–À ce que je vois, c'est encore le grand amour entre vous deux, énonce Circë suite à la scène qui vient de se dérouler.

–Que veux-tu ? Je fais de mon mieux déjà pour qu'elle ne dise pas de grossièreté.

Varda rigole en entendant cela :

–Hé bien, on peut dire que c'est déjà foutu !

–Comment ça ?

–Cet après-midi, elle m'a dit "j'vous emmerde vous et votre poitrine de rêve !"

Tauron la regarde et demande :

–Rassure-moi, tu n'as pas laissé passer ça ?

–T'inquiète pas, ses fesses s'en souviennent encore.

–D'ailleurs ce midi, elle n'a pas voulu discuter, elle m'a traité de boumeur.

–Boumeur ?

Demandent ses deux amis simultanément, le langage des jeunes elfes semble plein de surprise pour nos trois amis, Tauron explique :

–Ouais parce que je suis né lors du dernier boum, ça équivaut à un "ok ta gueule" d'après elle, mais sinon, Circë, tu sais pourquoi elle était aussi irascible ?

–Nerwen a réussi à faire bouger légèrement un arbre, elle a cru qu'elle pouvait déplacer une montagne, elle n'a pas aimé que je la ramène à sa condition d'élève, je l'ai donc ligotée à des racines pour la punir.

–Je comprends mieux.

Ils arrivent à l'entrée d'une vieille taverne, la devanture n'a pas été refaite depuis bien longtemps. En revanche, on arrive encore à lire "La Fée Gourmande" qui est le nom de cet établissement, nos trois compères n'y prêtent aucunement attention à tout ça et entre. L'atmosphère qui règne à l'intérieur est des plus chaleureux, nombreux sont les elfes qui viennent se saouler après le boulot et c'est presque tous les soirs plein, c'est comme ça depuis son ouverture il y a deux mille ans. L'intérieur à garder le même éclat, que ce soit le bar, qui n'a pas pris une ride, où est entreposé nombre de mixtures alcoolisées et les tables sont toujours aussi solides malgré les années, le tout est baigné par la lumière des champignons fluorescents qui donnent une atmosphère des plus magiques. La boisson a déjà commencé à faire des victimes alors que la soirée vient à peine de commencer, la plupart chantant à tue-tête :

“Souvenez-vous du temps des cerise !

C’est de ce temps-là que je garde au cœur !

Cerise d’amour aux roses pareille !

Tombant sous la feuille en gouttes de sang !

Mais il fut bien court le temps des cerise !”

Une serveuse à la démarche sensuelle qui vide les tables les reconnaît :

–Tiens ! Cela fait un petit moment que vous n'êtes pas venu ici.

–Re ! Tintallë, ça fait à peine cinq ans, Maëve n'est pas là ? demande Tauron.

Tintallë est une elfe aux cheveux noirs et aux yeux bleus, sa tenue de serveuse est des plus aguicheuse et laisse voir ses formes abondantes et son porte-jarretelle, nombre de consommateurs savoure autant la boisson que la vue proposer, malgré les apparences, c'est elle qui gère la taverne avec Maëve. Tintallë lui répond, une pointe de tristesse dans la voix :

–Oh ! C'est vrai que vous ne le saviez pas, mais elle s’est… transformer en brise il y a peu, je n’ai pas pu en parler au conseil.

Varda répond à ça :

–Merde ! Je la pensais increvable.

L'atmosphère joyeuse laisse place à la tristesse, tous les quatre se remémorent les bons moments passés avec elle, Tintallë souffle un coup :

–Elle m'a demandé de vous faire passer un message, si jamais vous reveniez un jour.

Les trois elfes sont tout ouïe à ce que s'apprête à dire Tintallë qui a du mal à reprendre son calme :

–Elle m'a dit snif ! Excusez-moi ! Elle m'a dit de vous dire que, que…

Un être miniatures apparaît devant Tintallë, qui dit en même temps qu'elle :

–Que vous vous êtes fait avoir !

–Maëve ! disent simultanément les trois amis.

Maëve est une fée d'à peine quinze centimètres de haut, la dernière représentante de son espèce, sa chevelure blonde, ses yeux bleus avec une cicatrice le long de l’œil gauche, qui est invisible si on ne la regarde pas de plus près, ses ailes de papillon et sa salopette bleue lui donnent un aspect des plus mignons, pour peu, on pourrait la prendre pour une poupée, Maëve leur dit :

–Vous êtes vraiment trop crédule, c'est pas croyable.

