Chapitre 1.1

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Assourdit par le chant des cigales, je me trouve affalé dans l’herbe, les bras et les jambes écartés à la recherche du moindre courant d’air. Le soleil tape si fort que mes forces s’amenuisent à mesure que la chaleur augmente. Qu’est-ce que je ne ferais pas pour me jeter à la mer ! Mais j’habite à Takasaki, ville située à 150 km du littoral le plus proche. En plus de la distance, il y a un autre obstacle qui m’empêche de répondre à mon envie…

  • Hayato, termine d’étendre le linge ! Il va se froisser sinon.

La voix que vous venez d’entendre, c’est Chizuru, ma mère. Elle s’est lancée dans une grande opération de ménage pour le retour de mon père. Pourtant, notre maison ressemble à un modèle d’un magasin de meuble. Toujours parfaitement rangée sans un grain de poussière au sol. C'est une vraie fée du logis qui ne supporte pas le désordre. Je la réfrène à passer l'aspirateur un jour sur deux seulement. Sinon, c'est tous les matins.

  • Ouais, ouais... soupiré-je.

Je me relève avec nonchalance sous le regard fusillant de ma mère. Elle ne supporte pas que je tire-au-flanc un instant pendant qu'elle coure partout. Mon père, militaire dans la marine japonaise, revient d'une mission de trois mois et elle ne veut pas qu'il rentre dans une "porcherie" selon ses mots. Je me demande si elle a déjà passé du temps dans une ferme pour faire cette comparaison. Je reprends ma tâche où je l'ai arrêtée.

Des jeunes passent à vélo le long des haies et je les entends discuter de leurs vacances. Je les envies. Mais je suis bloqué à la maison depuis quasiment le début de l'été. Shou, mon meilleur ami, est parti chez ses grands-parents à la campagne et je n’ai personne d’autre avec qui sortir. Je fais bien parti du club de théâtre – dans l’équipe technique, je ne suis pas très bon acteur tant ma timidité est grande – mais les activités sont arrêtées pendant la pause estivale.

Le panier à linge vide, je me précipite dans le salon pour prendre un verre d’eau fraîche. Que ça fait du bien ! Je m’en ressers un deuxième avant de me diriger vers le canapé. Mon postérieur n’a pas le temps de toucher le tissu que ma mère fait irruption dans le salon.

  • Va ranger ta chambre maintenant, c’est un véritable bazar !
  • Laisse-moi cinq minutes s’il te plait !

Elle me lance un nouveau regard de tueuse. Je comprends que je ne peux pas me reposer tout de suite… Soupir. Impossible de lui tenir tête avant que son objectif « maison propre » ne soit rempli !Les bras ballotant de fatigue – et surtout de manque de motivation -, je monte dans mon antre. Cette pièce est habituellement épargnée par ma mère, mais elle ne veut surtout pas que mon père découvre cette « tâche ». Pourtant, cela fait bien longtemps qu’il n’y est pas entré… Je doute qu’il ait connaissance de ma dernière collection de figurines. Ni même de ma bibliothèque qui se garnit petit à petit de mangas.

Des feuilles de révisions jonchent le sol. Je les ai jetés après mon dernier examen. Tellement d’heures passées à travailler, des nuits blanches à ressasser toutes les équations, trop d’épuisement pour mon cerveau qui peine à comprendre… Tant d’efforts pour obtenir quoi à la fin ? A peine cinquante sur cent comme à chaque fois, je parie ! Et pourtant, mes limites sont atteintes. J’ai évité de justesses les rattrapages tout au long de ma scolarité, mais je ne suis pas confiant cette fois-ci.

C’est ma dernière année au lycée, c’est celle où je ne dois pas échouer. Mon travail ne suffit plus pour prétendre à une bonne université comme le souhaite mes parents. Je dois redoubler d’efforts pour ne pas les décevoir. Mais comment faire quand on ne se sait pas ce qu’on veut soi-même ? Mon futur est complètement flou alors qu’il me semble si proche.

Le sentiment d’impuissance se transforme en colère quand je saisis une première fiche. Une envie folle de les déchiqueter et de les balancer à la benne s’empare de moi. La raison arrive à temps pour me freiner : je vais sûrement aller aux rattrapages et devoir bachoter à nouveau. Je m’empresse de les ranger soigneusement, de peur d’en faire du papier mâché si une idée stupide surgit de nouveau.

Je termine de ranger le reste de ma chambre rapidement. La notion de bazar de ma mère n’est pas la même que celle du commun des mortels. En dehors des feuilles, quelques crayons ne se trouvaient pas dans leur pot et mon lit était défait.

  • Hayato, j’ai trouvé un coffre qui doit t’appartenir. Est-ce que tu peux y jeter un œil pour faire le tri ?

Quoi ? Elle s’est attaquée au grenier ? Ma mère n’y va pas de main morte aujourd’hui. Mais je n’ai pas le souvenir d’avoir une malle. Curieux, je prends la direction de l’escalier et croise ma mère qui descends des combles.

  • Je crois que c’est ton coffre à jouet. Tu sais, celui avec un motif nuages ?

Je prends un instant de réflexion avant de me souvenir que je l’ai utilisé enfant.

  • On l’a encore ? Je pensais que tu l’avais jeté depuis longtemps.
  • Non, il doit contenir des choses qui doivent t’être chères. Tu y tenais beaucoup. Et je n’ai jamais su l’ouvrir…

Elle me lance un sourire, le premier de la journée. Le ménage touche à sa fin, elle peut se détendre. Mon cœur se réchauffe de recevoir une gentille attention de ma mère. J’arrive au grenier et ne peut passer à côté de l’objet de ma curiosité.

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