Travailler sa souplesse

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Ce soir, nous avons décidé de faire travailler nos chevaux avec un fond sonore. Depuis la rentrée, les palefreniers et même le père de Naya ont vu que les chevaux, qu'il s'agisse des nôtres mais aussi de ceux des écuries, apprécient un peu de musique lorsqu'ils sont dans les près ou les carrières. Ils ont investi dans des enceintes intérieures et extérieures indépendantes. Ainsi, au niveau des stalles, une musique douce et apaisante est diffusée quelques heures par jour. Dans les cinq carrières, on peut choisir l'ambiance en connectant nos téléphones en Bluetooth. La plupart du temps, ce sont des musiques populaires rythmées. De plus en plus d'élèves, pas forcément cavaliers, viennent profiter de ce simili radio pour se détendre avant d'aller manger. J'ai bien essayé de faire payer l'entrée mais je me suis fait traiter d'escroc par mon double.

Nous avons établi des règles pour la sécurité de tous. Personne dans les carrières, pas de bruit fort ou de gestes brusques. Ils peuvent nous regarder sans nous déranger. Les basketteurs viennent assez souvent après leurs entrainements. Ils s'occupent de faire le service d'ordre si besoin. Les lutteurs ont bien tenté de foutre le bordel en faisant sonner une corne de brume alors que je travaillais avec Grognon en liberté. La réaction de mon étalon n'a pas été celle qu'ils attendaient. Non seulement il n'a pas eu peut mais cette andouille leur a foncé dessus et les as poursuivi pour leur mordre les fesses jusqu'à l'entrée des dortoirs. Depuis, ils sont terrorisés et le prof d'équitation et les palefreniers leur ont interdit de revenir.

Pour attirer encore plus de curieux, Naya fait parfois répéter les pom-pom girls sur une carrière adjacente. Je pensais qu'elle surveillait que je ne torture pas son étalon. En réalité, elle admire les talents en voltige de ma frangine et toutes les deux travaillent parfois ensemble sur les chorégraphies des pom-pom girls le soir. Mélia et elle s'entendent à merveille. La reine des abeilles a aussi clairement placé les Kawai sous sa protection, en particulier Sarah qu'elle défend farouchement. Elle se comporte en grande sœur avec les trois timides et en amie avec Mélia. L'affection envers elles est sincère, et je réalise qu'elle n'aime guère la petite cour de crétins et d'idiotes qui la vénèrent. Elle profite de son statut social sans accorder vraiment d'importance à l'admiration futile qu'elle génère.

Entre elle et moi, c'est un mélange de guerre froide, de piques acides, de respect et de complicité. Par instant, on tire à vue. A d'autres moments, on s'apprécie presque, surtout quand on travaille avec les chevaux d'ailleurs. Ce soir, je challenge Prince pour le saut. Grognon n'a pas besoin de cavalière pour le guider. Alors, je monte l'étalon de Naya et le mien saute en même temps. Pour que les deux mâles soient parfaitement synchros, j'utilise la musique des pom-pom-girls comme base de déplacement. C'est de la pop mais je survivrais. En plus, j'aime bien regarder les filles en jupette répéter leurs chorégraphies. C'est un très joli spectacle et Naya est une excellente cheerleader.

Voilà qu'un rythme de percussions fait remuer du popotin Grognon. Je passe illico une barre super haut sur les poteaux et tire la longe du poteau à la rambarde adjacente. Mon étalon et moi-même commençons à nous défier au limbo version crétins. Prince trouve ce jeu amusant et tente de passer lui aussi sous la barre. Blaise qui me regarde à ce moment-là, éclate de rire e attire l'attention de tout le monde. Mon chouchou vient m'imiter et essaye de se plier en arrière, aussitôt imité par Thibaut et Maltez. Tous les basketteurs à proximité se chamaillent et se défient pour rire. Thibaut étant l'un des plus petit, et un chouia plus souple, il triomphe pour la partie des gars. Il ne peut me battre. Les pom-pom girls rappliquent pour faire changer un peu leur routine.