–T'es bien la seule à pouvoir nous faire une blague comme celle-là, lui répond Circë.

–Ah ! Que veux-tu, c'est tout moi, venez avec moi que je vous montre où vous asseoir. Tintallë, tu peux nous tirer quatre fleurs s'teuplait ! Et, ramène-nous un plateau de racine !

–J'te fais ça tout de suite !

–Merci trésor !

Ils s'assoient à une table, sauf Maëve qui s'assied sur la table, Varda lui demande :

–Tu appelles encore tes employés trésor ?

–Comme ça au moins, ils ne sont pas emmerdés durant le boulot, même s'il y a toujours un ou deux qui ose défier mon autorité.

Tauron lui demande :

–Il y a vraiment des gens qui veulent encore te défier ?

–Oh ! Ils disent que c'est à cause de l'alcool, penses-tu. Bon, assez parlé de truc qui fâche, qu'est-ce qui vous est arrivé pour que vous ne traîniez plus par ici ?

–Nous deux, on est devenu professeure et lui, il est devenu sage, lui répond Circë.

–Ouah ! Vous enseignez déjà ? Incroyable, toi mon petit Tauron, félicitations pour tenir tes vœux d'abstinence et de chasteté.

–S'il te plaît, arrête d'ajouter mon petit à chaque fois, souffle-t-il.

–Non ! Tu sais très bien que j'ai un faible pour les elfes aux cheveux noirs, c'est dommage que tu n'ais pas accepter de travailler pour moi, tu aurais pu me ramener de la clientèle féminine, tu faisais tourner bien les têtes à l’époque.

Tintallë dépose une chope de bière de fleur devant nos quatre compères, l'une des chopes est plus petite et adaptée à Maëve, même si elle aussi large que les autres, puis elle dépose un plateau de racine accompagné de fruits sec et de petits fruits, Tauron prend la chope en disant :

–Ah ! Tu peux toujours aller dormir.

–C'est vrai qu'un peu d'aide serait la bienvenue, leur dit Tintallë.

Un des clients hèle la serveuse :

–Tintallë tu nous remets deux fleurs s'il te plaît !

–Tout de suite !

Elle se sépare de notre groupe, Maëve prend sa chope qui fait deux fois sa taille, la soulève et boit le contenu d'une traite :

–Ah ! Y'a rien de mieux qu'une bonne bière de fleur !

Tous font de même, Varda dit en finissant sa bière :

–Ça m'avait manqué !

Maëve prend un grain de raisin et le grignote :

–Alors pourquoi vous êtes venu ici ? Ne me dites pas que c'est en souvenir du bon vieux temps, je ne vous croirais pas.

Tauron souffle :

–Le conseil fait pression pour que le nouveau porteur soit apte rapidement.

Maëve avale de travers en entendant ça :

–Koff ! Koff ! Nouveau porteur ? Merde ! Il est mort il y a combien de temps ?

–Ça fait vingt ans.

–Oh, pauvre petit Kahe, de quoi le conseil a si peur ? Pour écourter de trente ans l'apprentissage du porteur.

Tauron lui répond :

–Selon Celeborn, les signes sont mauvais, un malheur risque d'arriver, il ne sait pas où et quand, mais apparemment, cela sera grave.

Varda continu :

–Le problème, c'est que j'ai peur que Nerwen ne le supporte pas plus.

–Ouais, l'arc ne l'aide pas et elle n'est pas du genre patiente, finit Circë.

Maëve marmonne :

–Se pourrait-il que…

–Tu dis ?

–Non rien ! De toute façon Celeborn à vu pleins de signe qu'il n'a pas pu empêcher, ça ne sert à rien de se triturer le cerveau pour ça.

Tauron après avoir mangé une noix demande :

–D'ailleurs, tu refuses toujours les invitations pour rentrer aux conseils, pourquoi ?

–Pas envie. D’autant plus que Celeborn est un vrai casse ovaire quand il s’y met.

–La dernière fois qu'ils en parlaient, ils disaient que tu n'aurais pas besoin de faire de vœux, ça ne t'intéresserait pas de venir avec ces privilèges ?

–Non ! Qu'ils aillent se faire mettre, de toute manière, qu'ils me privent ou non de ma liberté, n'empêche pas que je sois la dernière fée vivante, qu'ils m'invitent ou non ne changera rien, je serai juste là pour faire joli, non, je préfère largement passer le reste de mon temps à boire et profiter de la vie, plutôt que de m'emmerder avec le conseil.

–Maëve !

