( Ventre contre dos (

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Épaule contre épaule.

Il pleut donc parapluies, manteaux, chapeaux, capuches mouillées. Donc flaques, goutte à goutte, sol glissant. Chaleur humaine et humide, hiver souterrain. Donc lunettes embuées, visages froids et reniflant, ping-pong de toux et de raclements de gorge. Flux et reflux mugissants ; l’invisible ennemi rebondit, s’invite, se partage sans discernement dans la jungle consentie.

Ventre contre dos.

Mitaines et Moustache sont assises et pianotent. Bonnet blanc lit debout, accroché à une branche, son livre de poche. Statue vénitienne surnage au-dessus du lot, menton fier et piton droit, inhalant depuis la cime un paysage assemblé : chocolat, café, caramel, vanille, citron, fraise… elle scrute cette marée de passage bariolée, tandis que dehors défilent tags et tuyaux.

Nez contre porte.

Prêts pour le signal. On se tasse, on s’agglutine, on se heurte. On se hume, de mauvaise humeur. Pour le mieux, un parfum, l’émanation d’un shampooing. Au pire, une bouche louche, une aisselle sans douche. Subsister, tituber quand la houle de la foule pousse, rejette et réprime. Glisser vers le fond, attendre son heure, son arrêt ; à l’affût de sa futaie, dans cette forêt féroce. Au signal sonore, ronflant, bramant, s’extirper — pardon, pardon — jusque sur le quai.

Pointe contre talon.

Chacun trace sa routine. Les itinéraires se croisent ; les uns filent et slaloment comme des automates, jouent des coudes et se maudissent ; les autres, perdus, hésitent et ondulent sous la tourmente. Lignes droites, virages serrés, escaliers mécaniques à fond de gauche. Autoroutes piétonnes. Le code est appris par l’usage, mais l’usager se rebelle, au cas par cas, accélère, fonce, se déporte et coupe, dévie ; raccourcis, raccourcis, l’important n’est pas le voyage, mais la destination.

Surface contre plongée.

De l’air, enfin ; mordant, pollué, mais vivant ! Ruée vers la rue, dernière marche jusqu’au terroir urbain. Façades trempées, nappes mordorées du couchant. Le ciel charrie la pluie, le métro ses clients qui se mêlent au grain, au trafic sur le pavé. Libéré des sentiers, le quidam se déploie, éclate sur le macadam, mains dans les poches. Astres et lustres enluminent la scène, les artistes du quotidien, qui se glissent en coulisse, en direction du lendemain.

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