Mélia gère les deux étalons et sa jument qui s'amusent tranquillement à côté. Les hennissements joyeux et les tentatives lamentables des étalons me font rire. Étoile se roule par terre et se dandine pour se glisser sous une barre au niveau des hanches de ma sœur alors que les deux patapoufs n'ont réussi à se glisser que sous une barre de ma hauteur. Je me moque sans aucune pitié des deux mâles et aussi des basketteurs. Très vite, les filles s'éliminent les unes après les autres. Il ne reste plus que Naya et moi avec une corde de plus en plus basse. Maltez soutient sa copine. Blaise est de mon côté. Il a piqué les pompons de sa sœur et imite la chorée des filles pour rajouter à l'ambiance pleine de rires. Je m'étonne que Mélia ne vienne pas. C'est le genre de choses qu'elle adore. Elle répond à mes regards inquiets par un bisou et se blottit contre la petite souris. Elle doit être fatiguée.

Naya et moi finissons par échouer à la corde au niveau des genoux d'Alex. Nous tentons à plusieurs reprises. Thibaut nous déclare alors exæquo, ce qui ne me convient pas. Je veux une victoire franche. Ma jumelle se rapproche alors et murmure quelque chose à l'oreille du blondinet. Son sourire me fait immédiatement comprendre ses intentions. J'ouvre la bouche, stupéfaite du coup fourré de mon double adorée. Elle va m'humilier. Elle a économisé ses forces et s'est échauffée dans mon dos. Alex et Thibaut place alors la corde au niveau du milieu de leurs mollets. Tout doucement, Mélia se plie et avance lentement, en ne remuant que les pieds en cadence avec le rythme. Ses chevilles et ses genoux s'inclinent de plus en plus. Sa tête touche presque le sol. Elle passe avec une marge de plusieurs centimètres. Quand elle se relève, elle me tire la langue avec espièglerie et va se réfugier dans les bras de Blaise pour que je ne lui botte pas les fesses.

Naya rigole de sa défaite. Je finis par m'incliner aussi. Mélia est d'une très grande souplesse. Parfois, j'ai l'impression que son corps est fait en élastiques quand je la vois retourner ses épaules ou ses chevilles. Les filles demandent à voir plus de mouvements. Nosu rangeons donc rapidement la carrière et ramènent nos chevaux à leur box. Naya a les clés du gymnase et nous ouvre, uniquement aux basketteurs et aux pom-pom-girls plus Fleur, ma frangine et moi. Nous installons les tapis en quelques secondes. Un mini cours de gymnastique s'improvise sous les lumières. Je défie les gars avec des mouvements de poiriers à tenir le plus longtemps possible ou des exercices de gainages à un bras. Je décortique les appuis tendus et les roulades arrière. Ils sont aussi souples que des manches à balai sauf Thibaut. Ils se cassent plusieurs fois la figure mais retentent sans se fatiguer.

Bien qu'il ronchonne et s'interroge sur l'utilité de l'exercice pour son équipe de basket, Maltez tente les défis et se vautre comme tous ses potes. Blaise et Thibaut soutiennent l'importance en précisant que Mélia et moi leur piquions le ballon en utilisant notre souplesse et notre vitesse. Comme le grand dadet n'est pas convaincu, un match pom-pom girls contre basketteurs s'organise très vite. Nous rangeons les tapis et allons chercher les ballons. Deux équipes de seize. Un beau bordel en prévision. Comme nous avons besoin de quelqu'un qui sait viser le panier, nous échangeons honteusement Naya, Clarissa et Pétunia contre Blaise, Thibaut et Alex. Fleur devient l'arbitre.

Maltez se place pour le début de partie. Je suis face à lui. Il ricane et me taquine en me traitant de minus avec des sauts de puce et de courte patte. Il se moque quand je place mes mains dans mon dos au lieu de devant au moment où Fleur s'apprête à lancer le ballon en l'air. Il n'a pas réalisé à quel point les sœurs Farmer sont vicieuses. A l'instant même où il saute, ma frangine utilise mes mains comme courte échelle et le dépasse d'un bon mètre. Elle envoie la balle à Blaise en tirant la langue au grand dadet qui ouvre la bouche de surprise. Il rigole et poursuit son pote. Il est hors de question que je laisse ce crétin approcher mon chouchou.