Tintallë montre un groupe d'elfe qui commence à mettre le boxon dans la taverne, Maëve part vers le groupe en disant :

–Attendez, je reviens tout de suite.

L'aura de Maëve change au fur et à mesure qu'elle se rapproche du groupe d'elfe bourré, cette aura meurtrière donne des sueurs froides à tous ceux qui sont suffisamment conscients et qui regardent la scène. Maëve dit d'une voix grave :

–Je crois que vous n'avez pas bien compris les règles, n'est-ce pas ?

Le groupe qui prend conscience de la panade dans laquelle ils se sont mis et avalent leur salive de peur. Maëve prend un sourire malsain et fait craquer ses doigts :

–Il est trop tard pour vous excuser !

Le groupe fuit Maëve comme la peste et sortent en trombe de la taverne, elle leur gueule :

–Et ne revenez pas avant d'avoir décuvé !

Elle ferme la porte de la taverne et l'aura meurtrière qui l'entourait à disparue. Tauron glisse à ses amies :

–On renouvelle notre promesse d'assommer le premier d’entre nous qui fout la merde chez Maëve ?

–Ouais ! répondent en même temps ses deux amies.

Maëve se rassied sur la table et comme si de rien n'était fini de grignoter son grain de raisin en demandant :

–Tintallë, tu m'en remets une s'teuplait ?!

Tintallë fais un signe de tête pour acquiescer, Maëve continue :

–Qu'est-ce qu'on disait ?

–Que tu préférerais profiter de ton temps à boire et vivre, mais pour toi vivre signifie s'envoyer en l'air, non ? demande Circë.

–C'est pas ma faute si certains elfes dégagent énormément de magie, surtout ceux aux cheveux noirs, je suis attirée par eux comme une abeille est attirée par une fleur, si j'avais pu, je me serais bien tapée tous les porteurs que j'ai connus, mais ils ont tous refusé, va savoir pourquoi.

Elle prend une pose désinvolte :

–D'ailleurs si ça t'intéresse Tauron, on peut aller s'amuser tous les deux.

–Tu peux toujours dormir.

Tintallë dépose la chope de fleurs devant Maëve qui s'assoit correctement :

–Tans pis, j'aurais essayé, Tintallë n'a pas fait d'histoire elle.

Varda demande, étonnée :

–C'est vrai ? Comment ça se passe entre vous alors ?

Tintallë est gênée et rougie à cette demande :

–C'est que… c'est plutôt gênant en vérité, elle m'a fait des choses que j'ose à peine dire.

–Tu peux le dire que t’as appréciée.

Le rouge est omniprésent sur son visage :

–Oh non ! Tais-toi !

–Et que tu as…

Tintallë la coupe et s'éloigne rapidement pour se cacher, refouler sa honte :

–Arrête-toi là ! J'veux plus t'entendre !

Maëve le sourire aux lèvres leur dit :

–Ça, c'est le fruit de cinq mille ans d'expérience et du fait que j'atteigne facilement vos zones érogènes.

Maëve prend la chope et la boit d'une traite encore une fois :

–Burp ! Mais bon, assez parlé sexe, comment est la nouvelle porteuse ?

Circë lui répond :

–Bah écoute, à part que c'est une surdouée et qu'on pense qu'elle sera la plus puissante elfe qu'on est jamais connus, hum… je dirais en étant gentille que c'est une forte tête.

–Vous la connaissez si bien que ça ?

–Je suis son tuteur, lui répond Tauron.

–Pour quelqu'un qui a fait vœux, c'est la meilleure.

–Ses parents sont morts il y a cinq ans.

Ils prennent tous un air grave, Maëve qui elle n'a pas perdu son sourire hurle :

–Tintallë ! Tu nous sors une bouteille de racine !? elle revient vers notre groupe. Désolée de ne pas partager votre peine, mais j'en ai vu des drames en cinq mille ans d'existence et le seul remède, c'est soit l'addiction, soit le temps.

Tintallë arrive avec la bouteille et quatre verres qu'elle dépose sur la table, elle débouche la bouteille et remplit de manière équitable un liquide aux teintes sombre, Maëve prend son verre et dit :

–Franchement, vous niquez l'ambiance de ma taverne avec vos histoires, alors buvez et dites-vous que ça ira mieux demain.

Elle part avec son verre, Tintallë la suit avec la bouteille, Maëve leur dit avant de partir :

–C'est offert par la maison, alors apprécier le bien.

Nos trois amis restent silencieux et sirotent leur verre sans dire un mot.