L'info du jour

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Isis avança vers l’issue dérobée sans un regard en arrière. Khol protégeait ses arrières. S’il ne pouvait pas, c’est que rien ne pouvait empêcher l’attaque. Il y avait en tout vingt-cinq mètres à découvert entre elle et la relative sécurité du bâtiment, Khol et Flannagan les avaient comptés. Impossible d’éviter ce risque. De toute façon la sécurité, la vraie, ça n’existait pas. Seule la vérité dévoilée, affichée au grand jour sur les bâtiments géants de la Cité lui apporterait un peu de répit. Cela n’empêcherait pas les représailles de ceux qui ne craignaient rien et la vengeance de ceux qui perdraient tout, mais cela mettrait fin à la jeu de cache-cache. Pour gagner, Isis n’avait pas besoin de survivre, seulement de frapper leur adversaire au cœur.

Vingt mètres. Si un tireur veut l’arrêter, c’est le meilleur moment. S’ils sont là, s’ils ont compris, c’est game over. Il n’y a aucun moyen d’arrêter le genre de projectile qu’ils utilisent. Même un tank ne suffirait pas.

Quinze mètres. Son gilet lui indique un marquage, on la pointe avec une arme. C’est terminé. Ils ont attendu le dernier moment sans se dévoiler, sachant qu’il n’y avait que quatre moyens d’entrer dans le building, tous à l’air libre. Flannagan est mort pour rien, croyant qu’il leur avait fait gagner du temps, qu’ils les avaient leurrés. Son sourire satisfait de mourir en héros la poursuit depuis, mais elle ne le rejoindra qu’avec deux heures de décalage.

On a essayé. On a fait tout ce qu’on a pu.

Le tir ne fera aucun bruit, pas avec un drone si lointain qu’il en devient invisible. Le coup la touchera à la tête, c’est comme ça qu’ils procèdent. Elle n’aura pas mal. Son cerveau aura été réduit en charpie bien avant de comprendre ce qui arrive. En même temps que son visage. Isis tremble en imaginant sa mère incapable d’identifier son corps.

Dix mètres. Khol court. Il a compris et se rue vers elle, mais c’est trop tard. Il voulait prendre le risque à sa place, mais c’est elle qui sait, elle qui a vu, elle qui connaît les détails et peut témoigner face à une caméra. C’est elle la scientifique.

Un impact soudain dans le dos. Isis vacille mais continue d’avancer. Elle devrait courir car tout est perdu de toute façon. Plus la peine de se faire passer pour une simple employée allant au travail, de paraître discrète et inoffensive. Elle devrait s’arrêter, parce que de toute façon les drones ne font pas d’erreur. Elle est morte, plus morte qu’un irradié qui continue de marcher en sachant que rien ne le sauvera. Une morte-vivante, cette idée lui tire un sourire.

Cinq mètres. Nouvel impact et cette fois Isis trébuche et après quelques pas hasardeux. Sa tête est soudainement vide.

C’est comme ça, la mort ?

Ses jambes ne la portent plus, le sol se rapprochent. Elle ne fait rien pour empêcher son front de heurter le béton. Une secousse violente la stoppe et le grain sombre de la route défile sous ses yeux. La lumière disparaît. Soudain, elle a peur. Ce n’était pas censé se passer comme ça. Une douleur se répand depuis son épaule et son aisselle. On l’a tirée comme un sac, sans ménagement.

Une porte se referme vivement derrière elle, mais pas assez. Isis a vu. Les informations stockées mais non traitées reprennent leur place. Les coups dans son dos, sa survie, le cadavre de Khol lardé de trous.

Il m’a protégée.

Khol disait que rien n’arrêterait le tir, que rien ne pouvait empêcher un drone de viser correctement. Ni le blindage, ni le vent, ni les camouflages. Il avait menti.

— Vous allez bien ? demande quelqu’un dont elle ne voit pas le visage.

— Non.

— Vous êtes blessée ?

— Non.

Acceptant l’aide qui lui est offerte, Isis se relève et ses yeux parviennent à se détacher de celui qui l’a faite entrer de force. Son sauveur brutal.

Il est jeune, athlétique et plutôt beau garçon. Il semble réellement s’inquiéter pour elle, c’est à la fois touchant et pathétique, étant donné ce que ses complices et elle ont dû accomplir seuls pour arriver jusque-là.

— Merci, parvient-elle à articuler.

— Ce n’est rien.

— Si, vous êtes sorti. Il était convenu que personne ne nous aiderait jusqu’à ce que je sois à l’intérieur.

Un silence gênant se répand et Isis détecte la présence d’autres personnes dans le couloir.

Il est trop tôt pour se relâcher.

