Chapitre 41 En cavale

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Alors que je repensais à notre interpellation, je fus pris d’une sensation étrange, mêlée de froid et d’angoisse. Mes yeux brillèrent soudainement, sans que je ne puisse les contrôler. Je m’exclamais :

« Il… Il y en a un qui nous suit !

Surpris, Maximilien ralentit avant de tourner la tête vers moi.

-Quoi, vous êtes sûr ? Un soldat ?

-Non, l’un des nôtres… Répondis-je.

Isabelle remarqua alors plusieurs véhicules suspects qui nous suivaient. Elle sortit alors ses crocs et ordonna d’une voix forte :

-Arrêtez ce véhicule !

-Je vous en prie calmez-vous ! Supplia Maximilien.

-Il a raison, assurai-je. C’est surement un piège.

Je trouvais moi-même étrange que les soldats rencontrés précédemment nous laissent partir aussi facilement.

-Alors voila ce qu’on va faire, dit Maximilien, je vais vous déposer aux halles. De là, arrangez-vous pour passer sur l’autre rive. Un ami vous y attendra et vous mettra en lieu sûr. Moi et les miens, nous travaillons déjà sur un plan pour vous faire quitter Paris. De mon côté, je vais les balader un peu.

-Merci pour tout ce que vous faites.

-Bonne chance à vous mes amis ! »

Nous prîmes congé de Maximilien qui s’éloignât avec son van. Les halles étaient suffisamment bondées pour nous dissimuler parmi la foule. Durant un instant, nous pûmes nous sentir en sécurité. Nos habits, en revanche, faisaient sensation auprès des gens. Tantôt des sourires, tantôt des regards détournés, nous faisions abstraction de la foule pour nous frayer un chemin jusqu’au Pont Neuf. Mais pour un provincial, c’était chose plus facile à dire qu’à faire. Il faut dire que cet espace était immense. De son côté, Isabelle était plus familière avec le Paris du XIXème siècle. Or à cette époque, avant d’être un centre commercial ainsi qu’un jardin, cette place était avant tout un marché.

« Par là !

Elle me prit violemment par le bras et m’emporta à travers un réseau de rues couvertes.

-Doucement, m’exclamais-je, sais-tu seulement où tu vas !

-Ce n’est pas ce qui compte, répondit-elle, il faut changer notre odeur ! »

Nous traversâmes la galerie des parfumeurs et subtilisâmes au passage quelques échantillons. Je commençais alors tout juste à comprendre le plan d’Isabelle. Elle souhaitait tendre une embuscade au buveur de sang qui nous suivait.

Après nous être partiellement couvert d’eau de toilette, Isabelle me fit signe de rester à l’affut et de ne pas bouger. J’obéis patiemment, mais il va sans dire que j’étais inquiet de ce qui pourrait arriver. Je savais Isabelle forte, mais j’étais également conscient de son tempérament impétueux. Une nouvelle sensation d’angoisse mêlée à des frissons vint alors m’envahir le corps. Je balayais mon regard à travers la foule et je pus enfin voir son aura se déplacer lentement vers nous.

Cachée derrière une arcade, Isabelle restait aussi immobile qu’une statue et ne semblait pas émettre la moindre chaleur corporelle. Mon don de détection ne m’avait donc pas trompé. Nous vîmes alors un homme maigre, livide, aux yeux écarlates, renifler dans l’air ce qui semblait être notre piste. Contrairement à ce que nous pensions, il ne s’agissait pas du bibliothécaire. Pourtant j’étais persuadé de l’avoir déjà vu quelque part. Craignant qu’il entende les battements de mon cœur, je pris la résolution d’imiter Isabelle en menant mon corps aux abords de la mort.

Bien que ma nouvelle nature me dispensait de sommeil, je n’en étais pas pour autant devenu insomniaque. Tout comme Isa avant moi, dormir m’était facultatif et ne me servait qu’à accélérer la régénération de mon corps. Mais il fallait veiller à ne pas s’endormir n’importe où, au risque d’être pris pour mort et enterré le lendemain.