J'empêche Maltez de passer et me charge de le bloquer. Mélia s'occupe de Naya et de mes deux colocs. Les filles font de leur mieux pour contrer les gars. C'est une chamaillerie générale qui se fait sous les rires. Blaise, Thibaut et Alex sont les seuls à pouvoir jouer à peu près correctement. Entre la galanterie des basketteurs et Maltez qui ne peut pas toucher la balle puisque je lui récupère à chaque fois, l'équipe des pom-pom-girls écrabouille celles des basketteurs avec un score de 46 à 10. Le grand dadet a une crise de fou rire et me traite de véritable emmerdeuse. Il n'a jamais vu un défenseur aussi chiant que moi. C'est un compliment à mes yeux.

Thibaut suggère de me faire venir lors des entrainements pour faire travailler un peu les réflexes des gars. Maltez se tâte. Il a clairement été mis en difficulté et voit l'intérêt que cela apporterait à son équipe. Cependant, la plupart du temps, il a envie de m'étrangler. Naya lui propose alors une solution qui lui convient. A cause du froid, les pom-pom girls s'entrainent souvent dans le gymnase à côté des basketteurs. Elle suggère que le pitbull vienne avec sa dompteuse une fois par semaine. Autrement dit, pendant que je teste les réflexes des gars, Mélia aide à construire et améliorer la routine des pom-pom-girls en me surveillant de loin. Blaise et Thibaut promettent de me faire plein de câlins pour que je sois sage et de bonne humeur. Le grand dadet accepte vite avant que son pote n'ait l'idée de faire pareil avec lui. Il est trop tard pour Sarah qui est déjà suspendue à son cou et qui le couvre de bisous pour l'embêter.

Je dois reconnaitre que le grand dadet m'a bien fait courir et que je suis en transpiration et un peu essoufflée. Je pense que cela me fera du bien de venir si j'arrive à maitriser l'agacement que me provoque Maltez. J'aime déjà faire mes deux heures de sport avec eux le mardi et l'endurance avec des garçons du soir. En fait, mis à part ma sœur, je préfère la compagnie masculine surtout quand il s'agit de pratiquer l'activité masculine. Mon niveau dépasse largement celui des autres filles et je dois baisser mon niveau, ce qui m'agace.

Mélia se rapproche d'Alex et Thibaut et leur demande une faveur. Je suis surprise et attend la suite. Elle a remarqué qu'ils couraient ensemble tous les matins, à peu près aux mêmes heures que moi. Nous avons un rythme assez similaire. Du coup, comme je m'entends bien avec les deux, elle les supplie de m'accompagner afin que je ne sois pas seule. Je la regarde et cherche le traquenard. Je ne suis jamais seule. J'ai toujours ce patapouf de Grognon qui me suit et de plus en plus souvent Prince. Elle me tire la langue en cachette. Il y a bien une escroquerie en cours. Alors que les filles s'éloignent, Naya et Blaise se marrent et m'expliquent.

Mon absence totale d'intérêt pour les histoires adolescentes me fait ignorer des informations cruciales. Thibaut et Clarissa sortent ensemble et cela ne plaît pas aux Kawai. La reine des abeilles et Chouchou pensent que le blondinet a un faible fraternel pour moi car il me défend souvent quand Clarissa ou Pétunia me critiquent dans mon dos. Il parle de moi comme une fillette, donc ils ne croient pas que ce soit de l'attirance physique. Toutefois, il apprécie beaucoup ma compagnie et utilise souvent le prétexte de m'expliquer un cours pour abandonner Clarissa. Ma frangine essaye donc de convaincre le blondinet de larguer la pouffe en le faisant trainer avec moi, puisque la pétasse ne peut pas me blairer. Mélia et Naya veulent créer des tensions dans le couple récent, estimant que le blondinet n'acceptera pas les reproches incessants qui vont arriver.

Je n'aime pas Clarissa et je suis d'accord sur le fait qu'elle ne mérite pas un garçon aussi adorable que Thibaut. J'accepte donc de faire péter un câble à la pouffe à l'unique condition que si cela fait de la peine au blondinet, Blaise, Naya et Mélia me préviennent aussitôt pour qu'on arrête. Il est hors de question que je fasse le moindre mal à notre ami commun. Les deux complices me jurent de surveiller et de me dire si quoique ce soit arrivait. Ça tombe bien, en ce moment, je ne comprends rien au cours de mathématiques. J'ai déjà l'intention de demander des cours de rattrapage. Il suffit que j'en rajoute quelques-uns de plus.

