais c’est que ce jour-là il faisait plus chaud que dans un four, que ceux qui étaient dehors se sont vus fondre sur place. Que pour une raison que je ne connais pas, j’ai résisté à tout ça alors que je t’ai vu mourir dans mes bras. Aujourd’hui il fait moins chaud, mais rien n’a survécu, ni animal ni végétation. J’ai beaucoup de mal à trouver de l’eau, à part dans les supermarchés restés totalement intacts, car personne n’a eu le temps de les piller.

Aujourd’hui j’ai décidé de terminer les quelques kilomètres qui me séparent de la mer, je ne sais pas du tout sur quoi je vais pouvoir tomber. Si l’océan sera toujours là où devenu aride comme le Sahara. C’est en arrivant après deux heures de marche que j’ai ma réponse. Une étendue de sable fin remplace la couleur bleutée de l’eau, il n’y a plus aucun bruit, le roulis des vagues a totalement disparu et aucune trace d’eau qui faisait, dans mes souvenirs, tout le charme de la côte. L’odeur marine a disparu, laissant plutôt celle de cendre que j’ai constamment dans le nez. Le paysage fait encore plus chaotique que les forêts brûlées que j’ai traversées. Une larme coule sur ma joue, se transformant rapidement en vapeur avant d’atteindre ma mâchoire.

Je suis à bout, je n’en peux plus, cinq ans de solitude, espérant un peu d’espoir et tomber sur encore plus de chaos me fait vriller l’estomac. Je vomis de la bile près d’un bâtiment. Me reprenant, je décide de continuer ma route encore une fois. Je marche sur le bord de mer, regardant le sable tristement, et je finis par trouver une supérette. En y entrant, une odeur de viande avariée me prend à la gorge. Le rayon boucherie dans le fond du magasin semble dégager cette odeur atroce. Mettant mon foulard sur le nez je prends quelques boîtes de conserve pour sortir rapidement. Je trouve alors une petite terrasse à l’ombre pour pouvoir manger un peu au frais.

Mon repas fini, je me mets à réfléchir à ma prochaine destination, ici il n’y a rien de plus qu’ailleurs. Si je décide de traverser le sable, c’est de faim que je mourrai sûrement. Il faut que je continue à marcher, peut-être longer la côte. Me relevant, je mets mon sac sur le dos et reprends ma route, mais au bout de dix minutes de marche je me fige devant une maison où un tag barre le mur : « Fuck la fin du monde. »

Je lève un sourcil et m’approche du muret, me demandant si c’est avant ou après la fin du monde qu’il a été fait. Soupirant, je continue alors ma route, je ne veux pas me faire de faux espoirs. Marchant encore quelques mètres, je tombe sur un autre tag : « Je suis toujours vivant. »

Cette fois je suis de plus en plus intrigué, il y a une grosse flèche sur la maison avec un gros « Bienvenu » tagué. Sans réfléchir, je me dirige vers cette maison, ouvrant la porte pour entrer de façon timide, je n’ose pas parler de peur de n’avoir que le silence comme réponse. Je visite la première pièce, le salon ou le parquet craque sous mes pas, mais rien qui prouve le moindre signe de vie. Puis la cuisine, cette fois j’y trouve un nombre conséquent de conserves ouvertes, de casseroles sales dans l’évier et une bonne odeur de gâteau au chocolat, celui-ci trônant au centre du plan de travail.

Je déglutis, l’odeur m’attire, mais une angoisse monte dans le creux de mon ventre. Il y a quelqu’un qui habite ici, quelqu’un de vivant. Je continue ma visite de la maison, discrètement, sans faire de bruit de peur de tomber sur un monstre comme dans les films d’horreur. Je trouve alors la chambre, le lit défait avec des fringues un peu partout, la salle de bains, avec une odeur de parfum d’après-rasage. Je reviens alors sur mes pas, redescendant dans la cuisine pour me planter devant le gâteau. Il n’était pas coupé quand je suis monté…

C’est à ce moment-là que je sens se poser dans ma nuque le canon glacial d’une arme à feu. Je lâche alors mon sac et relève les deux mains en crispant tout mon corps. Une voix masculine retentit dans mon dos, à la fois grave et mélodieuse.

– Retourne-toi !

C’est donc sans résistance que j’exécute ce qu’il me dit. Je me retourne lentement pour me retrouver cette fois avec l’arme entre les deux yeux. Mon regard se pose sur un homme blond avec des cheveux mi-longs, un regard d’un vert intense qui lui donne un aspect sauvage, une fine barbe se dessine sur sa mâchoire où des lèvres fines sont dessinées. Il a un teint légèrement bronzé, le look du surfeur beau gosse très cliché avec des abdos en béton. On pouvait justement les deviner sous son T-shirt militaire près du corps, et son slim noir troué. Moi à côté je fais office de gringalet de service : fin, mais pas musclé, avec des cheveux bruns que j’ai rasés sur un côté et mes yeux bleus.

– D’où tu sors mec ??

Je lui répondrais bien avec une blague vaseuse, mais l’arme pointée sur mon crâne m’en dissuade.

– Euh… j’ai vu les tags dehors… Tu ne veux pas baisser ton arme ?

Le son de ma voix me fait presque peur, depuis cinq ans que je ne l’ai pas entendue, cela me brûle la gorge et me fait tousser.

– Tu n’es pas une hallucination ? Putain… ça fait cinq ans que je suis tout seul ici… Merde, je pensais être le seul àavoir survécu.

Il baisse son arme, et sans que je m’y attende, il vient m’enlacer de façon virile, me serrant contre lui. Mon Dieu, cela fait un bien fou de sentir la chaleur de quelqu’un d’autre, même si la situation est extrêmement gênante. Sans réfléchir, je le cercle moi aussi de mes bras, lâchant une larme qui glisse jusqu’à ma mâchoire, cette fois sans devenir vapeur.

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