Une Ourse dans les bois

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 Je marchais le pas lourd sous la pleine lune. Des oiseaux tournaient au-dessus de la forêt dans laquelle j'étais. Il faisait froid mais l'atmosphère chaleureuse des bois et les cui-cui des oiseaux me réchauffaient le coeur. Je vivais dans un monde dénué de couleurs. Tout était noir et blanc. Les oiseaux. Les arbres. Moi Ourse sans foyer. Je continuais d'avancer avec peine car ma patte avant gauche était tordue. Je souffrais à chaque pose de ma patte. Mais j'avançais. Je ne devais pas m'arrêter. Surtout pas. Elle me cherchait. Elle me trouverait tôt ou tard. Je devais profiter de mes derniers instants. Ma vie sera changée à jamais quand elle m'aura rattrapée. J'arrivais à l'ouverture d'une grotte. Peu accueillante. Elle me donnait des frissons dans le dos. Mais il fallait que je dorme. Je m'allongeais contre la froide paroi. Poussai un long soupir. Et m'endormis.

 Mais mon sommeil fut court. Mon instinct me poussait à continuer mon voyage. je repris donc mon chemin, boitante et en manque de sommeil. Un oiseau, noir comme l'obsidienne, se posa sur mon épaule. Il me dit à l'oreille : Elle sait où tu es. Elle va venir. À moins qu'elle ne soit déjà là ! Je me retournais vivement en entendant ces derniers mots. Je tournais la tête en tout sens à sa recherche. Rien. L'oiseau m'avait trompé. Après une plus minutieuse attention à l'oiseau, je vis que ce n'était pas n'importe lequel. C'était Mort. Oiseau annonçant que la fin était proche. Je ne voulais pas mourir. J'avais perdu ma famille. Ils m'attendaient sagement. Je devais les retrouver pour leur dire en revoir. Mort s'envola dans les ténèbres et me laissa à mes doutes et craintes. Je ne savais pas pourquoi elle me cherchait. Avais-je fait quelque chose de mal ? J'en doutais. Mais pourquoi dans ce cas ? Peut-être que je ne connaîtrais jamais la réponse. Ma patte tordue me faisait atrocement mal. Je tombais au sol de douleur. Je hurlai ! Ce n'était peut-être pas seulement tordu, peut-être cassé. Mais je devais me relever pour ma survie. Mais c'était peine perdue. La douleur était bien trop forte. Je fis mes dernières prières.

 "Ma chère famille, je regrette de partir. Mais je n'ai pas le choix. Elle ne me laissera jamais la vie sauve. Je vous souhaite le meilleur des avenirs. Maman vous aime mes petits ! Mon cher compagnon j'ai chéri tous les moments passés à tes côtés. Nous avons eu les meilleurs des enfants. Je vous aime !"

 Après ces quelques mots, je m'écroulai d'épuisement.

 Lorsque je repris connaissance, elle était là. Justes sous mes yeux. Elle scintilla en guise de sourire. Elle n'était ni humaine, ni animale. Elle était une sphère, toute ronde, Bleu saphir et blanc zircon et elle brillait de mille éclats.

 "Que me voulez-vous ? lui demandais-je.

Elle me répondit : "Tu ne peux pas me fuir éternellement. Je fais partie de toi."

 Mais qu'est ce qu'elle me racontait ? Partie de moi ? Je ne comprenais rien à ses paroles.

 "Tu vas me tuer n'est ce pas ? demandais-je déboussolée et effrayée.

 "Pourquoi le ferais-je ? Je ne suis pas une meurtrière. Je suis simplement venue reprendre ma place."

 Sa place ? Elle délirait cette ridicule boule de cristal ! Elle s'approcha lentement de moi. Je reculais comme je pouvais. Je tâtonnais le sol de mes pattes pour ne pas aggraver la blessure de ma patte avant droite. Je me coinçais une de mes pattes dans une branche. Elle était de plus en plus près. Elle se glissa à travers mon pelage et disparu ! Je m'évanouis immédiatement !

 Je me réveillais de mon sommeil brutal une seconde fois. Ce que je vis dépassait mon entendement ! Les oiseaux, les arbres, le ciel, mon pelage, tout, absolument tout, étaient devenu couleurs. Les arbres marron et vert. Les oiseaux multicolores. Mon doux pelage marron. Je ne savais même pas que je connaissais la notion de couleur ! Et encore moins leurs noms ! Je ne comprenais rien de ce qui m'arrivait ! Et cette idiote boule scintillante avait disparu !

 "Eh oh, petite boule, où te caches-tu ?"

 Une voix sortie de ma poitrine !

 "Je suis là ! Je n'ai pas disparu, juste repris ma place, comme je te l'ai dit !"