Mélia nous rejoint assez vite et je reste avec ma jumelle pour un petit moment toutes les deux. Elle me confirme les intentions malveillantes des autres. Je rigole à ce coup foireux. Ma sœur a aussi un autre besoin. Elle aime beaucoup les deux garçons et s'inquiète de les voir courir au bord de la forêt sans défense après ce qui s'est passé avant Noël. Maltez et Blaise ont un parcours qui va vers la ville. Eux, restent près du lycée et aux abords des arbres. Elle frotte sa tête contre moi pour que je les protège si besoin et surtout pour leur faire changer leur parcours. Je la chatouille pour m'assurer qu'elle ne craque pas pour l'un des deux garçons. Ce n'est pas le cas. Ses hormones ne la titillent pas encore. Elle préfère les gars plus matures et se fait un délire sans conséquence avec le père de Thibaut. Ma frangine reconnait qu'il est bien trop vieux. C'est ce genre de maturité qu'elle recherche sans trouver parmi ceux plus proches en âge. Thibaut et Alex sont encore trop gamins pour elle.

Dès le lendemain matin, j'accompagne donc les deux garçons avec les crétins d'étalons à mes basques. Ils ont deviné eux aussi un coup, fourré et croient que j'ai le béguin pour l'un d'eux. Ils essayent de savoir en me posant quelques questions absolument pas discrètes. J'éclate de rire. Je leur dis de ne pas s'inquiéter et que je n'éprouve que de l'amitié envers eux. Je leur avoue les craintes de ma frangine à propos de la forêt pour les rassurer. La présence des deux andouilles équines, parfaits pour fuir si besoin, renforce mon demi-mensonge. Ils soupirent de soulagement et m'avoue bien m'aimer mais comme une amie, une petite sœur et ne voulait pas me faire de la peine si je m'étais amourachée pour l'un d'eux. Ils sont trop mignons. Je confirme que tout va bien et en profite pour demander des cours particuliers au blondinet sans problème. Je passe un excellent moment en leur compagnie. Je sens que les matins vont être très agréables. Les deux garçons sont aussi très contents de passer plus de temps avec moi.

Jeudi soir, je suis sur les nerfs. Le club de lecture me gonfle profondément malgré la gentillesse du professeur de français qui nous supervise et la présence du blondinet. J'aime lire et même écrire un peu. Cependant, je ne supporte pas les pompeux qui se prennent pour des grands esprits parce qu'ils alignent trois mots de français soutenu. Le même genre qui adore s'écouter parler. Je les choque avec mon langage de charretier. Ça m'amuse de voir leurs yeux écarquillés. L'enseignant sait que j'ai bien plus de culture générale que cette bande d'andouilles qui se la pète. Non seulement je comprends parfaitement leur langage précieux mais j'y réponds en argot ou en verlan juste pour me moquer d'eux. Je cite des passages méconnus de grands ouvrages puis je m'étonne qu'ils ne connaissent pas. Bref, ils me gonflent tous à part le professeur et aussi le blondinet. Ce soir, je décide de faire un mauvais coup. Nous sommes en pleine étude de la poésie et nous devons écrire quelque chose. Je manque de me pisser dessus de rire le jour en concoctant ma bêtise. Je leur prépare une ode à la patate.

— Ô noble patate, humble tubercule terrien,

Ton écorce rugueuse cache un trésor caché,

En cuisine, tu te transformes tel un magicien,

En frites dorées, purée onctueuse, ou gratinée.

 Ton nom varie selon les contrées et les saisons,

Pomme de terre, tater tots, ou pommes nouvelles,

Dans le sol, tu grandis sans prétention,

Pour nourrir les affamés, les gourmands, les rebelles.

 Patate douce, amie des papilles sucrées,

Ta chair orangée évoque le soleil couchant,

En purée, en soupe, ou en frites épicées,

Tu apportes douceur et réconfort à chaque instant.