— Il vaudrait mieux que ce détail ne soit pas mentionné, demande l’inconnu. Je pourrais perdre ma place.

— Je ne dirai rien si vous ne dites rien. Je suis Isis Thomberg.

— Je sais, je suis John.

L’inconnu trouve une identité en même temps que le prénom trouve un visage. C’est John qui a organisé leur venue et leur a assuré que Keen Jaegger en personne la recevrait. Qu’il écouterait. Tout reste à faire, même si le plus dur est passé. C’est maintenant que tout va se jouer et que la valeur des vides perdues va se mesurer.

Dans le bâtiment, la sécurité est plus effrayante que rassurante. Les hommes et les femmes qui protègent l’endroit sont si lourdement armés qu’ils pourraient faire la guerre à la Cité si l’envie leur en prenait. Partout des caméras, des senseurs. Son gilet lui hurle constamment qu’elle est prise pour cible, si bien qu’Isis finit par l’éteindre. Khol serait en colère s’il la voyait faire, mais Khol est mort.

Les couloirs et les ascenseurs s’enchaînent. Ils descendent plutôt que de monter. Lorsqu’elle en fait la remarque, John explique :

— L’administration et les services moins sensibles occupent la tour. Monsieur Jaegger émet depuis les sous-sols.

— On raconte qu’il a plusieurs studios d’enregistrement identiques, au cas où on essayerait d’en piéger un.

— C’est véridique, mais ne comptez pas sur moi pour vous dire où ni combien, ricane John.

Une conversation normale, agréable. Un badinage qui donne la nausée à Isis. Elle a tout sacrifié pour arriver dans ces couloirs, pour rencontrer John, pour arriver jusqu’à Jaegger. Tout sauf sa vie, une vie qu’elle s’apprête à offrir.

Ça en vaut la peine. On l’a tous décidé.

John la pousse gentiment dans une salle fortement éclairée. Sa paume rencontre le gilet éteint, pousse la transpiration refroidie de la chemise d’Isis sur sa peau brûlante. Le contact est désagréable, le geste inapproprié. John est donc de ce genre-là. Isis n’a pas le temps d’être déçue.

Dans la pièce, un homme en complet croisé d’un autre temps les attend. Les rayures criardes du costume en gris sur noir font penser à un mafieux de film noir. La cravate bleu électrique est décalée, seul élément coloré sur une image en noir et blanc. Le visage blafard aux cernes grises la dévisage. Il ne sourit pas, Jaegger ne sourit jamais.

John ressort, congédiée d’un geste impatient. Jaegger se rapproche comme s’il voulait la saluer, puis paraît changer d’avis et s’assoit derrière un bureau de métal fixé au sol. Étrange personnage.

— Je suis Keen Jaegger, se présente-il inutilement.

— Je suis Isis Thomberg.

— Bien, allons directement aux faits.

C’est idiot. Pas un seul instant Isis n’a pensé qu’ils étaient filmés, alors qu’il y a plus de lumière ici que n’importe où ailleurs. Les caméras sont invisibles, de même que les techniciens. Ses yeux vont et viennent sur le décor neutre. C’est la teinte qu’on voit derrière tous les témoins de son émission. Ça a commencé.

L’exposition des faits. Jaegger veut des faits, des faits, rien que des faits. Romancés de préférence, avec beaucoup d’émotion. Isis raconte d’abord qui elle est, donne ses diplômes, ses références, son parcours, s’ôte toute chance de retourner un jour à l’anonymat. Ensuite ce qu’elle sait, les rapports de maladies infantiles, les relevés effectués en dehors du cadre des agences de santé, pour éviter la corruption. Pour éviter d’attirer l’attention. Elle raconte les chiffres effarants, la toxicité des sols et de l’eau. Une histoire classique, rien de nouveau. Jaegger paraît attentif et courroucé, comme il l’est toujours, mais quelque chose dans sa manière d’être semble dire : « c’est tout ? ». Non, ce n’est pas tout.

Isis raconte comment, pour comprendre une pollution en théorie impossible, elle a remonté la chaîne de recyclage et a trouvé d’autres personnes prêtes à l’aider. Elles les racontent eux, ceux qui n’ont plus rien à perdre parce qu’ils sont morts. Elle ajoute ce détail en dernier, comme on enfonce les clous un par un sur un cercueil. Il faut créer de l’émotion pour intéresser Jaegger. Isis en a le ventre noué. Elle instrumentalise leur mort. Ils voudraient qu’elle le fasse. Ils voudraient qu’elle fasse tout ce qui est nécessaire.

