09 - Marqué ennemi

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18e jour de la saison du soleil 2448

On souffla dans un cor de guerre. Le son puissant et clair résonna à des lieux de son origine: les portes mères. Puis, un deuxième cor de guerre sonna à son tour, celui-ci plus mélodieux et plus ancien, rappelant un loup.

- Qu'est-ce que ces sons? demanda Tyrath avec méfiance.

Il claqua les mâchoires et piqua vers le sol, Buhrik suivant ses arrières.

- C'est le cor du Haut-Roi et celui de Dètmor, répondit Azéna. Le combat est terminé. Le jugement du Haut-Roi sera rendu et Dètmor sera punit en conséquence.

- Et pour qui se prend-t-il, ce Haut-Roi? commenta Tyrath qui arqua un sourcil.

- Clairement, tu n'es pas connaissant dans la politique des humanoïdes, dit Buhrik sur un ton neutre. En gros, c'est...

- C'est le roi des rois, coupa Azéna.

Elle baissa les yeux. Son humeur changea radicalement.

- L'autorité des autorités. Le Haut-Roi est en charge de garder l'ordre entre les royaumes. Par contre, certains royaumes n'aiment pas être gouvernés par un fantôme qui se pointe le bout du nez environs à chaque année et qui pense que le monde entier lui doit tout. La plupart des Haut-Rois commencent leur ascension sur une bonne voie, mais la plupart deviennent gâté et avides du pouvoir. Parfois, ça dégénère. Je ne sais pas si celui-ci est bon ou mauvais, mais il est jeune et possiblement naïf.

Tyrath atterrit sur le toit d'une maison neuve à proximité des portes mères. Malgré la solidité de la maison, le poids des deux dragons la fit trembler légèrement à leur atterrissage.

- Quel système ridicule, grogna Tyrath. C'est un désastre qui ne demande que d'arriver.

- C'est difficile pour nous dragons de comprendre, dit Buhrik en se frottant la barbichette blanche de sa main griffue.

Il afficha un petit sourire sincère et continua avec amusement:

- Fait preuve de curiosité et d'ouverture d'esprit ainsi, tu auras plus de chances d'en saisir la signification.

- Je suppose. Je dois avouer que ça m'énerve de devoir accepter que tu es coincé dans ce chahut insensé, continua-t-il en s'adressant à Azéna. Ça restreint tes choix et ta liberté et ce n'est pas favorable à ta survie.

Azéna faillit pouffer de rire à ce commentaire, mais le cor de guerre du Haut-Roi fut soufflé une seconde fois et une vague d'inquiétude alterna ses émotions.

Les compagnons fixèrent leur regard vers le sud. Devant les portes mères se trouvaient trois groupes qui se faisaient face. Le nouveau ne portait aucune bannière, mais la somptueuse parure de son chef le définissait amplement. Le Haut-Roi n'avait donc pas d'emblème qui le représente? Décidément sa grosse cape dorée et son armure scintillante en étaient assez pour qu'on devine son identité. Il tira légèrement les rênes de sa monture: un destrier costaud à la robe crème. Le cheval avança avec élégance alors que son cavalier examina Bayrne puis, Maroth. Bayrne s'inclina avec respect tandis que Maroth resta impassable. Finalement, le Haut-Roi s'arrêta entre les deux et fit signe à Bayrne de se relever.

- Vous jouez à la trahison, Roi Rouge.

Maroth sourit.

- Je fais ce que je dois pour mon royaume, Haut-Roi. Les temps sont difficiles et les alliances malaisées.

Sa voix était calme, mais Azéna perçut un soupçon de malice. Les trois hommes continuèrent de discuter. Azéna tendit l'oreille, mais une voix enterra leurs paroles.

- Qu'est-ce qu'ils disent? demanda Fayne. Peux-tu entendre?

- Oui, répondit Azéna avec rogne. Mais, j'ai besoin de silence, s'il te plait. Mon ouïe est fine, mais ne pousse pas ta chance.

Fayne obéit et baissa les yeux.

- Merci, dit Azéna.

Elle remit sa concentration sur les trois souverains. Bayrne pointait Maroth du doigt et hurlait, la furie dans le sang.

- Maroth est un sale menteur. C'est un traître. Il a juré de marié ma fille à son héritier le prince Zamir afin d'unir nos royaumes pour bâtir une sécurité dans les temps de guerre à venir.

- Niez-vous cela? questionna le Haut-Roi à Maroth.

