Soupçon

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Nerwen regarde assise depuis la cime d’un chêne la foule abondante sur la place du marché, elle soupire en appuyant sa tête sur son poing, mangeant de temps à autre le repas que Tauron lui a préparé. L’ennui l’accompagne depuis un moment déjà, trouvé des indices sur les présages qu’a annoncés l’arc semble plus ardu qu’elle ne l’aurait imaginée.

–Arf ! Si seulement tu pouvais être plus limpide sur ce qui nous attend.

L’arc n’a pas reparlé depuis et cela parait impossible de lui faire décrocher un moindre son, elle jette un œil sur ce qui reste de son repas et soupir de nouveau en voyant qu’elle l’a déjà terminée. Tournant la tête de nouveau sur la place du marché à regarder les passants, la surveillance sédentaire n’est pas son fort, au bout de quelques secondes, ne supportant plus l’ennui que lui procure ce travail, elle se met à imiter Circë avec sa main :

–C’est bien que tu arrives à bouger les arbres, mais si tu continues, tu vas bruler la chandelle par les deux bouts.

Elle s’imite elle-même avec son autre main :

–Oh ! Désolée madame, je suis si jeune et si inconsciente de mes propres capacités, que ferais-je sans vous.

Elle imite maintenant Varda :

–Elle à raison jeune fille, sans compter que tu pourrais obtenir facilement la note maximale, tu devrais faire plus d’effort.

–Bla bla bla ! Vous ne savez pas faire des compliments ! Toujours à me reprocher tout ce que je fais ! Ça doit vous fatiguer à la longue !

Elle se met à imiter Tauron :

–Tu peux te reposer, et je pourrais même t’aider !

–Ok boumer, tu pourrais juste rester un vieux crouton tant que t'y est !

–Oh ! Ce langage ne vous sied guère jeune fille, pourriez-vous cacher ses mots que je ne saurais entendre !

–Arrête !

–Non toi arrête !

–Tu n’as pas d’ordre à me donner ! Tu n’es pas mon pèr…

Elle s’arrête, ce jeu a pris une autre tournure, sa joyeuseté à laisser place à de la tristesse, elle se recroqueville sur elle-même :

–Qu’est-ce que je croyais, comme si rester là pouvais nous aider.

Elle baisse la tête contre ses genoux et ferme les yeux, ses sens s’étiolent jusqu’à laisser place au vide. Personne ne se doute de ce qui se passe en haut du chêne de la place centrale du marché, le brouhaha ambiant empêche quiconque de penser sainement, cependant une voix familière arrive jusqu’aux oreilles de Nerwen, intriguer, elle relève la tête et regarde en direction de ce son familier. Elle plisse les yeux et aperçoit au loin Ninquelotë qui fait ses courses, pensant d’abord à la saluer, elle se retient :

–Attend, les cours ne sont toujours pas finis.

Effectivement Nerwen n’a pas entendu le son de cloche qui signalent la fin des cours, aujourd’hui étant un jour sans contrôle physique, elle n’a pas pu sortir avant l’heure, de plus elle ne louperait pas les cours par envie. Nerwen se couche et observe les agissements de son ami, peut-être s’est-elle simplement faite porter pâle en apprenant que Nerwen ne viendrait pas aux cours aujourd'hui, après tout, elles faisaient le coup à chaque fois que l’une ou l’autre manquait les cours. L’idée de la surprendre vient tout naturellement à Nerwen, son espièglerie prend le pas sur sa mission. Elle passe en revue tous les moyens possible et inimaginable pour la faire sursauter et le meilleur moment est celui ou elle s’attend le moins à la voir, c'est-à-dire ici et maintenant. Nerwen se lève et saute sur une branche en face d’elle, elle se déplace avec une telle aisance que les branches ploie à peine sous son poids, tel un félin, elle arrive au-dessus de Ninquelotë sans qu’on l’ait remarquée. Elle sort une corde de son sac et l’enroule autour de la branche en faisant un nœud, elle laisse la corde se faire attirer par la gravité. L’apparition de la corde n’a attiré l’œil de presque personne et les rares qui l’aurait remarqué regarde en l’air et voyant que ce n’est que la porteuse retourne à leurs occupations, heureusement Ninquelotë n’a pas remarqué quoique ce soit. Nerwen se met à dos, ferme les yeux et lève les bras, elle se penche légèrement en arrière et se laisse tomber. Tout elfe apprend comment calculer la vitesse d’une chute, les mouvements cinétiques, le frottement avec l’air ou l’eau afin de réussir chaque action entrepris quand ils doivent se battre en hauteur. Une fois la théorie bien inculquée, ils font des centaines d’heures de pratique dans le but de réfléchir et d'agir. Nerwen finit par ouvrir les yeux, enroule ses jambes et ses mains autours de la corde, le frottement qui devrait bruler sa peau est insignifiant grâce à ses protections, sa vitesse chute jusqu'à s’arrêter complètement à un mètre du sol environ. Ninquelotë est en train de regarder les différents fruits et légumes qu’elle pourrait bien acheter, Nerwen se racle la gorge et sa voix change dû au fait qu’elle est à l’envers :

