Ornoric

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Le lendemain, tout était prêt pour la cérémonie. Ornor avait organisé son couronnement avant même de savoir quelle serait l'issue de la conjuration. Dans la grande salle du palais, où s'étaient déroulés d'abord le banquet au cours duquel Corrik avait été capturé, puis le jugement des Conjurés, une foule nombreuse s'était réunie. Aux premiers rangs siégeaient ceux qui s'étaient illustrés dans la capture des Coalisés. Les armures dorées des capitaines brillaient, les haches aiguisées luisaient comme les yeux de la foule admirative.

Corrik, lui, était en bonne place, toujours vêtu de sa tunique bleue et coiffé de son éternel bonnet. On l'avait beaucoup félicité pour son rôle dans la découverte du complot. Aussi était-il à une place d'honneur pendant toute la cérémonie.

Ornor, lui, assis en face de l'assistance sur le trône erstique, avait quitté l'armure ou le pourpoint de cuir qu'il portait d'ordinaire, et avait un manteau de velours rouge bordé de blanc, les couleurs d'Holtrock. À sa gauche et à sa droite se trouvaient deux coussins rouges et blancs brodés de l'Ours de Tormild, sur lesquels reposaient une longue épée et une hache, toutes deux en or massif.

Sur un second trône siégeait l'épouse d'Ornor, Garäd. Elle était la sœur de Galag, celui qui avait découvert les Nains tués dans la vallée de Naïdorl, elle était de la famille des Holdars, et comme son frère, elle avait des cheveux roux comme le feu. Elle portait une robe aux couleurs de la forteresse.

Derrière eux, sur un autre siège, un Nain vêtu de blanc, le Cérémoniaire, avait à ses côtés la couronne du futur roi et celle de la future reine. De chaque côté de la salle, deux gardes portaient un étendard rouge et blanc, avec l'Ours de Tormild brodé de fils d'or.

Après un moment d'attente, le Cérémoniaire se leva, les célèbres trompettes des Nains sonnèrent, et l'Erst, se levant, donna la main à son épouse. Tous deux plièrent le genou devant le Cérémoniaire qui levait bien haut et à la vue de tous, la couronne d'or du premier roi d'Holtrock.

« Ornor, tu as prouvé par ta valeur que toi et ta descendance sont dignes de porter le titre de Roi des citadelles Naines d'Holtrock et d'Holnas. Acceptes-tu cette lourde charge ?

— Je l'accepte.

— Puisque le Conseil Erstique et le peuple d'Holtrock te soutiennent, tu porteras désormais le nom d'Ornoric. Reçois cette couronne, qui à jamais dira à tous que tu as à répondre de tout ce qui se déroulera sous ton règne. »

Et le Cérémoniaire posa la couronne sur la tête de l'ancien Erst. Puis il prit la seconde couronne et se plaça devant Garäd.

« Garäd, Ornoric t'a choisie pour l'assister dans sa mission, que vous partagerez jusqu'à la mort. Acceptes-tu la lourde charge de porter le titre de Reine des cités Naines d'Holtrock et d'Holnas ?

— Je l'accepte.

— Alors reçois cette couronne, qui à jamais dira à tous la difficile mais magnifique mission que tu as décidé d'accomplir. Vous pouvez à présent prononcer le Grand Serment. »

Ornoric et Garäd se tournèrent vers l'assistance, et les quatre gardes abaissèrent leurs étendards les uns sur les autres devant eux. Ornoric prit la main de la Reine dans la sienne, et étendant leurs bras sur les étendards, Ornoric prêta solennellement et devant tous le serment d'usage :

« Moi, Ornoric, premier Roi des cités Naines d'Holtrock et d'Holnas, le Royaume Nain du Sud, je jure de servir mon royaume et mes sujets jusqu'au dernier souffle de ma vie, avec l'aide de mon épouse, la Reine Garäd. Que Varkan et les Six Serviteurs me protègent et me gardent dans le gouvernement du Royaume.