- Non Haut-Roi, répondit Maroth. Mais, nous avons dut attaquer parce que mes agents me confirment que Daigorn est en contact avec les rebelles. Je ne pouvais pas laisser un tel acte passé sans jugement.

- Quoi? rugit Bayrne, complètement outré. Comment oses-tu? Daigorn est le royaume le plus paisible et le plus fidèle qui soit. Nous avons prouvé notre valeur maintes fois. Qu'est-ce que le loup rouge a fait à part du trouble? Tu as le culot-

Le Haut-Roi leva une main et le Bayrne cessa d'hurler.

- Du calme, Seigneur Kindirah.

Il se tourna vers Maroth et fronça les sourcils.

- J'ai mes sources moi aussi, Roi Rouge.

La peur envahit soudainement le visage de Maroth. Le Haut-Roi ne s'en préoccupa nullement et continua.

- Vous avez planifié tout le coup.

Maroth écarquilla les yeux puis, se rétablit.

- Vous nous observer comme si nous sommes des bêtes. Vous avez des espions parmi vos fidèles vassaux.

- Je suis votre Haut-Roi. Je tiens à ce que vous viviez en harmonie.

Maroth sourit, un sourire malsain.

- C'est ce que vous nous faites croire, vous les tout-puissants et sages Grands-Rois.

Sa voix résonna de sarcasme. Il fit une révérence.

- Avec votre permission, je retournerai à Dètmor.

- Attendez, Roi Suranz.

Maroth se releva et s'efforça de regarder le Haut-Roi dans les yeux.

- Oui, Haut-Roi ? siffle-t-il tel un serpent devant ce qu'il jugeait être une racaille.

- Vos actions sont immondes, Roi Rouge. Quelle lâcheté que d'attaquer un allié dans son dos après avoir promis la main de votre fils à sa fille ainée. Pour votre trahison envers Daigorn, je vous bannis de ma protection et vous marque ennemi de la Grande Couronne.

Il fit une pause, observant la réaction de choque de Maroth.

- Restez tranquille et votre royaume sera laisser en paix. Défiez-nous et vous recevrez notre furie. Ceci est votre unique chance.

Le visage de Maroth se déforma sous la rage et la défaite.

- Ainsi soit-il.

Il fit signe à ses bannerets de quitter la place.

- Kiatrane, viens.

La princesse qui avait observé le tout du haut d'une caravane abandonnée et qui avait été renversée sur le côté durant le conflit suivit son père. En passant à côté du Haut-Roi, elle lui lança un regard noir puis, leva la tête haute et disparut dans les troupes de Dètmor, son phénix domestique la suivant doucement.

Azéna sauta du dos de Tyrath et fit son chemin vers le sol, glissant du côté de la maison avec acrobatie et grâce.

- Restez-là, dit-elle à ses compagnons.

Azéna, attention, avertit Fayne. Tu vas glisser et te blesser.

- Laisse-la, conseilla Buhrik. Elle est capable de descendre d'un toit. D'après ce que j'ai vu, elle est très athlétique.

Azéna courut à son père adoptif. Bayrne l'accueillit avec un sourire chaleureux. Il paraissait épuisé. Les cernes sous ses yeux étaient creux et du sang à demi-sèche lui décorait la joue droite.

- Je suis heureux que tu es saine et sauve.

Les soldats de Nothar ne relaxèrent que lorsque l'armée de Dètmor fut hors de vue. Ils procédèrent à ramasser les corps.

- Où allons-nous les mettre, monseigneur? demanda Kardun à son suzerain.

Bayrne sembla perturbé pendant un instant. Finalement, il tourna le regard vers le capitaine de la garde.

- Ramenez tous les corps au cimetière. Nous allons les enterrer et procéder à leurs funérailles par la suite.

- C'est beaucoup de travail et de temps, monseigneur. Nous devrions nous concentrer à assurer la sécurité des survivants jusqu'à ce que l'ennemi soit partit.

Bayrne le fusilla du regard.

- Ce sont des soldats, pas des filous. Ils méritent d'être honorés pour leur service. La moitié de tes troupes surveilleront les troupes du Roi Rouge tandis que l'autre moitié s'occupera des morts.

Kardun hocha de la tête, ses joues rougissants honteusement.

- Je ne voulais pas... B-Bien, monseigneur.

Il se mit à donner des ordres aux soldats.

- Vous êtes un seigneur juste, complimenta le Haut-Roi d'un sourire.

Il se tourna vers Azéna et l'observa.

- Et, qui êtes-vous, jeune femme?