Je fis alors un rêve furtif dans lequel je revis Isa à la BNF, suite à son combat contre le bibliothécaire. Je revoyais la scène comme un spectateur, lorsque les équipes d’intervention de la Police tombèrent nez à nez avec la reine vampire. J’entendis distinctement :

« Elle c’en est une ! »

C’est alors que je le reconnu, c’était donc lui qui avait dénoncé Isa aux autorités. Cet homme à la tête des forces de l’ordre était donc l’un des nôtres. Cette dernière pensée mit fin à mon rêve et j’émergeais brusquement vers la réalité. Isabelle me mit une claque pour s’assurer que j’avais récupéré tous mes esprits.

« Alexandre, tu peux arrêter de faire le mort, il est parti.

-Isabelle, ce vampire c’était…

-Oui, je l’ai reconnu aussi,… Viens il ne faut pas trainer ici, il doit s’agir d’un sans clan. »

La ruse d’Isabelle avait fonctionné, et fort heureusement, elle s’était retenue d’engager le combat au milieu de la population. Nous venions d’échapper à notre poursuivant, mais il semble que celui-ci n’ait pas dit son dernier mot. Isabelle leva la tête puis tendit l’oreille :

« Tu entends ?

-Quoi donc ?

-Un bruit étrange, là haut, quelque chose que je n’avais encore jamais entendu…

Je me concentrais pour amplifier les sons qui parvenaient jusqu’à moi, malgré le tumulte qui régnait dans les halles. Mon attention se focalisa sur un léger bourdonnement provenant de l’extérieur, à travers le plafond de verre.

-Un drone ! M’exclamai-je.

-Qu’est ce donc ? Demanda Isabelle.

-Ça sert à la surveillance depuis le ciel. Il va capter nos signatures thermiques, je t’expliquerai ! »

À mon tour, je pris Isabelle par le bras, qui se laissa faire docilement. Elle semblait satisfaite de me voir enfin prendre les choses en main. Je l’entrainais vers les souterrains, là où en principe personne ne va.

Au fur et à mesure que la lumière baissait, ma vision devenait de plus en plus contrastée. Désormais, l’obscurité n’était plus un problème pour moi. Au contraire, je la trouvais même reposante, réconfortante. Au dessus de nous, j’entendais des sirènes de Police encercler le forum.

Maximilien disait vrai, Paris avait été construit sur une ancienne mine de calcaire. Sous la surface s’étendait un vaste réseau souterrain comprenant métro, abri anti bombardement, et égouts.

« Plus au sud, on devrait atteindre les catacombes, on sera alors arrivé sur l’autre rive. »

Nous entendîmes, au plus profond des galeries, le vacarme des roues sur les rails.

« C’est la ligne 4, suivons la, elle nous fera passer sous la Seine.

-Alex attend !

Je me retournais alors vers Isabelle. Je fus alors surpris de voir comme une once d’inquiétude sur son visage.

-Qu’y a-t-il ?

Sa posture timide me rappela alors celle d’Isa lorsqu’elle me demanda :

-Est-ce que… Est-ce qu’il y a des chauves-souris dans les catacombes ?

Je marquai un temps d’hésitation avant de répondre :

-Non…

-Menteur !

Elle fit une légère moue. Je pris alors sa main dans la mienne.

-N’oublie pas que je reste ton gardien, c’est à mon tour de te protéger. Quoi qu’il y ait à l’intérieur des tunnels, ne lâche pas ma main et tout ira bien.

-Soit, mais ne te méprends pas, je ne suis pas Isa. »

Elle resserra ses doigts autour de ma main avant de rajouter :

« … Et sache que si tu m’as menti, je te la broierais !

Au contact de sa peau, mes yeux d’or brillèrent dans le noir. Tout en lui souriant, je lui répondis :

-Je ne suis pas Charles. »

Nous nous enfonçâmes alors dans le ventre de Paris, pour disparaitre comme aspirés dans les limbes.

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