Alexie se vit, des cernes sous les yeux. Cette tension qu’elle éprouvait dans sa course à la conformité avait fini par marquer ses traits, elle ne se sentait pas la force de se maquiller aujourd’hui. Cette vision la révolta. Elle ne pouvait plus supporter ce harcèlement au bonheur. Elle ne voulait plus entendre les conseils des bienpensants, leurs voix semblaient creuser dans sa tête les mêmes trous que les vers creusent dans une pomme. Elle s’accorda à partir de ce moment le droit d’errer, d’être incertaine. Elle ne laisserait plus aucun regard la définir. Alexie lut les phrases affichées rapidement. Qu’on en finisse.

Pouvez-vous réussir à mettre vos talents à contribution de la société efficacement ? la première prise était floue elle semblait invisible. Elle se plaisait moyennement à son travail et la cosmologie semblait trop longue à étudier malgré son attraction découverte.

Vous connaissez-vous bien et êtes-vous satisfaite de qui vous êtes ? Elle se vit sur l’écran, sans contour, le flash semblait l’avoir traversée, elle disparaissait sur la photo.

L’amour contribue beaucoup au bonheur dans votre vie, l’avez-vous trouvé ? Elle a été prise en charge par le département « amour » sans succès. Elle savait que si elle ne se voyait pas sur l’écran, c’était la fin, elle allait subir le stage intensif. Elle rencontra les yeux noirs et le regard intense d’Aarron, il semblait très soucieux. Alexie avait accepté son futur proche mais la peur la fit trembler, ses doigts n’étaient pas résolus à presser ce bouton. Elle le vit hésiter et s’approcher. Il lui demanda si tout allait bien, elle était très pâle. Elle explora une dernière fois le visage d’Aarron, comme si elle voulait ramener dans sa cellule un souvenir qu’elle espérait non altérable.

C’est là qu’Elle… prit place entre eux, cette présence, cette lourdeur, cette légereté, malicieuse et provocante. Il semblait à Alexie qu’Elle lui susurra : « Peut-être que toi aussi tu devrais me laisser le droit d’être ombre et lumière à la fois ? » Et Alexie le ressentit, cette étincelle fugace, cet éclair de lucidité ou de rêve elle ne saurait dire.

Deux doigts vernis pressèrent la touche. Le dernier flash l’aveugla.