 Et que dire de la pomme de terre en robe des champs,

Cuite à la braise, sa peau craquante et dorée,

Accompagnée de beurre fondant, c’est un enchantement,

Un hymne à la simplicité, à la vie bien menée.

  Ô patate, tu es humble, mais essentielle,

Dans nos assiettes, dans nos souvenirs d’enfance,

Ton goût réconfortant, ta polyvalence exceptionnelle,

Font de toi une étoile discrète de notre existence.

 Alors, saluons la patate, ce trésor souterrain,

Qui nourrit nos corps et nos âmes sans relâche,

Dans la simplicité de son humble quotidien,

Elle nous rappelle que la vie est belle, qu’elle nous attache.

L'enseignant s'est mordu la lèvre à sang pour garder son sérieux. Je l'amuse au plus haut point avec mes pitreries. Thibaut est sorti de la classe en prétextant un besoin urgent mais son rire à peine sorti l'a trahi. Lorsqu’il se calme, il recopie mon ode. Je trouve cela étrange et je l'interroge. Il refuse de me répondre et évite mon regard. Quand le cours se termine, il s'enfuit en me disant qu'il va faire lire mon texte à ses potes et son père. Je le poursuis dans les couloirs pour lui arracher la feuille, non pas que j'ai honte, mais plus pour dépenser mon trop plein d'énergie et remplacer ma mauvaise humeur par du jeu. Il sprinte de peur de se faire plaquer et appelle tous les gars sur le passage pour me retarder. Quelques-uns tentent de se mettre sur ma route sans succès.

Nous arrivons haletants au gymnase. Thibaut se planque derrière Mélia et demande à Blaise de me faire un gros câlin pour me retenir. Je râle et exige qu'il me rende la feuille. Ma sœur lit donc et soupire. Je la désespère. Elle déclame alors le texte d'une voix mélo dramatique et fait s'écrouler par terre les gars. Maltez as besoin de plusieurs minutes pour arrêter le fou rire qu'il attrape à chaque fois qu'il regarde un de ses potes ou moi qui tire la langue. Son estomac de morfale finit par valider l'objet de ma poésie. C'est bien l'un des rares points communs entre lui et moi. Notre appétit insatiable et notre vénération pour la bouffe.

Ce petit sprint a fait fuir ma mauvaise humeur. Thibaut vient me faire un câlin pour se faire pardonner. J'accepte avec un sourire. J'aime bien me blottir contre lui, sans aucune ambiguïté entre nous. En plus, les yeux furieux de Clarissa sont une motivation supplémentaire. Elle est encore plus jalouse que Naya, cependant, elle ne peut pas l'exprimer puisque le blondinet n'accepte pas ce genre de comportement. Du coup, dès qu'on a une occasion de tripoter Thibaut, les kawai, ma sœur ou moi en profitons allégrement.

Ma frangine veut montrer des mouvements de salsa et de tango aux filles. Du coup, les basketteurs ne sont absolument pas concentrés et je leur pique le ballon très facilement. Furieuse, j'envoie la balle sur leur corps pour les réveiller. Il n'y a pas moyen de détourner leurs regards des demoiselles qui se déhanchent sensuellement. Quitte à ce qu'ils les matent, autant en profiter. Je fais un signe à ma sœur et nous débutons un tango des plus torrides, en se piquant mutuellement le ballon. Les mecs se motivent d'un seul coup et essayent de reproduire notre chorégraphie avec l'une des pom-pom girls.

Afin de bien foutre la merde, je me précipite vers le blondinet avant Clarissa. Thibaut comprend mes intentions et me chuchote que je suis une petite peste. Il sait que je n'aime pas sa nouvelle copine et trouve très distrayant que je m'amuse à titiller la jalousie de la pouffe. Je sais lâcher du lest quand il faut afin de continuer à faire sourire mon ami sans jamais être lourde. Il connaît mon animosité envers Clarissa, cependant, il apprécie que je ne fasse jamais de commentaires désagréables sauf en face d'elle et me contente de l'embêter avec ce genre de petites actions à priori innocentes et surtout espiègles.

