Matin

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Je me réveille dans le lit de Steph que je m'étais pourtant jurée de ne plus fréquenter. Ça m'apprendra de faire des promesses de 1er janvier. Le plafond me semble hostile, comme s'il ricanait de me voir là.

Je me lève et remarque mon tanga échoué comme une méduse mordorée au pied du lit. Ça me dégoûte carrément.

Dans la salle de bain, le miroir m'envoie un reflet sardonique parce qu'il a remarqué une morsure dans mon cou. Je baisse les yeux en serrant les dents, fais pipi en étudiant avec une précision de chercheur un joint du carrelage bleu.

La douche de Steph ressemble à une cabine spatiale avec des jets multi-directionnels, des brumisateurs et que sais-je encore. L'eau me libère peu à peu d'une étreinte invisible. Elle ruisselle, court, coule, veine les parois de verre de petits torrents verticaux et doux qui m'isolent et me protègent.

Je ferme les yeux un long moment en essayant d'oublier Steph qui dort à côté, sans vouloir vraiment l'oublier.

Quand je sors de la capsule Apollo le miroir essaie de nouveau de me transpercer mais je suis moins vulnérable et il se contente de refléter mon image bêtement. Je savoure cette minuscule victoire. J'ai un suçon au dessus d'un sein mais je prends ça avec philosophie même si je ne peux m'empêcher d'y voir une marque de possession éphémère. J'enfile une T-shirt pendu derrière la porte, un truc vaguement américain avec un drapeau étoilé décoloré sur le devant.

Dans la cuisine les choses me semblent statiques, posées là depuis des siècles. Le frigidaire fait un petit ronron pour prouver qu'il fonctionne. Ça me rassure un peu sur la réalité de l'instant. Je me sers un jus d'abricot.

Par la fenêtre je vois des gens dans la rue, remontés comme des mécaniques silencieuses. Un panneau publicitaire Decaux fait alterner des images de voitures et de forfaits téléphoniques.

J'ai froid aux pieds.

Steph est dans mon dos et m'enserre de ses bras. Je frissonne sans le vouloir, je ne sais pas pourquoi quelque chose lutte au fond de moi. Il marche à reculons vers la chambre, m'emportant comme une proie docile.

Je regarde le plafond qui ne sait plus du tout quelle attitude adopter. Ce n'est qu'un plafond après tout et il ne connait rien aux désirs, aux plaisirs, aux sentiments.

Et moi? J'y connais quoi?

Je bascule. Tout bascule.

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