— Long soit leur règne ! Longue soit leur lignée ! Vive le Roi ! Vive la Reine ! » clama la foule. (Cela aussi faisait partie de la cérémonie.) Ornoric les remercia en brandissant l'épée d'une main et la hache de l'autre. Il rayonnait. « Je dois tout d'abord remercier, poursuivit-il tandis que tous se taisaient pour l'écouter, notre ami Corrik, le Waldin de la Vallée. Grâce à lui nous avons pu arrêter les Conjurés et vaincre les Coalisés. Que désormais il trouve en chacun de nous un frère et un ami, dans chacune de nos demeures un foyer, en chacune de nos forteresses une famille! C'est à lui que nous devons notre liberté ! » Tous acclamèrent le Waldin, qui, malgré son humilité, ne put s'empêcher de rire avec tous lorsqu'il fut porté en triomphe par les Nains, passant de bras en bras, sautant de groupe en groupe comme un bouchon de liège sur une mer houleuse. Lorsque tout reprit son calme, Ornoric continua. « C'est pourquoi, devant tous, je vous fais aujourd'hui même, Waldin Corrik...Corrik... » — Corrik, cela suffit, répondit en riant le Waldin (en effet, les noms de famille existent chez les Waldins mais ne sont que rarement utilisés). — Je vous fais donc, Waldin Corrik, en présence de tous et au nom du Royaume Nain du Sud, Chevalier de l'Ordre de l'Ours, plus haute distinction de notre pays. » Un murmure de surprise parcourut l'assistance. Cet ordre n'existait pas ! « Vous êtes surpris, mais sachez que j'ai moi-même inventé cet Ordre, et désormais en seront membres tous ceux qui serviront notre royaume avec courage et loyauté. Approchez, Corrik. Voilà. Recevez cette preuve de votre vaillance, acheva Ornoric en attachant à la tunique du Waldin une broche en or représentant l'éternel Ours de Tormild. Nains, applaudissez ce Waldin, premier chevalier de l'ordre. » Les acclamations fusèrent, Corrik était confus, mais heureux. « Et maintenant, continua le nouveau roi, je souhaite nommer un Erst pour Holnas, qui désormais nous appartient. Pour sa vaillance, sa loyauté, sa sagesse, ainsi que la capture du traître Heriktor, je demande à Ornald de s'avancer pour recevoir le Casque Erstique, symbole de son pouvoir sur la citadelle d'Holnas prise à l'ennemi avec son aide précieuse. »
La cérémonie avait été longue. Quand tous sortirent sur la place d'Holtrock, le soleil déclinait déjà dans le ciel bleu, colorant de rouge la neige tombée la veille, la dernière sans doute avant le prochain hiver. Corrik s'approcha d'Ornoric, entouré de nombreux Nains qui le félicitaient, et tous deux sortirent de la foule. « Sire, lui dit Corrik, je vous remercie pour tout ce que vous avez fait. Ces quelques jours passés à Holtrock resteront à jamais gravés dans mon cœur. Mais voici venu le moment de vous dire adieu, car ma mission n'est pas terminée. Souvenez-vous que je n'étais venu ici que pour une chose... — Pour reprendre votre pierre, c'est vrai. Je suis désolé de vous voir partir, mais si vous pouviez, un jour, revenir ici, cela me comblerait de joie. Vous allez me manquer, Corrik. — Vous aussi, sire. J'ai beaucoup appris auprès de vous, j'ai pu voir de mes yeux un vrai chef et à présent un roi excellent. Puissiez-vous régner longtemps. — Corrik, comme nous sommes amis... Pouvez-vous me dire ce qu'est cette pierre ? » Corrik fut tout à coup inquiet, et ne répondit pas. « Je suis désolé, poursuivit Ornoric. — Ne le soyez pas, dit Corrik en se reprenant. Cette pierre est la Pierre de Vasyl, qui rendrait aux Nainden le pouvoir sur tout le Vandir Nainden, terre aujourd'hui infestée de Morden. Je vais la donner à Allengryn, le Prince Gouverneur d'Ethor Kaelys. — Ainsi, vous êtes celui qui parcourt le monde en couronnant les rois que le sort a découronné. Belle mission ! « Eh bien, fit le roi après une pause, puisque vous êtes décidé à partir, je vous souhaite un bon voyage. Mais je tiens à vous raccompagner jusqu'à la frontière de notre royaume, car avec tous ces Gobelins dont le nombre et la rage augmentent, je ne voudrais pas qu'il vous arrive quelque chose. » Corrik voulut refuser, mais le Nain insista. C'est ainsi que Corrik quitta Holtrock sous les acclamations et passa une dernière fois la Porte de l'Ours, escorté par Ornoric et cinq gardes. Ils marchèrent ainsi sans encombre, passant par le sentier sur lequel Corrik avait vu pour la première fois celui qui s'appelait alors Ornor, et atteignirent une pierre marquée du fameux symbole. Là, le Waldin fit ses adieux aux Nains qui restèrent longtemps à lui faire signe tandis qu'il s'enfonçait dans la vallée par le sentier, à travers la vieille forêt de sapins.

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