Avant qu'Azéna ne puisse lui répondre, Bayrne prit la parole:

- Voici ma fille, Dame Azéna, troisième enfant et deuxième fille.

Le regard du Haut-Roi s'illumina.

- Une beauté exceptionnelle.

Il se rendit compte que le compliment était un peu mal placé et se reprit:

- Mes excuses, ma Dame. J'aime la sincérité et parfois, c'est un peu trop direct. Vous êtes l'une des apprentis dragonniers des académies, termina-t-il en remarquant Tyrath du haut de son perchoir qui l'observait lui aussi.

Azéna hésita, nerveuse.

- Exacte, humm, Haut-Roi.

Elle fit une pause, hésitant de lui poser sa prochaine question:

- Est-ce que les rumeurs de la guerre qui se prépare sont vraies?

- Azéna, beugla Bayrne avec sévérité. Ta langue!

- Ça va, répondit le Haut-Roi. Elle a le droit de savoir. Elle fait partie de ma plus puissante armée, après tout.

- La vôtre? questionna Azéna en haussant un sourcil. Mais, je croyais que les Grand Maîtres étaient en tête des dragonniers.

- Tu as raison dans un sens. Je gouverne les académies sans trop d'interférence. Je crois que les Grand Maîtres sont mieux placés que moi pour ce qui est meilleur pour leurs troupes.

Azéna se surprit à apprécier ce roi.

- Pour en revenir aux rumeurs, continua le Haut-Roi, c'est bien vrai malheureusement. Le Sang du Dragon est très actif et maintenant la trahison de Dètmor. J'ai bien peur que l'entrainement des dragonniers doive être accéléré et plus stricte.

Inconfortable avec cette nouvelle puisqu'elle trouvait déjà que son apprentissage était rigoureux, Azéna hocha de la tête.

- C'est compréhensible.

- Tu as déjà vécu une guerre? demanda le Haut-Roi.

- Je dois avouer que non, Votre Majesté.

- Je vais espérer pour toi qu'elle n'atteigne pas l'académie et qu'elle soit terminée avant ta graduation.

Il sourit puis, son visage s'assombrit.

- Bayrne, tu peux annoncer la guerre à ton peuple et je veux que tous les dragonniers de Nothar soient envoyés à l'académie dès demain matin. Leur escorte est avec moi. Ce sont deux valeureux dragonniers. Ils seront à la porte mère à l'aube.

- Votre Majesté, je vous prie de reconsidérer, dit Bayrne avec une trace d'inquiétude dans sa voix.

- Seigneur Kindirah, n'oubliez pas que les dragonniers sont sous mes ordres et non le vôtre, dit-il, sa voix maintenant froide comme de la glace. Ne laissez pas les émotions prendre le dessus.

Le destrier du Haut-Roi détala vers les portes où il s'arrêta devant deux guerriers, un grand et mince à l'allure fière et son compagnon, petit et dodu. La curiosité amena Azéna à le suivre du regard.

- Tu dois aller te préparer, dit Bayrne. Allons, rentrez tous les deux, toi et Fayne.

Azéna remarqua enfin Fayne à ses côtés.

- Depuis quand ?

- Depuis quelques secondes, répondit Fayne. Ne t'en fait pas.

- Attends, dit-elle en se tournant vers son père adoptif. Il y a un guerrier... le cousin de Fayne.

Elle attendit qu'il l'ait regardé dans les yeux avant de continuer.

- Duranh est son prénom. Il est très brave et loyal. Il nous a aidés.

- Et que demandes-tu de moi? demanda Bayrne.

- Tout simplement qu'il soit récompensé.

- J'y verrai, décida Bayrne en hochant de la tête. Maintenant, va au château. Je vais aller trouver ta sœur. Seules les divinités savent combien de soldats elle a décapité.

Azéna pouffa de rire sachant qu'Argent avait bien dût s'amuser à se débarrasser de ces traîtres.

- Ce n'est pas un jeu Azéna, grogna Bayrne qui ne trouvait évidemment pas la situation drôle. Retourne au château.

La dragonnière grise se mit en route mais, pas en direction qu'elle était supposée prendre. Elle grimpa le toit. Une fois au sommet, elle jeta un coup d'œil en bas. Fayne y était restée.

- Tu ne viens pas?

- Non, répondit Fayne. Ça va aller. Je vais retourner chez moi. Je suis trop inquiète pour mes parents et ma famille.

Elle fit signe à Buhrik et les deux compagnons partirent. Azéna s'assit à côté de Tyrath et suspendit ses jambes dans le vide.

