Chapitre 8

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J'hésite à accepter la proposition de Liam, mais l’idée de rester recluse dans l’appartement me terrifie encore plus que de devoir l’affronter. Si je suis surprise par son message, je suis aussi touchée qu’il n’essaie pas de prendre de mes nouvelles ni qu’il s’apitoie sur mon sort. Je ne sais pas si c’est notre rencontre récente ou simplement son caractère mais je ne ressens pas de pitié lorsqu’il s’adresse à moi. Je n’observe pas cette fêlure dans son regard comme je peux la voir dans celui de Matt ou de mon père. J’aime qu’il me propose de l’accompagner courir là ou mon colloc m’encouragerait à consulter mon psy. Comme si Liam savait. Comme s’il avait conscience que je n’ai pas besoin de ressasser mais d’extérioriser. Mais comment pourrait-il savoir ? Qu’a-t-il vécu pour reconnaitre mon désespoir ?

Pourtant quand mon réveil affiche sept heure trente, je me mets en mouvement et me saisit du premier legging qui me passe sous la main. Je suis glacée malgré la chaleur de ce début de journée. Je me cache derrière un sweat, vérifie la charge de mon téléphone et attrape mes écouteurs.

La capuche remontée sur la tête, je déambule plus que je ne marche au milieu des badauds beaucoup trop présents à mon goût à une heure aussi matinale. Mon regard se voile plusieurs fois et j’ai conscience de l’image pitoyable que je dois renvoyer. Je rêve de m’écrouler, de fondre en larmes, pourtant mes yeux secs me rappellent que j’ai écoulés mon stock au cours de la nuit passé. Mes paupières boursouflées me brulent malgré les gerbes d’eau dont je les ai aspergées en me préparant.

Arrivée au stadium je ne repère pas Liam et décide de commencer quelques tours. En petites foulées, je me laisse porter. Je fais le vide. Des pas à ma hauteur me sortent de ma bulle. Liam se cale sur mon rythme. Il ne dit rien, ne me dévisage pas. Il est juste là. Sa simple présence apaise la cavalcade de mon cœur. Nous enchaînons les tours en silence. La douleur dans ma jambe se fait de plus en plus forte. Je l’exècre. Elle est un rappel permanent de ce jour, de cet instant où ma vie a basculé dans ce simulacre d’existence.

De rage, de désespoir et probablement de honte, je m’écroule par terre dans un long hurlement. Les larmes que je croyais taries se déversent sur mes joues. Et je pleure. Je pleure sur l’ancienne Raelynn qui ne reviendra pas. Sur la nouvelle aussi, qui semble prête à se briser à tout instant.

Deux bras puissants m’enserrent. Liam pose délicatement ses lèvres sur mon front. Il ne parle pas, comme s’il avait peur de rompre l’instant, me berce tendrement mais ne me force pas à me pousser du chemin. Je suis toujours au milieu de la piste de course. Les joggeurs nous contournent, interloqués pour certains, agacés pour d’autres. Mais nous ne bougeons pas. Il fait barrage de son corps et laisse à mon chagrin le temps de s’évacuer. Je suis épuisée. Ma nuit sans sommeil et mon craquage nerveux m’ont laissée à fleur de peau. Nichée au creux des bras de Liam, je le sens nous relever. Je suis le mouvement, trop abrutie pour réagir. Il a la délicatesse de ne pas poser de questions. Arrivé à hauteur de son véhicule, une de ses mains déserte mon corps pour se saisir de la poignée laissant une empreinte froide sur mon derme brulant. Ce n’est qu’une fois dans l’habitacle qu’il prend la parole :

—Raelynn, il me faudrait ton adresse.

Je m’entends lui répondre mais ne reconnait pas ma propre voix. Je perds pied et la chute est d’autant plus violente que j’avais le sentiment de remonter la pente ces dernières semaines.

Le trajet est rapide, et je ne réalise que nous sommes arrivés que lorsqu’il ouvre la portière. Il me guide à l’intérieur du bâtiment et je le vois regarder sur les boîtes aux lettres pour trouver mon étage et mon numéro de porte. Je lui emboite le pas pour ne m’arrêter qu’une fois devant la porte de chez moi. Je me rappelle que mon ami n’est pas présent et cherche mes clés pour déverrouiller.

Ce n’est pas dans ces circonstances que j’imaginais Liam dans mon appartement. Il me pousse délicatement sur le canapé et se rend dans la cuisine. Je me sens spectatrice de ma vie. Une toute petite voix au fond de moi me hurle de me ressaisir et de me bouger le cul. Malheureusement, son écho se perd dans le coton que sont devenues mes pensées. Liam réapparaît avec un verre qu’il pose devant moi puis se dirige vers la salle de bain. J’écoute l’eau se mettre en marche. Sa main vient trouver mon coude pour m’enjoindre de me lever. Je n’ai pas touché le verre d’eau, incapable de la moindre décision même la plus basique, comme se nourrir ou d’hydrater. Encore une fois, je le laisse faire. Avec douceur et respect, Liam m’aide à ôter mon pull. Il ne prend pas la peine, ou pas le risque de me déshabiller plus. C’est donc toujours vêtue que j’entre sous la douche. Mes larmes se mêlent à l’eau. Je le vois quitter la pièce. Doucement, je m’extrais de ma torpeur. Comme un automate, je retire le legging qui me colle à présent comme une seconde peau. Je laisse l’eau me laver de toutes mes pensées les plus noires. Je les visualise aspirées par la bonde à mes pieds. Si seulement cela pouvait être si simple.

Drapée dans ma serviette, j’avise une pile de vêtement propre sur le meuble du lavabo et souris. Il a vraiment pensé à tout.

Quand je me décide enfin à sortir de la salle d’eau, Liam se trouve sur le canapé.

— Tu devrais te reposer. Tu veux que je reste ?

Mon téléphone affiche 8h30. Il doit probablement se rendre au travail.

— Nan je te remercie, tu as fait bien plus qu’il ne fallait déjà.

Je pose mes lèvres sur sa joue. Trop proche de sa bouche pour que mon baiser soit innocent. Trop loin pour que ce baiser en soit un. Puis avec un dernier regard, je pars m’écrouler sur mon lit.

Je n’écoute même pas la porte claquer. L’épuisement m’emporte rapidement, du moins jusqu’au prochain cauchemar.

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