Ode au pays

Une minute de lecture

Ma province.

Verte campagne paisible enroulée autour de clochers,

Pieds de vigne et pommiers.

Petites bourgades endormies, hérissées de champs

De blé, de colza et d’herbes folles.

Patelins à la lisière de forêts, où les arbres dans l’ombre s’animent

Et les birettes ricanent.

Communes traversées à vélo, liées par des chemins tranquilles

Aux courbes indolentes ; quelques raidillons nous cassaient les jambes

Et le souffle.

Je me souviens des gerridés qui patinaient sur les étangs de lentilles,

Des fermes séniles où jappaient de vieux chiens de chasse,

Des hommes aux visages labourés, aux dents Gitane Maïs,

Empestant le bon vin sous leurs bérets de laine.

De l’accent des anciens dont nous craignions l’héritage,

La lenteur de vivre, le fromage de chèvre, les grands cépages.

Au centre consenti de l’hexagone,

Une préfecture quelconque sise sur les vestiges de son histoire.

Sous la chaussée où cahotent les voitures, sous les pieds des quidams,

Les remparts enfouis d’une cité légendaire et barbare, la tombe

Des Rois du monde ;

Dans les veines des pécores du cru coule le mythe d’Ambigat et ses neveux,

Le legs du peuple celte des Bituriges, fiers guerriers et conquérants

Franchissant les Alpes pour fonder Milan.

Il fût un temps où ma cambrousse était gauloise et redoutée,

Capitale !

Enfant, loin des pavés, je battais la campagne de mon épée

En bois.

Je criais : « Carnutes, Lémovices, Arvernes, me voilà ! »

Tandis qu’en ville d’autres faisaient vrombir leurs mobylettes,

Sur les sentiers je cravachais les flancs de mon destrier crasseux.

Il me poussait la moustache, le plastron, je hélais mes ambactes,

J’étais le dernier Eduen, premier soldure autodidacte.

Alors que j’enfonçais un bâton dans les trous de vipère,

Je donnais corps aux chroniques contées par mon père.

L’histoire de mon pays ne s’arrête pas là mais les duchés,

Les niaiseries capétiennes, sont bien fades comparées

Aux aventures liviennes de mes héros, Bellovèse ! Ségovèse !

Depuis…

Une cathédrale a poussé, ainsi qu’un printemps,

Mais ni George Sand, ni Alain-Fournier ne surent saisir le temps

Des Rois du monde.

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