Tout commence par un rêve

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Ce matin, je me réveillai dans un grand lit, rose, qui sentait bon, couvert de magnifiques fleurs. Il y avait largement la place pour trois personnes, mais il n'y avait que moi, comme d'habitude. Ce lit était positionné dans une chambre, une gigantesque chambre, qui contenait tout ce dont j'avais besoin, et même bien plus. S'ajoutaient dans cette grande pièce un lit immense, une grande salle de bain, deux placards bien trop spacieux pour la totalité de mes vêtements, entourés d'une vingtaine de portraits. Il me semblait que ces portraits représentaient mes ancêtres, mais je n'en avais jamais eu la confirmation.

Comme toujours, à la même heure, la porte s'ouvrit. Un homme relativement âgé se tint là, il n'entrait que sur ma permission. Un plateau dans la main, il s'avança suite à mon geste du doigt, sur lequel j'avais préalablement étalé mon vernis favori. Il me signala que c'était un grand jour, il ajouta également quelques mots qui me firent frissonner : le fait que je ne serai plus princesse, mais la reine de tout le royaume. C'était, et depuis ma jeunesse, mon plus grand rêve, le jour où tout le monde obéirait à sa grande reine, le jour de mon mariage, le jour où enfin je passerai à l'âge adulte. C'était excitant, mais également effrayant.

Une fois la porte fermée, je m'assis sur mon lit à côté de mon déjeuner. Rien ne me faisait envie. Pourtant, tout ce qui était posé là, toutes ces petites attentions, je les aimais, préparées par le cuisinier qualifié de mon père. Je savais que ce dernier avait de moins en moins de temps, avec ses occupations de roi et la préparation de ce grand jour, mais cela m'importait peu, c'était tout de même mon père. Je commençais à dévisager ces petites choses, à les observer.

Des pancakes, recouverts de sirop d'érable, si délicieux, entourés de cinq petites framboises, placées minutieusement, saupoudrées de sucre glace, ils dansaient sur l'assiette ornée d'or et d'argent. Juste au-dessus, une petite tasse restait immobile, avec une magnifique fleur peinte, la hanse dorée, et remplie. Remplie d'un thé, somptueux, toujours la même recette, au goût citronné, acide et doux, avec arrière-goût orangé. Depuis toujours, il restait mon préféré. Et un papier.

Un papier ? Celui-ci était un nouveau venu sur le plateau d'argent, pour cette journée si spéciale. Je le dépliais, et le lu attentivement. Il y figurait une liste. Il m'était conseillé de me coiffer, d'enfiler ma robe et d'y ajouter des accessoires. Comment résister à cette si belle écriture ? Oui, cette écriture manuscrite, créée par cette main légèrement fripée, mais remplie d'assurance, cette main qui, durant mon enfance, m'avait consolée maintes fois, cette main dont je connaissais chaque traits, cette main qui avait été en harmonie avec celle de ma mère jadis, cette main à laquelle je tenais tant. Car c'était la seule en qui j'avais confiance, la seule qui me restait.

Je relevai mes cheveux blondis par le soleil de saison avec ma pince fétiche, me donnant un air chic et raffiné. Les bouclettes me tombaient sur le côté du visage. Puis j'enfilai ma robe offerte par ma mère avant qu'elle ne s'envole loin à mes dix ans. Cette robe, je l'aimais tellement. Comme j'avais attendu ce jour ! Celui où mon rêve se réaliserait, et il était enfin là ! Cette robe portait du bleu, avec un énorme nœud sur le devant au niveau de la poitrine, couvert de blanc. C'était à la mode. Quand j'avais sept ans, je voulais devenir créatrice de mode, pour que tout le monde me respecte. Puis, mon père m'avait annoncé que je ne pourrai fuir mon destin de reine. Cela m'avait tellement déçue ! Puis j'avais réfléchi, et j'avais trouvé la chose en question passionnante !

Après tout, qui ne souhaitait pas devenir reine d'un puissant royaume ? Dès le lendemain, il aurait été mien, alors je l'aurai chéri de tout mon cœur, et l'aurai fait prospérer pour qu'il soit devenu bien plus grand et bien plus puissant. Je souhaitais par-dessus tout prendre modèle sur ma mère, que je n'ai presque pas connue, pour être aussi belle et intelligente qu'elle ne l'était. Un bruit me fit sursauter et aussitôt je sortis de mes songes.

C'était une fiole de parfum qui était tombée. Elle venait de se briser en mille morceaux. Une domestique arriva aussitôt. Je lui dis qu'elle n'était pas obligée de se donner cette peine. Elle parut étonnée, puis me lança un regard de gratitude. Ce jour-là, tous mes domestiques étaient en congés. Lorsque je ramassais la bouteille et la posais sur la commode, j'aperçus une photo de mon père et moi. Ce fut un jour merveilleux, celui de mes douze ans, lorsque j'appris à monter sur le dos d'un cheval.

En voyant ce portrait de famille, je me rendis compte d'une chose effrayante, je ne connaissais toujours pas mon mari. Serait-il séduisant, intelligent, romantique, ou bienveillant ? Plus jeune, j'aimais me faire une idée du prince idéal. Mais à cet instant, celui qui allait devenir roi grâce à ma main ne devait respecter que peu de critères. S'il pouvait me trouver attirante, aimable et qu'il pouvait gouverner le royaume avec bonté et générosité tout en m'écoutant, il serait parfait.

La grande porte décorée s'ouvrit. Le gentleman que je connaissais déjà si bien entra, sans mon signal. Il m'entoura d'une veste blanche, assez banale, assez simple, assez commune. « Vous serez bien mieux », me dit-il. Il me parut étrange, mais je le suivis tout de même. Je supposais qu'il m'emmenait à la fête où je réaliserais enfin mon plus grand souhait, et que cette petite veste était pour réchauffer mes épaules nues. Mais au lieu de ça, nous atterrîmes dans une minuscule salle, sans aucun meuble, sans aucune couleur, sans aucune fenêtre. Et la porte fut fermée à double tour.

Sur le badge de ma veste, que le vieil homme m'avait offerte, il était écrit d'une magnifique écriture bleutée : « Interne 623, Centre hospitalier Sainte-Anne ».

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