–Excusez-moi, mais je suis à la recherche de quelqu’un, vous pourriez peut-être m’aider ?

Ninquelotë à un léger sursaut et elle se retourne en disant :

–Bien sûr, à quoi ressemble cette pers.. Ahh !

Voyant son ami suspendu à l’envers, Ninquelotë tombe à la renverse, Nerwen rigole :

–Alors surprise !

Elle lui tend sa main afin de l’aider à se relever, Ninquelotë se relève et dépoussière ses vêtements :

–Tu pourrais arrêter tes singeries !

–Ça jamais !

À peine eut-elle fini sa phrase que la corde casse et elle tombe tête la première au sol, lâchant un cri de souffrance en s’asseyant, son ami se penche sur elle et lui dit :

–Je te l’avais bien dit.

Elle tend à son tour sa main et aide à relever Nerwen qui ronchonne :

–Rhgnégné… te l’avait bien dit… rhgné… t’en foutrais moi.

Elles finissent par rire, Ninquelotë s’arrête la première et demande :

–Ç'a l’air d’aller en fait, moi qui m’inquiétais pour toi.

–Oui, j'ai attrapé une moisissure ce matin, Tauron m’a ordonné de ne pas bouger.

Nerwen vient de dire un mensonge passe partout, vu qu’elle semble bien décider à régler ses problèmes par elle-même, tenir Ninquelotë hors de danger et surtout garder secret sa synchronisation avec l’arc est sa priorité. Ce léger mensonge ne fait pas réagir son ami :

–Bizarrement, ça ne m’étonne pas de toi.

–Bon, et toi, tu faisais quoi ?

Elle montre son panier tressé remplie de fruit et de légume divers en disant :

–Je pensais faire un petit repas pour nous deux, ça te dit ?

–J’ai déjà mangé, mais je t’avoue que j’ai encore faim et Tauron ne rentreras pas avant ce soir.

–Tant mieux alors, j’ai juste besoin d’emprunter ta cuisine.

Se souvenant de la végétation abondante dans sa chambre, elle bafouille :

–Euh… je ne pense pas… que c’est une bonne idée, tu sais…. en ce moment…. Tauron est un peu trop sur mon dos en ce moment, s'il s’aperçoit que je suis sortie, je risque d’en voir de toutes les couleurs.

–Oh ! Bah, je suppose qu’on pourrait aller dans notre endroit.

–Bonne idée.

Elles quittent donc la place du marché en direction de la forêt, pour se rendre dans leurs oasis de tranquillité. Nerwen ouvrant la marche jusqu’au repère qui est bien cachée aux yeux non avertis, un chêne camoufle l’entrée, il suffit de pousser au milieu de l’arbre pour découvrir une porte qui s’ouvre sur une clairière aménagée en différente pièce de vie, le tout étant à ciel ouvert, on peut même apercevoir le tonneau de racine vide de la veille dans un coin. Nos deux amis ont trouvé cet endroit par pur hasard il y a quatre ans, alors qu’elles faisaient une balade, leurs oasis étaient recouvertes de mousse et d’herbes folles, ceci montrant son inutilisation depuis un certain temps. Elles se sont alors dites que si les créateurs ou propriétaires ne se sont pas occupés de cet endroit depuis longtemps. Ils sont soit certainement trop absorbés par leurs vies, soit qu’ils n’existent plus aujourd'hui, dans tous les cas nos amis ont établi leur base, après moult défrichage, modification et appropriation, c’est devenu un peu leur seconde maison, quand elles ont besoin de solitude, d’indépendance ou de liberté, à l’abri de tous. Elles se mettent alors aux fourneaux et font un solide repas qui réussit a contenté le nouvel estomac sans fond de Nerwen, elle se sert dans le bocal de champignon et en fume un. Ninquelotë s’affale sur la table en soufflant :

–Je suis crevée.

Nerwen tourne de l’œil en marmonnant :

–Moi… aus…si.

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