Chapitre 5

9 minutes de lecture

10 Juin 2054 – 16h00 – Dans le monde entier

Partout dans le monde, instantanément, toutes les télévisions du monde s’allument sur leur chaîne nationale. Que leurs téléspectateurs soient présents ou non importe peu. Tous les écrans d’ordinateur sont automatiquement dirigés vers le direct de la conférence de presse. Tous les téléphones du monde envoient des notifications.

Dans la gigantesque salle de conférence de Paris, des drapeaux français, européens, américains, du CNES et de la NASA parcourent les murs. Derrière le journaliste qui s’apprête à prendre la parole, un grand écran rouge inscrivant « ALERTE INFO » a été dressé. Des centaines de caméras braquées sur lui, il s’approche du pupitre, s’éponge le front et tapote sur le micro, faisant raisonner deux grands bruits dans la salle.

- Bonjour à tous, nous sommes en direct du siège du Centre National des Études Spatiales à Paris où une grande nouvelle est sur le point de vous être communiquée. Juste avant de laisser la parole à la renommée Anna Delcourt, ingénieure au CNES, je tiens à remercier chaleureusement tous les chercheurs, ingénieurs et scientifiques du monde entier de n’avoir jamais relâcher la pression, d’avoir permis à ce jour magique d’exister. Merci également aux gouvernements qui ont rendu toutes ses recherches possibles. A présent, je vous laisse en présence de Madame Anna Delcourt qui, puisqu’elle sera l’actrice numéro un de cet incroyable évènement, a l’honneur de vous annoncer la nouvelle.

Le journaliste fait signe à Anna de s’avancer. Spécialement coiffée et maquillée pour l’occasion, elle s’approche vêtue d’une magnifique robe rouge, portant l’insigne du CNES et de la NASA. Ses longs cheveux blonds sont légèrement retenu en arrière par une pince, mais quelques une de ses mèches rebelles s’échappent en de grandes boucles sur ses joues. Grâce aux doigts de fée de Mathilde la maquilleuse, ses yeux ressortent plus bleus que jamais. Munie de sa petite feuille où est inscrit son discours, elle pose ses mains sur le pupitre et s’éclaircit la voix.

- Bonjour à tous. Je suis Anna Delcourt, je travaille au CNES depuis dix ans...

A quelques centaines de kilomètres de là, Margaux observe sa compagne à la télévision. Elle a été surprise quand l’écran s’est allumé tout seul et que la sirène du flash info a retenti dans toute la maison. Elle ne savait même pas que les gouvernements avaient la possibilité de faire une telle chose. Voir Anna dans un environnement aussi peu familier lui fait bizarre. Elle reconnaît à peine la femme qu’elle a quittée quelques heures plus tôt. Margaux reste sans voix devant la beauté de sa compagne.

- Il y a quelques heures, pendant que la plupart de nous dormait profondément, des scientifiques du monde entier on remarqué pratiquement simultanément quelque chose d’anormal dans le ciel.

Margaux rit intérieurement en écoutant la voix légèrement tremblotante d’Anna. A quelques mètres d’elle, dans la maison voisine, une voix s’élève « Marie-Chantal vient donc voir à la télé ! C’est la p’tite voisine ! ». Quelques kilomètres plus loin, avachit sur la table ronde du bar St Vincent, deux adolescents relèvent la tête, surpris par le bruit de leurs portables « Wesh c’est quoi cette merde ? Pourquoi mon tel’ reste bloqué sur ce truc chelou ? ».

- Quelque chose avançait en direction de la Terre a une vitesse astronomique. Le ciel est scruté 24h/24 et pourtant… On n’avait rien distingué plus tôt. Toute la nuit, leur attention a été focalisé sur cet objet. La possibilité d’une météorite exceptionnelle a été envisagée. Mais les météorites ne se déplacent pas à une telle vitesse. C’est impossible.

Se rendant compte de sa dernière phrase, Anna s’arrête net. La bourde ! Dire que quelque chose est impossible dans l’espace revient à dire que l’on est allergique au poulet sans n’en avoir jamais mangé.

- Enfin… Bien sûr... l’univers est si grand et on en connaît une si petite partie… Tout est possible. Mais ce que je veux dire, c’est que cela ne correspond en rien aux météorites qui gravitent dans notre système solaire. Cela ne correspondait en rien à ce que l’on a observé au cours du dernier siècle.

Margaux est impressionnée de la capacité d’Anna de toujours retomber sur ses pieds. Peu importe ce qu’il se passe, elle arrive toujours à trouver une solution sans jamais s’effondrer. Même avec une centaine de caméra braquées sur elle qui envoie son visage et ses paroles à la Terre entière.

