Chapitre 14

5 minutes de lecture

Je suis dans du coton. Ma poitrine est contractée d'un étau; tous mes sens sont engourdis. Je recule de quelques pas, faillant tomber par manque d'équilibre. Comme somnambule, je déambule dans les couloirs de la résidence jusqu'à ma chambre. J'y entre doucement, étrangère à mon propre corps. J'ai l'impression que mon âme est dissociée de mon enveloppe charnelle.

Je m'assois sur le bout de mon lit, les genoux repliés contre ma poitrine. Je sens mes mains trembler. Le contact glacial de mon téléphone est comme un choc électrique. Un frisson me parcourt. Des larmes coulent sur mes joues, mon corps tout entier est secoué. Mon monde vient d'éclater. Que vais-je faire si Drew aussi pense cela ? Mes doigts parcourent seuls mes contacts. Rapidement, j'arrive au nom de mon copain. L'écran change. Comme si quelqu'un d'autre écrivait pour moi, un message à Drew s'envoie. Notre rendez-vous est annulé.

Je m'allonge; quelques minutes peut-être, une demie-heure qui sait. Le plafond semble très intéressant désormais. Bip. Je garde mon regard fixé dans les airs. Bip. Il fait froid. Bip. Mes larmes sèchent et me laissent un goût salé sur les lèvres. Bip. Métallique aussi. Une douleur résonne dans ma lèvre inférieure. Bip.

Ma voix intérieur me hurle de faire taire mon téléphone. Je l'agrippe, prête à le jeter par la fenêtre. Drew m'a envoyé une dizaine de messages. Mon coeur veut exploser. J'en ai assez. Pourquoi personne ne veut me laisser tranquille !

J'ai l'impression de revivre l'humiliation du cours de Mme Petrovska, mais en pire...

De l'autre côté de la porte, la voix de Drew s'élève: "Tu crois que je devrais frapper ?"

Je ne parviens pas à saisir ce que son interlocuteur lui répond.

La tête enfouie dans mon oreiller, je lui crie: "Drew, je ne me sens pas bien, c'est tout. Vas-t'en! on se verra plus tard."

Il ne me répond pas, mais je l'entend parler à nouveau à la personne qui l'accompagne: "Il faut intervenir. Il est évident qu'elle ne va pas bien ! C'est la voix qu'elle a quand elle pleure !" Il semble réellement inquiet.

Cette fois, je saisis la réponse qu'il reçoit: "Drew, il ne faudrait pas empiéter sur sa bulle non plus... Elle a le droit de ne pas toujours être heureuse."

"Tu ne comprends pas Shawn ! Et si c'était grave !?"

C'est donc Sawn qui l'accompagne... Avec ces deux là, je n'ai aucune chance de m'en sortir sans confrontation.

«Foutez-moi la paix ! Dégagez !»

Je n'en peux plus d'entendre leur voix... Ils pourraient être en train de faire semblant, comme tous les autres...

«Je vais rester auprès d'elle, pars si tu veux Shawn.»

Un léger soupir se fait entendre, puis des pas qui s'éloignent et un frottement, le dos de Drew contre la porte. J'ai toujours les épaules secouées de larmes.

Comme un chuchotement, la douce voix de Drew s'élève lentement, tranquillement.

«I don't care about what you were before I came. Just come out with me tonight»

C'est notre chanson. Celle du premier duo que l'on a dansé ensemble. À l'époque, elle avait peu de sens pour nous, mais avec le temps, elle est devenue importante à nos yeux. Enfin, aux miens.

«I wanna dance with you. That's what I wanna do»

On s'est créé plusieurs souvenirs avec celle-ci... Dans des «partys» ou simplement dans nos écouteurs, partagés collés-serrés dans un bus trop étroit pendant le long trajet vers une compétition. Ma poitrine se sert et je me lève tranquillement pour aller moi-aussi m'asseoir contre la porte.

«I wanna dance with you. I wanna see your body move»

J'entends sa respiration. Elle est régulière, comme les battements de mon coeur le seraient s'il ne s'affolaient pas autant pour Drew.

«I wanna dance with you. That's all I wanna do»

Je murmure à mon tour...

«I wanna dance with you»

Chambranlante, je garde une main sur le cadre de porte et tourne la poignée. Drew, assit par terre, se relève aussitôt, passant une main dans ses cheveux en bataille. Il a l'air penaud avec son demi sourire incertain et ses yeux pleins d'inquiétude. Je me sens tout drôle à le voir si mignon. Ça m'est étrange... Cette année, en peu de temps, nous nous sommes rapprochés bien plus que lors du reste de nos études ensembles. Comme si une conenxion supplémentaire, différente s'était crée. Je me suis longtemps demandé ce qu'étais l'amour mais je crois que c'est ça.

-Jayd, si tu ne veux pas sortir ce soir, tu n'as qu'à me le dire...

-Tais-toi idiot.

Je l'agrippe par l'épaule et perds le contrôle. Nos lèvres se réunissent. Ma main glisse dans ses cheveux, je renverses la tête vers l'arrière. Telle une danse, nos mouvements sont parfaitement coordonnés, comme si nos corps avaient une volonté propre, savaient quoi faire par eux-même. Sa main empoigne mon dos, d'une forme de protection. Sa bouche dévore mon coup, mordille doucement mon oreille et tout d'un coup, il laisse un long baiser baveux sur ma joue. On éclate de rire et je le pousse sur le lit. Ses lèvres se posent sur mon front et, essoufflé, il chuchote:

-Je ne te laisserai pas, je te le jure. Au grand jamais. Je sais que nous sommes encore des enfants aux yeux de certains; mais je ne veux pas te perdre... et encore moins te faire de la peine ! Je préfèrerais m'arracher un bras que de te faire pleurer...

Son regard est si intense, lui qui d'habitude semble si impartial, me montre aujourd'hui un aspect que je lui connaissais pas. Je me sens fièvreuse et le délicat toucher de ses doigts essuyant mes larmes m'est glacial et pourtant, je ne voudrais jamais qu'il cesse de me toucher. Sa timidité a laissé place à une passion dévorante qui me surprend. Pourtant, plus je réfléchi, plus je remarque de petits gestes qui me démontre que ce côté de lui n'attendait que d'être dévoilé.

-Je t'aime tellement Drew... Je ne suis pas en colère contre toi, ne t'inquiète pas, mais , est-ce qu'on peut simplement sortir et éviter d'en parler ? Je dois réfléchir un peu et laisser mon coeur encaisser le coup... J'aimerais juste qu'on passe un bon moment, tranquille et simple, tous les deux, comme n'importe quel couple.

Il hoche la tête et m'attire dans une forte étreinte. Je me laisse aller contre lui et prends une profonde inspiration. Ça fait du bien d'être au calme.

-Tu sais ce que je veux pour nous Drew? Je veux que l'on vive longtemps, ensemble.... Je veux qu'on vive vieux et qu'on garde la flamme des premiers jours, je vex garder les papillons et la complicité qu'on a. Je te veux toi, je veux tout plein de moments fantastiques. Me réveilller tôt et te regarder dormir, te reveiller et te trainer dans des aventures toujours folles, je veux danser avec toi jusqu'au dernier instant, je veux vivre sous une bonne étoile avec toi.

Et je remercie ma bonne étoile, pour ce soir...

Annotations

Vous aimez lire meggiej.14 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0