Mélia est une excellente danseuse et un bon professeur. Elle parvient assez rapidement à enseigner les mouvements de base et les enchainements classiques à tout le monde. Pour qu'on apprenne à le faire avec différents partenaires, nous nous échangeons les couples. Je ricane en voyant que Sarah, Fleur et Lilou s'amusent elles aussi à kidnapper le blondinet en utilisant leur timidité comme prétexte. D'autres pom-pom girls agissent de concert. Clarissa n'a vraiment pas beaucoup d'amies. Je ne peux m'empêcher d'intervenir quand Blaise puis Maltez veulent faire danser Thibaut. En les bousculant ingénieusement, je parviens à ce qu'une fille arrive avant les deux andouilles.

Pétunia finit par réaliser la coalition en cours contre sa meilleure amie et pâlit en voyant que tout le monde parmi les populaires, y compris le roi et la reine du lycée, fait de son mieux pour enquiquiner Clarissa. Je vois qu'elle a du mal à réaliser nos motivations. Au contraire de son amie, Pétunia est appréciée par la majorité des autres. Il n'y a que moi qui ne m'entends pas avec elle, et en grande majorité à cause de ses fréquentations. Elle hésite et ne sait pas quoi faire. Je m'apprête à aller l'aider quand Alex me devance. Il lui chuchote quelque chose à l'oreille. Elle a les larmes au bord des yeux et se cache dans le cou du garçon. Je pense que l'animosité envers sa meilleure amie lui pèse. Mélia s'en aperçoit aussi et fait en sorte que Clarissa puisse enfin danser avec son mec.

Ses roucoulades nous donnent envie de vomir et agacent quelque peu le blondinet. Maintenant qu'elle est dans ses bras, elle ne veut plus le lâcher et lance des yeux méprisants sur les autres filles dans le dos de son chéri. Malheureusement pour elle, elle commet le crime de faire sa pimbêche contre Sarah qui est dans les bras de Maltez. Aussitôt, le grand dadet réagit et protège celle qu'il considère comme sa petite sœur.

— OH ! CLARISSA ! C'est quoi cette façon de regarder Sarah aussi méchamment ? Tu as intérêt à te calmer ou je te vire illico presto. Tu n'as pas encore compris qu'on te tolère juste par égard à Thibaut et que sans lui, tu ne mettrais pas les pieds ici ?

— Oui. Fais profil bas ou tu dégage des pom-pom-girls, rajoute Naya exaspérée par sa colocataire.

La situation commence à dégénérer. Blaise récupère sa sœur et l'emporte plus loin. Le blondinet réalise enfin le cirque de la soirée et d'autres moments similaires antérieurs. Il est surpris et réalise à quel point tous ses potes et les filles détestent Clarissa. Il hésite entre les remercier d'avoir intégré sa petite amie et prendre sa défense dans cette dispute. Il est pris entre deux feux et n'ose pas bouger, ne voulant se prendre la tête avec personne.

— STOP ! On se calme tous. Clarissa, tu baisses les yeux et tu continues de danser avec Thibaut. Maltez et Naya. Tout doux. Ne bousillez pas notre soirée s'il vous plaît.

Ma sœur intervient énergiquement et éloigne la détestable du conflit en faisant un sourire compatissant au blondinet. Elle rappelle d'un geste autoritaire aux deux leaders que l'énervement est mauvaise conseillère. Pour l'aider à apaiser tout le monde, je saisis les mains de Naya et tente de la faire danser en prenant le rôle masculin et je lance des piques sur le manque de virilité et aussi de talent en danse de Maltez. Ce qui est faux, c'est un très bon danseur, toutefois, je préfère me couper la langue que de lui dire. Bingo. Son attention se dirige sur moi qui kidnappe sa nana et qui le fait courir dans la salle. Il accepte mon petit jeu et me cherche querelle.

Blaise rentre dans la chamaillerie et entraîne Naya au loin en me confiant Sarah. Alex puis d'autres basketteurs font de même, empêchant le grand dadet de se rapprocher de sa cible. Naya est hilare et se laisse faire. Un nouveau jeu commence. Les gars empêchent Maltez de rejoindre sa belle. Les filles occupent le grand dadet et demandent toutes à danser avec lui, sauf moi évidement. Le couple est chamaillé gentiment et la tension qui montait, redescend très vite pour faire place à un moment de franche rigolade.

