Ecrasante victoire

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Gutte observait le champ de ruines qui s'étirait devant lui. Toute une ville gisait en cendres et en décombres devant ses yeux. Quelques malheureux tentaient encore de fuir, mais les troupes dont Gutte faisait partie les traquaient sans relâche et les massacraient jusqu'au dernier. Ils n'avaient de toute façon nulle part où aller, et cette bataille (la dernière) serait bientôt terminée. Tout cela n'était guère très joyeux, mais il n'y avait pas eu la moindre chance de régler ce conflit pacifiquement. Le monde était petit, et les ressources limitées. Les antécédents des deux bélligérants aidant, il n'y avait rien de surprenant à voir comment avait évolué la situation. La diplomatie n'était pas, et n'avait jamais été à l'ordre du jour ; tout ceci prendrait fin une fois le dernier ennemi annihilé, et pas avant.

Cela ne prendrait pas très longtemps. Il y avait déjà un certain temps que l'issue de l'affrontement avait été décidé. Gutte se remémorait avec satisfaction la manière dont son camp avait mené la guerre du début à la fin.

Au tout début, les deux armées étaient pour ainsi dire inexistantes, mais cela n'avait pas empêché les déclarations de guerre de tomber. Gutte se souvenait encore de l'acharnement qui avait suivi pour s'approprier le plus de ressources naturelles. Les statistiques agricoles des deux camps avaient grimpé en flèche, et tant de technologies et de nouvelles constructions avaient été effectuées que Gutte en avait le tournis quand il y pensait. Le plus dommage étant peut-être que tout ce développement ne servait que la guerre, que ce soit directement ou indirectement.

Les premières escarmouches avaient eu lieu il y a déjà un certain temps. Au début, ils n'avaient pas eu le dessus. Il durent même battre en retraite et abandonner un temps toute stratégie offensive. Fort heureusement, le haut-commandement ne s'était pas laissé surprendre comme lui et avait considérablement augmenté les défenses de la capitale et l'ennemi avait perdu bien plus de troupes qu'il ne l'aurait souhaité à les entamer. Mais la réquisition ouvrière pour le renforcement constant des protections de la ville avaient contraint l'autre camp à adopter une autre stratégie.

Pendant ce temps, le haut-commandement n'était pas resté inactif. Les chantiers navals nouvellement construits avaient permis l'avènement d'une flotte plus que bienvenue. Il fallait en effet reprendre le contrôle des côtes ennemies où des gisements de pétrole non négligeables n'attendaient que d'être exploités. Ce fut une rude bataille, car les côtes étaient surveillées, et il avait fallu changer une nouvelle fois de stratégie.

La politique de la terre brûlée, ou plutôt de la mer brûlée. Après avoir démantelé le gros des navires ennemis, il fallait se rendre à l'évidence : les côtes étaient trop bien défendues pour envisager un débarquement. Pire encore, les restes de la marine ennemie s'étaient réfugiés dans une crique fortifiée et les nappes de pétrole étaient trop près des côtes pour les exploiter sereinement. Il y eut donc une sorte d'impasse maritime, chacun s'assurant que personne n'aurait accès aux ressources pétrolifères de la baie. Même les éléments semblaient contre nous, car des tempêtes presque surnaturelles se levèrent le long des côtes ennemies... Nous perdîmes plus d'un navire du fait de ces phénomènes climatiques.

Mais pour autant, tout cela n'avait pas été vain. Contrairement à la mer, nos terres regorgaient de ressources pour ainsi dire inépuisables, de par entre autres nos forêts immenses. Cette bataille navale de longue haleine avait en outre permis aux troupes dont Kutte faisait partie de s'agrandir et de se perfectionner. C'est ainsi que pour la première fois depuis un bon moment, ils reprirent l'initiative de l'attaque. L'objectif : prendre le contrôle d'une vallée centrale où une vieille mine abandonnée allait définitivement nous offrir l'avantage et l'ascendant d'un point de vue économique. Et quand l'économie tient, l'armée suit.

La bataille fut rude. Un chose était sûre, nous avions l'effet de surprise de notre côté. Mais il y avait une certaine garnison postée en ces lieux, et nous connûmes des pertes lourdes. Cependant une mauvaise organisation logistique de l'ennemi (nous l'apprîmes plus tard) nous permit de devenir peu à peu les maîtres du terrain, et la mine fut nôtre.

La supériorité technologique fut à ce moment-là de notre côté pour de bon. Mais plus encore, toute cette richesse nous permit d'engager toujours plus de troupes sans craintes des retombées économiques, un luxe dont ne pouvait pas se permettre le camp adverse. De plus, nos innovations laissaient les troupes ennemies emplies d'épouvante, car elles n'avaient pas les moyens de lutter contre tant de force et d'habileté dans le déploiement de nos atouts.Nous commençâmes à le submerger sous le nombre de nos vaillants soldats, et il ne lui resta bientôt que sa capitale qu'il défendait avec acharnement.

Mais il était trop tard.

L'ennemi savait qu'il devait absolument prendre une position offensive sur au moins un tableau, aussi utilisa-t-il ses dernières ressources pour reconstituer une flotte assez puissante pour reprendre la mer contre nous. Malheureusement pour lui, c'était sans compter sur nos récentes unités sous-marines qui transformèrent sa nouvelle force maritime en lambeaux. Ce fut la plus grosse défaite de cette guerre, et elle ne fit que sceller le destin de notre adversaire. Nous lançâmes notre contre-attaque contre les côtes ennemies après un passage de notre force de frappe aérienne nouvellement constituée qui prit l'ennemi complètement au dépourvu. Aussitôt ce dernier se mit à en produire également, dans l'espoir de se battre à armes égales, mais lorsque ses premières unités volantes de combat furent opérationnelles, nous nous battions déjà dans les faubourgs de ce qui aurait pu être le centre d'un grand empire, mais qui était voué à être rasé jusqu'à la dernière maison. Les restes d'une petite forêt au Sud-Est se dressaient encore au-delà des décombres, comme s'ils voulaient témoigner de la présence de ces bélligérants malheureux qui n'avaient pas su se montrer à la hauteur. En levant la tête, on apercevait de temps à autre l'ennemi, mais face à notre propre armée du ciel ils n'étaient que des moustiques, qui furent bien vite mis hors d'état de nuire.

Les choses allaient vite. La guerre serait bientôt terminée pour de bon. Du moins, cette guerre-là. En pleine banqueroute, l'ennemi n'avait même plus assez de ressources pour mobiliser ne serait-ce qu'un civil. Les derniers bâtiments de la ville tombaient les uns après les autres.

Gutte contempla l'oeuvre du haut-commandement, dont il n'était qu'un exécutant fidèle et absolu. Tout cela avait payé. Plus qu'un petit instant, et il n'y aurait qu'eux. Il n'y aurait que les vainqueurs.

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