- Il y a quelques heures, en s’approchant de la Terre, l’objet a pu devenir plus visible et nous avons eu la confirmation que ce n’était pas un corps céleste.

Sur la place Tian’anmen à Pékin où un grand écran a été dressé et où des milliers de chinois se sont massés, tous retiennent leurs souffles, les yeux rivés sur Anna. Le discours avaient été transmis une heure plus tôt à tous les pays du monde pour que des sous-titres puissent être ajoutés et ainsi, permettre à chaque être humain de suivre la conférence.

- Il s’apparente à ce que l’on pourrait nommer un vaisseau spatial.

En prononçant cette phrase, Anna se retourne vers l’écran pour désigner l’image qui y a été projetée. Sur l’image, on peut voir une forme noire au beau milieu de l’espace. La forme montre une sorte de soucoupe volante à trois étages, avec plusieurs antennes. Bien sûr, la qualité n’est pas exceptionnelle et aucun détail n’est réellement visible.

- Nous savons de manière certaine que ce vaisseau est piloté. Cependant, avec notre technologie actuelle, il nous est absolument impossible d’atteindre une telle vitesse. De plus, nous avons recensé toutes les missions actuelles dans l’Espace et aucune d’entre elles ne correspond à la position du vaisseau. Mesdames et Messieurs. Ce vaisseau qui se dirige vers notre planète n’est pas d’origine humaine. Et les êtres qui le pilotent ne sont pas des humains.

Sur Times Squares à New-York, un silence de mort s’installe rapidement suivi par des exclamations de stupeur. De nombreuses personnes portent une main à la bouche, abasourdies par la nouvelle. Les mêmes scènes se produisent partout dans le monde, à Londres, Rio, Montréal, Sydney, Tunis, New-Delhi, Madrid, sur le canapé de cette vieille dame à Varsovie, sur la terrasse de ce café à Johannesburg, dans l’open space où travaillent des centaines de personnes à Stockholm,…

Marie, la mère de Margaux, qui a rejoint sa fille devant la télé s’exclame « Tu le savais… ?! ». Mais Margaux ne peut lui répondre, totalement happée par les yeux d’Anna qui semble traverser le poste de télévision et dont elle ne peut se détacher.

- Nous avons tenté d’entrer en communication avec eux, mais à l’instant où je vous parle, nous n’avons pas eu de réponse. Tout est envisageable. Peut-être qu’ils ne nous ont pas entendu, peut-être qu’ils n’ont pas souhaité nous répondre, peut-être qu’ils ne le peuvent pas.

Dans une petite maison de Bretagne, un jeune garçon de sept ans se tourne vers sa mère « Mais Maman, E.T. il téléphone bien aux autres extraterrestres… Pourquoi ils ne font pas pareil ? Ils ont qu’à prendre leurs téléphones. ». Sa mère lui sourit, une lueur inquiète dans les yeux, se demandant si ce qu’elle entend est une bonne ou une mauvaise nouvelle.

- Nous continuons de les suivre seconde après seconde. Il y autre chose. Nous avons remarqué qu’ils réduisaient leur vitesse. Nous pensons qu’ils envisagent d’atterrir sur la Terre et non de simplement nous contourner.

Margaux frissonne en entendant cette phrase. Elle pense instantanément aux dix mille films parlant d’invasion extraterrestre, de vaisseaux qui s’écrasent réduisant à néant tout ce qui se trouve dans son périmètre, des petits bonhommes verts venus exterminer la population humaine. Pour être très honnête, elle a souvent espéré être encore vivante le jour où une nouvelle forme de vie serait découverte sur une autre planète. Mais aujourd’hui, elle ne sait plus vraiment si c’est une si bonne idée que ça…

- Grâce à leur trajectoire et leur vitesse, nous avons été en mesure de déterminer l’endroit exact de leur atterrissage. Pour des raisons évidentes de sécurité, je ne peux évidemment pas vous communiquer le lieu. Je peux vous dire en revanche que cela aura lieu en France, heureusement en dehors de toute ville.

A Moscou, Arnold ne peut s’empêcher d’être un peu déçu. La Russie est quinze fois plus grande que la France et pourtant, la première civilisation extra-terrestre décide de se poser sur ce tout petit territoire. Il aurait aimé que cela se passe chez lui. Peut-être qu’avec un peu de chance, il aurait pu les voir de son balcon !