Isis raconte le voyage hors de la Cité, vers des étendues verdoyantes qui ne le sont plus vraiment et comment elle a compris qu’une guerre illégale était menée. Alors l’œil de Jaegger s’anime d’une lumière nouvelle. Il ne pose aucune question. Isis est le témoin parfait : ne pleure pas, ne bafouille pas, ne tient pas de propos incohérents, possède des preuves indiscutables.

Les chiffres tombent, mais Jaegger demande des faits, pas des mots.

— Des faits ! Des faits ! scande-t-il comme si c’était elle la criminelle.

C’est bien Isis qui est jugée. Elle le sait. D’ailleurs d’innombrables lois ont été bafouées pour obtenir les données, des signalements non faits, des preuves fournies illégalement par ses complices. Elle ira en prison. Elle s’y fera assassiner. C’est acquis, elle l’a accepté.

Alors elle sort sa carte maîtresse, une clé de cryptage. Un ordinateur est amené sur la table, la clé insérée, le mot de passé tapé. Le fichier se télécharge et Jaegger se fige. Isis imagine les techniciens et analystes derrière ces murs, affamés de vérité et d’audimat, en train de décortiquer ce qui sera le dernier travail de sa vie. De nombreuses vies.

Pendant ce temps, Jaegger lui propose d’écouter un enregistrement audio. Isis accepte. Il lui faut quelque chose pour occuper ses pensées, pour ne pas sombrer dans les larmes. Elle a tout donné, mais elle donnera plus si nécessaire. Il faut tenir. Les voix sont métalliques :

— Commande à Exécuteur, cible en mouvement.

— Ouvrez le feu.

— Drone activé. Ciblage.

L’audio s’interrompt. Jaegger sort un écran dont on ne sait où et le lui présente.

— Voici les images de votre arrivée, nous avons superposé l’audio capté exactement au même moment.

La vidéo se lance, sous plusieurs angles. Isis ne veut pas voir ça. Il ne faut pas.

— Seconde cible en mouvement rapide !

— La première cible est probablement un leurre.

— Seconde cible prioritaire.

— Feu.

— Cible deux touchée. Toujours en mouvement.

— Merde, le drone a loupé ?

— Les deux cibles se sont heurtées, la cible deux s’est servi de la cible un comme leurre.

— Abattez la cible deux !

— Feu. Feu.

— Cible abattue ?

— Affirmatif.

— Cible un en acquisition. Merde !

— On l’a tirée dedans.

— Tirez à travers le mur.

— C’est l’immeuble de KFN. Vous êtes sûrs ?

— Commande, demande de confirmation.

— Ordre annulé, retirez-vous Exécuteur. On passe au plan B.

Khol est là, le corps déchiré par les deux tirs. Son sang forme une flaque noire. Isis ne contrôle plus sa respiration. Salaud. Salaud de Jaegger. Elle n’a pas pleuré pendant son discours, mais il faut qu’elle pleure au moins une fois, pour l’émission. Il le faut, mais si Isis pleure, elle ne pourra plus s’arrêter. Tant de morts, tant de gens bien.

Les sanglots éclatent. Ce ne sont pas des larmes timides ou silencieuses, ce sont des gémissements ridicules, obscènes, indignes de ceux pour qui elle verse des larmes. Toute la tension accumulée est relâchée d’un coup.

— C’est difficile, je sais, finit par dire Jaegger.

Sa voix brise la monotonie de son agonie. Elle ressent de la colère pour cet homme, ce charognard qui se nourrit du malheur, mais elle a besoin de lui. Il fait partie du système, c’est l’évacuation de la vapeur lorsque trop d’horreurs ont été commises. Elle recommencerait tout pour seulement trois minutes de vidéo dans son émission. Elle se hait pour ça.

*

Il y a une pollution illégale, de la corruption, une épidémie, une guerre menée contre un peuple désarmé au beau milieu de la zone rouge par des mercenaires, des meurtres de citoyens qui s’enchaînent comme les perles d’un rosaire. C’est le sujet parfait.

Thomberg se reprend. Putain cette nana a du cran. Keen en fera une héroïne dans son sujet, une madone protectrice des orphelins — ce qu’elle est en plus ! — une espionne de la justice, une survivante. Les images continuent d’être enregistrées et elle est nickel-chrome dans son rôle. La façon dont elle essuie les coins de ses yeux la tête baissée avant de relever fièrement le menton, forte même dans la fragilité, c’est typiquement le genre d’image qui fera bander son public.

Keen lui tend la main. Il ne la serre qu’à ceux qu’il estime être des justes, ceux qui ont une vraie histoire, ceux qui peuvent faire grimper l’audimat. Thomberg sera parfaite lorsqu’il lancera cette bombe à merde, l’immaculée au milieu de la crasse.

— Merci Isis Thomberg, merci pour vos sacrifices et votre action héroïque.