 Je lui posai cette question qui m'éclairerait l'esprit de toute cette incompréhension : "Mais qui es-tu à la fin ! Mort est venue me voir ! Je devais mourir de tes propres mains ! Enfin tu comprends ce que je veux dire !"

 Elle me répondit du tac au tac : "Mais je suis ton âme, ton identité, Osa ! Je n'étais plus en toi car tu avais perdue confiance en toi après ton tragique accident !"

 Accident ? Mais quel accident ? En voulant me mettre debout, je vis que ma patte avant gauche manquait à l'appel !

 "Mais ? Où est passée ma patte ? Et pourquoi m'appelles-tu, Osa ?"

 "Calme toi Osa, un chasseur t'a tiré dessus et ta patte n'a pas survécu... Ce chasseur était Mangeur d'Âme, c'est pour ça que ton monde est devenu terne et que je te cherchais. Et Osa est ton nom !"

 Et là tout me revint à l'esprit dans un flash inattendu.

 "Je me souviens ! De tout ! Âma, chère Âma, que c'est bon de te retrouver !"

 "Miracle ! J'ai bien cru que je ne retrouverais jamais ma Osa !"

 "Où sont mes petits ? Où est mon compagnon ?" Je m'affolais.

 "Du calme, ils sont en sécurité dans votre grotte. On va les rejoindre dès que tu auras mis pattes à terre."

 La tache s'avérait plus que compliquée ! Mais Mort, l'oiseau que je voyais comme mon annonceur de ma funeste fin, se révélait être un majestueux aigle royal ! Il avait une envergure d'au moins deux mètres ! Ses plumes blanches quartz et marrons tourmaline le rendaient magnifique à regarder. Il en imposait avec ces gigantesques ailes !

 "Osa, je ne me nomme pas Mort mais Attrapâme ! J'ai récupéré ton âme, l'ai amenée jusqu'à toi, et je suis également Guérisseur, je vais pouvoir te rendre ta défunte patte !"

 Il fit quelques mouvements vaudous au-dessus de ma patte et je la vis se reconstituer, morceaux par morceaux, jusqu'à redevenir complète et intacte !

 "Merci infiniment Attrapâme !"

 "Pas de quoi, c'est mon travail !"

 Après m'être enfin remise sur mes quatres pattes, Attrapâme retrouva ses cieux et Âma me guida jusqu'à ma grotte. Je revoyais enfin mes petits et mon compagnon ! Je les comblais de coup de pattes d'amour et on s'allongea, recroquevillés les uns sur les autres, et on s'endormit !

 Après toute cette fabuleuse histoire, je repris ma vie de maman Ourse, Âma me rappelait à chaque instant qui j'étais pour ne pas de nouveau oublier et Attrapâme vivait heureux dans son ciel bleu. Mais celui qui m'avait volé mon âme était toujours vivant ! Attrapâme pensait lui avoir ôté la vie, mais il n'avait subi seulement que quelques minutes d'évanouissement ! Je décidai donc de lui régler son sort ! Je ne savais pas où il se cachait mais il ne m'échapperait pas bien longtemps ! Les rôles avaient été inversés, j'étais devenue la chercheuse au lieu d'être celle qu'on cherche ! Après de longues heures de marche dans ma forêt nouvellement colorée, je le vis ! Cet ignoble homme Mangeur d'Âme ! Il avait l'apparence d'une sorcière aigrie, verdâtre et boutonneuse au masculin.

 "Fait attention ! Il ne doit pas avoir accès à ta poitrine au risque de me reperdre !"

 "Ne t'inquiète pas ! J'ai ma solution !"

 Je pris un fusil dans le sac du chasseur qui se trouvait à côté de moi. Chasseur idiot qui laisse ses affaires trainer ! Je pensais. Je mis le fusil dans sa direction au sol et tirai, avec difficulté, de ma grosse patte sur la gâchette ! Le bruit distinct de la balle me siffla dans les oreilles ! Mais l'homme tomba au sol et je fis mon plus grand sourire de triomphe !

 "Osa 1-Mangeur d'Âme 0 !"

 "Bien joué Osa !"

 J'enterrai l'homme et ses armes avant de rentrer dans ma grotte. Je fus chaleureusement applaudi par ma famille ! Pour fêter ma victoire, nous avons mangé des énormes poissons pêchés par mon fabuleux compagnon ! Nous avons vécu une vie heureuse jusqu'à notre mort et l'évènement qui m'était arrivé aujourd'hui resta à jamais graver en mon coeur et ma mémoire !

De toute cette histoire retenez qu'il ne faut jamais perdre votre âme, ce qui vous caractérise car c'est ce qui fait de vous ce que vous êtes et donc une personne unique ! Comme Osa, si vous perdez votre âme, vous perdrez vos couleurs et vous deviendrez un simple corps sans vie !

Ne perdez jamais votre âme !

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