Réponse à "Par la fenêtre"

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Je me suis demandé qui serait le prochain sur sa feuille de mission… Le jeune doctorant espagnol maigrichon à lunettes affecté au labo ? L’ingénieur allemand qui semble à peine pubère en stage à la production ? Très probablement hétéros, eux, ils y prendront logiquement plus de plaisir que moi.

Après avoir raccompagné Varvara à la porte, un sentiment de vide m’a gagné. Je me suis préparé un thé noir, très fort et très sucré, et en m’interrogeant une énième fois sur l’habitude typiquement slave d’installer deux jeux de fenêtres juxtaposés, j’ai ouvert le premier pour poser une fesse sur la planche de bois. Mon regard s’est perdu sur la cour intérieure de l’immeuble avant de remonter la façade opposée et de s’arrêter sur une fenêtre ouverte.

Aujourd’hui, Mariusz… je viens seulement d’apprendre son prénom… Aujourd’hui, il semble avoir décidé d’abandonner temporairement ses feuilles ou canevas, crayons ou pinceaux et, comme moi, de s’accorder un moment pour regarder ailleurs, même si la vue est vite bloquée. Ce joli mec est furieusement doué, surtout malgré son... Pfff ! Pourquoi le mot me gêne-t-il tellement ? Pour lui, c’est une réalité physique avec laquelle il semble être à l’aise, même si…. J’ai légèrement remué en l’air les doigts de ma main libre, un signe discret que j’ai directement regretté, et auquel, forcément limité, il a répondu par un léger mouvement de la tête et un sourire un peu triste.

‘Bon, Varvara, c’est fait’ me suis-je dit ‘l’info va très vite circuler, et en réponse aux sous-entendus, je n’aurai qu’à hypocritement afficher un air qui se voudrait mutique mais juste assez expressif, et qui confirmera tacitement auprès de mes collègues qu’effectivement, je me suis tapé la bombasse de la compta…’. Après l’entretien avec le DRH, le rituel officieux de la boîte où j’effectue mon stage d’études impose une entrevue théoriquement plus discrète autant que plus physique avec la pétasse du département dont, au vu de sa production en 9-to-5, c’est la principale justification du salaire. Un secret de polichinelle, en fait… Le process douteux est évidemment motivé par l’homophobie assez généralisée en Pologne.

Effet collatéral, ça me met à l’abri des tentatives d’approche des autres employées qui la détestent, et par extension, tout ce qu’elle touche.

C’est-à-dire, principalement, l’entrejambe des nouveaux employés et stagiaires.

(…)

Ce qu’elle a d’ailleurs longuement fait, des doigts, de la langue et des lèvres, dans un anglais douteux ‘’I lauvv dicks of men young, and too, I lauvv French boys, speak French to me, iz… longue de l’amûûûr’’

J’avais pensé lui demander ce qu’elle connaissait à l’amour, puis lui signaler que je ne suis pas exactement Français, mais à quoi bon ? Son attention était clairement ailleurs… Incapable de me souvenir de la moindre rime apprise pendant mes études, je lui avais déclamé, comme les plus beaux poèmes, les paroles de quelques chants d’étudiant à connotation sexuelle, et ridiculement lubriques. Varvara avait grotesquement alterné un ronronnement avec des bruits saliveux…

Comme pour me rassurer sur ce point, et me rappeler qu’un moment de gêne est vite oublié, puis surtout qu’on trouve toujours moins honorable que soi, après quelques minutes à m’oublier dans son corps en 120 bpm, elle a avancé sur le matelas pour libérer ma ‘niezły kutas’ (*) avec un air d’ennui assez évident.

Elle avait babillé ‘garçons que parlent français, bien sexe’ avant d’ajouter, dans son anglais à peine meilleur, que c’était la langue de l’ancienne aristocratie, dont elle prétendait être issue… J’avais fugitivement pensé qu’en deux générations, sa lignée n’avait pas perdu que son statut social, mais surtout pas mal de décence et dignité. Elle s’était méprise sur le sourire que cette idée m’avait mis sur les lèvres, et m’avait expliqué que par une coïncidence amusante, l’immeuble était l’ancien hôtel de maître de sa famille qui, faute de moyens, avait renoncé à en récupérer la propriété à la chute du communisme. Et que par un second hasard, un lointain cousin y habitait également…

- Mariusz est un… artiste, a-t-elle ajouté, avec un ton de mépris amusé dans la voix.

Je pouvais enfin donner un prénom au garçon que j’avais déjà plusieurs fois croisé dans la rue, ou lorsqu’il s’installait avec son matériel dans le parc Bernarskiego, je l’avais vu réaliser des portraits d’une grande qualité, surtout compte tenu de son… handicap, voilà, je l’avais enfin exprimé !

- Il est né ainsi, un moignon de bras gauche, trois doigts à la main droite… Le monstre de la famille, et une honte, il est… pedał… homoseksualny. Des dégénérés lui font dans le dos ce qu’aucune femme ne lui donnera de face. Mais, sinon trois doigts doivent lui suffire pour… a-t-elle dit, avant de mimer une masturbation.

- C’est un peu cruel, mais peu importe, celà, il est doué, puis il n’est pas vraiment laid du tout.

- Beau visage, oui, peut-être beau sexe… a-t-elle ajouté grossièrement, ‘’mais s’il te propose de faire ton portrait nu, il ne le terminera qu’après avoir essayé de te sucer, méfie-toi’’.

C’était décidément la journée des expériences honteuses… Après l’émission de trop de fluides physiologiques, dont un que j’ignorerais consciencieusement désormais, après la faciale dégradante qu’elle avait exigée, me venait l’envie coupable de mettre ma première baffe à une femme.

J’ai glissé innocemment que son mari devait surement l’attendre, elle a soupiré en levant les yeux au plafond, grimacé, puis grommelé un truc incompréhensible, avant de rejoindre la porte.

(…)

Mariusz a allumé une cigarette, qu’il tient de sa main déformée, aussi élégamment que ses crayons ou ses pinceaux… L’artiste au regard triste et rêveur, dont la dignité impose autant le respect que son talent est l’un des plus beaux garçons que j’aie jamais croisés.

Je lui ai fait signe de patienter, j’ai posé ma tasse de thé et je lui ai demandé son numéro… Puis l’appli de traduction… Après quelques versions de la phrase, toujours plus simplifiée, jusqu’à être réduite à trois mots, j’ai répété quelques fois ‘’Zobaczyć swoje rysunki?’’… (**) ‘Euuuh, zobat-tchitch-sss sfo-ffo… Putain, j’y arriverai jamais ! Ou alors… Oui ! Un mot à la fois, avec plusieurs écoutes de la version audio, c’est jouable ! Au pire, il rira de moi, mais c’est pas cher payé, comme dit Papy ‘femme qui rit…’.

Sauf que là, maintenant, et même s’il ne se passera jamais rien entre nous… Et si oui, même si Mariusz ne pourra pas me serrer dans ses bras après que nous ayons fait l’amour…

Sauf que là, maintenant, j’ai peut-être envie de plus, ou d’autre chose.

Aujourd’hui, j’ai ouvert le second jeu de fenêtres.

(*) Niezły kutas – Beau sexe masculin

(**) Zobaczyć swoje rysunki ? – Voir tes dessins ?

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Commentaires & Discussions

Mariusz (gay, c'est dit, ne lisez pas)Chapitre24 messages | 2 ans

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