- Nous retournons à l'académie demain matin.

Tyrath renifla avec irritation.

- Le Haut-Roi a donné l'ordre, eh? C'est parfait. J'en n'ai assez de cet endroit pour être honnête.

Il s'étendit et reposa sa tête sur sa patte avant. Sa queue dépassait de l'autre côté du toit et fouetta le vide.

- M'ouais, dit Azéna. Il faudrait que tu repartes avant que les roturiers ne lancent une chasse aux dragons encore.

- Entendu, répliqua-t-il en levant.

- Mais, avant... Je dois te parler.

Tyrath se détendit et se tourna vers sa partenaire.

- Oh ?

- Le dragon noir..., continua-t-elle en hésitant. Est-ce qu'il t'était familier?

- Je ne sais pas. Tout ce que je sentais était l'odeur nauséabonde que tous les dragons noirs dégagent. C'est difficile discerné leur odeur corporelle avec ce nuage de vomis autour d'eux.

- Tu n'as pas observé son physique?

- Pas vraiment. L'odeur corporelle est bien plus précise pour la détection de l'identité. Pourquoi ?

- Juste par curiosité, dit-elle après un long soupir. Je ne pense pas que le dragonnier noir va nous causer d'autres problèmes.

- Comment peux-tu en être certaine?

- C'est dans la manière qu'il m'a remercié, qu'il bougeait. Je le ressentais sincère et appréciatif. C'était dans son langage corporel.

- Possible, marmonna le drake.

- De toute façon, nous avons la guerre au cul. Les rebelles, le Sang du Dragon et maintenant, Dètmor. C'est inévitable qu'un combat va éclater à un moment donné. Nous devons nous préparer. Le meilleur plan est de retourner à l'académie.

- Oui, ronronna Tyrath. Retournons à la maison.

Azéna sonda Nothar. La grande citadelle blanche et violette, normalement brillante et polis à la perfection, était endommagée et poussiéreuse. De la fumée montait des tours et de quelques maisons. Malgré le départ des loups, ce n'était pas terminé. Les filous en profitaient pour piller dans le chaos. Les gardes continuaient de se faire massacrer en tentant de rétablir l'ordre.

✦×✦

Bayrne, Sérus et Argent ne rentrèrent qu'à l'aube, tous les deux épuisés mais debout grâce à l'adrénaline du combat dans le sang. Ils avaient le capitaine de la garde Kardun en leur compagnie. Rétablir l'ordre avait coutés des vies précieuses, mais ils avaient pu enfermer plusieurs criminels recherchés.

Azéna écouta leur discussion cachée du haut des escaliers.

- Nous avons failli y passer, dit Kardun. Une chance que le Haut-Roi es de notre côté. Nous commençons à avoir trop d'ennemis.

- Qu'est-ce que tu vas faire à propos des criminels capturés? demanda Argent.

- Nous avons trop de menaces sur nous, répliqua Bayrne après une pause de réflexion. Nous devons éliminer celle de l'intérieur si nous voulons nous préparer à celles de l'extérieur.

- Alors, ce sera l'exécution, monseigneur? demanda Kardun.

Un silence inconfortable s'installa. Un moment passa et une personne se leva. Azéna se cacha derrière une statue et attendit. Argent passa devant elle en rage et continua jusqu'à sa chambre. Azéna sortie lentement de sa cachette et tendit l'oreille.

- Elle est forte, mais aussi sensible, expliqua Bayrne.

- C'était une nuit pénible, dit Kardun.

- Une journée pénible aussi. La visite d'un roi n'est pas mon évènement préféré. Ils sont demandant et coutent chères. De toute façon, Sérus, tu pars demain aussi. Nous devons avertir nos bannerets que Dètmor est maintenant un ennemi.

- Nous avons besoin d'aide militaire, dit Sérus sur un ton sombre.

- Azéna peut retourner à l'académie, décida Bayrne. Elle ne mariera pas Prince Zamir.

Un sentiment de soulagement envahit l'adolescente à la chevelure argentée.

- Ce n'est pas le Haut-Roi qui nous procurera de l'aide. Il était ici parce qu'il voulait ses dragonniers à la maison, pas pour nous aider. Par contre, j'ai d'autres plans pour Argent. Si tout se passe bien, nous devrions obtenir de l'aide militaire.

Une vague nauséeuse fit tourner l'estomac d'Azéna. Incapable de contenir sa répulsion face à la décision de son père, elle frappa le mur et retourna à sa chambre sans faire attention à la lourdeur de ses pas.

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