- Quand à l’heure de l’atterrissage… Et bien, vous allez être surpris… Mais cela devrait se passer aux environs de 5h37 heure française. Les données sont sans cesse actualisées pour avoir la meilleure précision possible donc ce chiffre peut légèrement évoluer.

Sur les Champs-Elysées à Paris, la foule se met à applaudir et à crier. Tout le monde exalte de joie comme si la France venait de remporter la Coupe du Monde de football comme en 1998 ou 2018.

- Il me reste une dernière chose à vous dire, mais pas des moindres. Comme je vous l’ai dit précédemment, nous n’avons eu aucune communication avec eux malgré toutes nos tentatives. Ce qui veut dire que nous n’avons aucune idée de la raison de leur venue. Nous ne savons pas si ils viennent par curiosité comme nous pouvons le faire comme lors de nos expéditions sur Mars ou sur la Lune. Tout est envisageable. Le meilleur comme le pire. Je me dois d’être franche avec vous. Il est possible que le vaisseau s’écrase en atterrissant, il est possible que leur premier contact soit violent. Je serai la première personne à aller vers eux. Il est possible que je n’en revienne jamais. Mais pour vous, sachez que d’important moyen de sécurité seront mis en place. Nous avons le renfort de l’Armée, toutes les forces de police et de gendarmerie sont réquisitionnées. La NASA et les pays du monde entier seront sur le pont, prêt à intervenir.

Margaux sent son cœur se serrer. Elle imagine Anna quand elle devra s’avancer toute seule vers ces nouveaux venus. Toute fluette, avec ses 50kg toute mouillée, elle ne ferait pas long feu face à des êtres malveillants... Elle sent les larmes lui monter aux yeux, imaginant que c’est peut-être la dernière fois qu’elle voit sa compagne en vie. Pourquoi a-t-il fallu que ce soit Anna qui soit choisie ?! Encore une fois, sa mère semble deviner ses pensées. Elle la sert fort contre elle en lui murmurant de douces paroles à l’oreille « Anna ferait accepter un poste de chanteur à un muet… Elle va y arriver, ne t’en fais pas ». Margaux envoie discrètement une petite prière au ciel, priant pour que sa mère ai raison.

- Mais ça peut également très bien se passer et nous sommes peut-être à l’aube de découvertes incroyables. Nous allons peut-être avoir une meilleur compréhension de l’Univers et de tous ses mystères.

En prononçant cette phrase, Anna ne peut empêcher un énorme sourire de lui envahir le visage. L’Univers renferme encore tellement de mystères, elle aurait des milliards de questions à poser à ces êtres venant d’ailleurs. Elle a toujours été passionnée par l’Espace. Petite, son rêve était d’y aller. En grandissant, elle s’était captivée par la vie en dehors de la Terre. Jamais elle n’aurait imaginer un jour vivre une rencontre avec autre chose que des petites bactéries ou autres molécules. Elle sent la hâte qui la gagne.

- Voilà ce que je peux vous dire à l’heure actuelle. Les prochaines heures seront cruciales pour l’humanité. Nous sommes à l’aube d’un jour nouveau, d’une nouvelle ère. Juste avant de partir, je voudrais juste remercier Jean-Philippe le directeur du CNES. JP, c’est grâce à toi que j’en suis là aujourd’hui et je t’en serai reconnaissante à vie. Merci également à la NASA pour sa confiance. Et enfin… Je tiens à remercier ma famille… Margaux, sans toi je ne serais absolument rien. C’est toi qui me porte jour après jour, qui me force à me dépasser, à ne jamais abandonner. Sans toi, ma vie n’a pas de sens. Je n’aurais pas pu rêver une meilleure mère pour Adriana. On dit souvent qu’elle me ressemble physiquement, mais mentalement elle a tout de toi : ta force, ta générosité, ta manière de ne jamais rien lâcher, ta bienveillance envers les autres. Merci d’être à mes côtés jours après jours, de rendre la vie plus belle et de m’avoir donné le plus beau rôle de ma vie avec Adriana : celui de maman. J’espère que quand elle sera plus grande, elle sera fière de ses mamans. Je vous aime à en dépasser les étoiles et on se voit bientôt.

Anna respire un grand coup pour empêcher les larmes de l’envahir. Margaux de son côté, a la tête enfouie dans les bras de sa mère, lâchant tous les sanglots qu’elle a trop longtemps gardés en elle.

- Merci à tous pour votre écoute. A l’attention des français, le gouvernement recommande à la population de rester chez soi ce soir et demain. Je vous laisse avec Monsieur le Président de la République qui vous donnera de plus amples informations concernant la sécurité des prochaines heures. Merci.

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