Ma sœur tente de rajouter encore un peu d'agitation en essayant de mixer les couples pour que je finisse avec l'autre naze. Malheureusement pour elle, j'ai compris son plan diabolique et esquive malicieusement ses tentatives en lui tirant la langue. J'ai déjà eu beaucoup de mal à danser avec la reine des abeilles, il est hors de question que supporte le bourdon bruyant. Même si elle recrute la quasi-totalité des deux équipes, je suis rapide et stratège. De toute façon, lui aussi a deviné les intentions malveillantes de ceux qui sont censés être ses potes et il fuit le plus loin possible.

Le personnel de ménage arrive et nous renvoie vers nos dortoirs. Nous rangeons illico les quelques objets qui trainent et leur laissons place nette. A force de faire les andouilles, nous sommes en transpiration et la fraîcheur nocturne nous saisit. Blaise enveloppe Sarah dans son blouson pour qu'elle n'ait pas froid. Les basketteurs font de même avec les autres filles. Mélia et moi allons-nous retrouver les seules sans assistance quand Maltez retire son pull pour couvrir les épaules de ma sœur tandis que Blaise l'enlace pour lui tenir chaud. Le sourire inquiétant du crétin dans ma direction est un mauvais présage. Cette andouille est allée chercher une couverture à chevaux pendant qu'on rangeait la salle. Il cherche à me revêtir du tissu puant pour se venger de mes piques incessantes.

Une bagarre gentille se profile. Il court plus vite que moi et est leste. J'ai de meilleurs réflexes et je suis plus souple. Le pire, comme le souligne si gentiment mon double en soupirant, c'est que je m'en fiche pas mal de porter une couverture à chevaux. Je ne veux juste pas laisser gagner le grand dadet. A force de courir, nous arrivons en bas des escaliers du dortoir des filles. Les blousons sont rendus avec parfois des bises rougissantes. Mélia se moque de moi. Même si nous nous disputons, Maltez a prévu le moyen de me réchauffer, ce qui prouve qu'il m'aime bien dans le fond. Je réfute à grands cris cette théorie. Lui ricane et prétexte plus utiliser tous les moyens possibles pour me casser les pieds puis ose insinuer que je suis déjà pénible au quotidien et qu'il ne veut pas voir ce que cela serait si je tombais malade. Je me retourne alors à ces mots. Putain ! Mélia a raison. Ce crétin m'aime bien. Il va falloir que je devienne encore plus chiante pour régler ce problème le plus vite possible. Je vais me coucher en ronchonnant.

Je me lève de bien meilleure humeur. Aujourd'hui, c'est vendredi. Les cours sont plutôt cool ce jour-là. En plus, cette aprèm, je vais enfin pouvoir participer à un vrai chantier de rénovation pour mon activité caritative. Trois mois que j'apprends la théorie du plantage de clou, élaboration du ciment, l'art de la peinture et du ponçage. Je vais enfin pouvoir mettre la main à la pâte pour de vrai. Le responsable m'a prévenu que pour des raisons de sécurité, malheureusement, je serais sous la supervision d'un Terminale qui rénove depuis plusieurs années. En tant que Seconde, première année de rénovation et surtout en tant que seule fille parmi cette bande de misogynes.

Le responsable de chantier m'a promis de me mettre avec son meilleur élève. Il m'a prévenu qu'il avait un caractère difficile, mais était très investi. Je soupçonne le responsable d'avoir dit ça pour que je tienne ma langue, il m'apprécie malgré mon caractère. Lors des cours théoriques, j'ai discuté avec intérêt et j'ai posé des questions très pertinentes. Je suis d'après lui bien plus formée que les débutants habituels. Les quelques travaux pratiques ont été réalisés avec brio. J'aime bricoler et je fais de mon mieux pour produire quelque chose de qualité. Le responsable me vante les qualités de l'élève chargé de veiller sur moi en me conduisant du dortoir au futur chantier. J'ai hâte de rencontrer cet élève si altruiste. Mon sourire s'efface pour devenir une grimace dès que je l'aperçois. MALTEZ.

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