— Je… non ce n’est pas moi. Ce sont les autres qui ont…

Putain, elle est réellement parfaite.

Keen sort de la salle d’interrogatoire avec une pêche d’enfer. C’est la meilleure journée de sa semaine et la meilleure heure de sa journée.

Je vais peut-être aller baiser la nouvelle assistante-chargée de crise pour fêter ça. C’est quoi son prénom déjà ?

Un chargé de contact le coupe dans son élan. Comment s’appelle-t-il déjà ? Ils s’appellent tous « John » pour ceux qui se tournent vers la chaîne dans l’espoir de dénoncer un scandale, mais retenir leur vrai nom est un calvaire.

— Monsieur Jaegger, j’ai du nouveau.

— Ton nouveau passera demain à l’antenne, petit.

— Demain, ce sera du réchauffé Monsieur. Nous avons l’exclusivité pour deux heures seulement.

— OK, déballe ton steak. Qu’est-ce que tu as pour moi ?

— Le député Brickston avec sa fille.

— De l’inceste ? C’est tout ?

— La relation aurait commencé lorsqu’elle avait huit ans.

— Et alors, c’est tellement merdiquement classique que ça risque de me rendre impuissant. Rien d’autre ?

— Euh… si, justement.

— Accouche, j’ai pas toute la journée.

— La fille est morte dans un accident l’année dernière, alors qu’elle était âgée de vingt-six ans.

— Putain je m’endors !

— Et on a des images d’elle à peine âgée de dix ans en train de se faire salement baiser par son père. Horodatée d’il y a trois semaines.

Keen s’arrête.

— Merde. Il l’a clonée ?

— Et apparemment maintenue à cet âge par manipulation génétique. Un témoin crédible m’a contacté pendant que vous étiez en train de débriefer Thomberg, il a le dossier de la clinique.

— Ton témoin peut être là quand ?

— Il est déjà en route.

— Putain quelle semaine.

*

Isis accepte la communication inconnue. De toute façon, elle n’est plus une cible prioritaire, alors peu importe si elle se dévoile sur le réseau. Elle est fatiguée de fuir.

— Isis ? Isis Thomberg ?

— Oui.

— Vous avez quitté le bâtiment ?

— On m’a dit que c’était bon.

— Non ! Il faut que vous reveniez, maintenant !

— Pourquoi, il y a un problème avec l’interview ? Justement, je m’apprêtais à regarder le sujet de ce soir…

— Où êtes-vous ? Je viens vous chercher.

— Quoi ? Sur la terrasse d’un café, en face du building BDI. C’est assez ironique, mais ils ont le meilleur écran de…

— Ne bougez pas, j’arrive !

La communication n’a pas coupé. Isis entend John courir, des voix sur son passage. Un bruit de véhicule. Pourquoi tant d’agitation ? Elle a déjà témoigné et le sujet passe dans quelques minutes. Jamais BDI n’aura assez de temps pour contrer un tel scandale.

Sur l’écran, Jaegger apparaît au générique de son émission. Il est comme en vrai : attentif et calme, mais en colère. Son œil perce votre âme jusqu’au tréfond. À cause de ça, personne n’accepte plus ses demandes d’interview depuis des années. À part les donneurs d’alerte qui n’ont plus rien à perdre.

Le sujet commence et la photo d’une jeune femme et d’une petite fille s’affichent, tandis que Jaegger demande à son public quel rapport il peut y avoir entre les deux. Il ne faut qu’un instant à Isis pour deviner : c’est la même personne à deux âges différents. D’autres photos faisant le lien apparaissent, confirmant sa supposition.

— Vous pensez qu’il s’agit de la même personne ? Faux.

Hein ?

Une torpeur l’envahit à mesure que le sujet avance. Pourquoi est-ce que ce n’est pas la même personne ? Pourquoi quelqu’un clonerait sa propre fille en la maintenant enfant pour toujours ? Pourquoi parle-t-on de ça et pas de… ?

Un hurlement de klaxon la tire de son engourdissement. John essaie de l’atteindre au plus vite, pourquoi ?

— Vous n’allez pas diffuser mon sujet, réalise-t-elle enfin.

— Restez où vous êtes, je suis là dans un instant.

— Alors, c’était ça le plan B ? Noyer l’info sous quelque chose de plus croustillant ? Je suppose qu’ils ont une liste de secours pour ce genre de cas.

Isis rallume son gilet. Sans surprise, il lui apprend qu’elle est ciblée.

Un fou rire monte de son estomac, mais lorsqu’il éclate dans sa gorge, ce ne sont pas des larmes de joie qui jaillissent. Elle est trop fatiguée pour fuir, trop lessivée pour essayer de survivre encore.

— Tout ça pour ça…

— Isis ? Isis !

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