Chapitre 14 (partie 3)

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Manuel et Éric sont accoudés au bar, un verre devant eux. Une petite pause au calme après l'esclandre de Thomas est bienvenue. Le premier raconte la scène avec le copain de Fred.

- J’y crois pas, « Tâter du vrai mec », mais quelle mentalité arriérée ! s’offusque Éric.

- Tu vas me dire « Bienvenue à la campagne », c’est ça ?

- Oh, non, ça n’a rien à voir. Contrairement au vin, la connerie n’a pas de terroir. Mais il y a quand même de sacrés spécimens à cette soirée.

- Je trouve les autres potes de Fred sympas, moi.

- Je parle de la Juliette. Elle est gonflée de te faire des avances alors que je suis à quelques mètres !

- Elle voulait tester notre réaction je pense, voir s’il y avait du possible… Elle est cash, ça me plaît bien…

- Elle te plaît ?

Manuel réfléchit un instant tout en sirotant sa bière. Doit-il répondre franchement ou attendre que son compagnon soit plus détendu pour lui dire qu’il n’a pas trouvé désagréables les caresses de Juliette ? Il décide de contourner la difficulté.

- Elle m’amuse. J’ai envie de m’amuser ce soir. Pas toi ?

- Si, si… répond Éric, réfléchissant en même temps, lui aussi. Comment il a dit Nathan déjà ? Se lâcher avant de s’embourgeoiser ? Tu crois qu’on s’est embourgeoisés nous deux ?

- Bah, on n’est pas encore mariés.

- C’est tout comme.

- Exact. C’est quoi alors s’embourgeoiser, selon toi ?

- Avoir une relation « pépère » : c’était l’expression de Nicolas au sujet de lui et Pauline. Etre installé dans une routine, un confort où l’on finit par ne plus voir les désirs de l’autre…

- Hum, sans doute… mais tu m’as pas l’air encore aveugle, toi, répond Manuel qui a parfaitement saisi l’allusion. Il donne un baiser à son amoureux. On y retourne ?

Les deux hommes regagnent la piste de danse en se donnant la main. Ils aperçoivent Fred qui leur fait coucou, Adèle se trouve un peu plus loin et paraît euphorique. Les garçons restent de leur côté, savourant leur tête à tête. La musique à ce moment est un morceau qu’ils adorent et bientôt leurs corps bougent à l’unisson. Les pulsations de la sono résonnent dans leurs tempes et rythment leurs pas, leurs mouvements de bras et d’épaules. Ils se font face et forment une bulle autour d’eux, les isolant du reste du monde pour ne profiter que de l’instant, en osmose avec les vibrations électro.

Les morceaux s’enchaînent et le couple ne faiblit pas, transporté par l’endorphine que secrètent leurs corps échauffés. Ils retrouvent des sensations qui les ramènent quelques années plus tôt, au moment de leur rencontre et des fêtes à n’en plus finir. C’est bon de ressentir cette vigueur et cette harmonie physique, de remonter le temps l’espace d’une soirée !

Ils ne reviennent à la réalité que lorsque Fred vient tapoter l’épaule d’Éric.

- Les gars, je vais ramener Thomas. Il veut absolument rentrer chez lui mais n’est pas en état de conduire. Ce n’est pas très loin.

- Tu y vas seul ?

- Hugo m’accompagne, Adèle ne veut pas venir, elle me fait la gueule… Je compte sur vous, à toute.

Éric n’a pas le temps de réagir que l’autre a déjà disparu. Qu’est-ce qu’il veut dire par « Je compte sur vous. » ? Il cherche des yeux sa sœur. Il l'aperçoit entourée de deux ou trois garçons apparemment séduits par la jolie brunette, vu leurs efforts pour danser au plus près d’elle. Profite, soeurette ! se dit Éric en constatant qu’Adèle a toujours un sourire radieux.

- Je vais me passer de l’eau sur le visage, annonce alors Manuel.

- Bonne idée, moi aussi.

Sur le chemin des toilettes pour se rafraîchir, ils croisent Juliette qui vient de se re-pomponner. En deux pas de gazelle, elle est près d’eux.

- Hey ! Vous m’avez manqué mes chéris… mais je n’osais pas déranger votre troublant tête à tête.

Elle a visiblement pris le temps de les observer pendant qu’ils dansaient.

- Tu ne t’es pas trouvé de chevalier servant ? lui demande Éric.

- Rien qui ne vaille la peine, rien qui ne puisse vous effacer de mon esprit.

Ce disant, Juliette attrape les garçons par le devant de la chemise et les attire contre elle. L’endroit où ils se trouvent les met à l’abri des regards et la jeune femme en profite pour oser un rapprochement plus sensuel. À travers l’étoffe, elle promène sa main gauche sur le torse d’Éric tandis que celle de droite glisse dans le cou de Manuel. Ce dernier n’est pas long à répondre à la sollicitation et penchant la tête, vient embrasser les lèvres langoureusement offertes de la demoiselle. Loin de s’offusquer ou de s’éloigner, Éric passe ses bras autour de l’un et de l’autre puis chuchote à l’oreille de son ami :

- Tu as envie ?

- Oui… mais avec toi bien sûr…

Le brun signe son approbation en donnant à son tour un baiser appuyé à Juliette.

- Ok, mes princes, dit celle-ci d’une voix teintée de désir, c’est parti pour un tour. Suivez-moi.

Elle les prend par la main et les entraîne dans un long couloir jouxtant l’espace où ils se trouvent. Un escalier apparaît en son extrémité.

- Il y a des chambres, là-haut, explique-t-elle.

- T’as l’air de bien connaître, lance Éric.

- Ce n’est pas la première fête qu’on fait ici… répond-elle en souriant. Puis voyant que les garçons s’embrassent tout en montant les marches : Eh, commencez pas sans moi !

Ils arrivent sur un palier distribuant plusieurs pièces. Juliette ouvre sans hésiter la première porte : un grand lit juste recouvert d’une couverture défraichie trône au milieu de ce qui a dû être une chambre habitable. Sur le mur de gauche, une porte communiquant avec la pièce voisine est entrouverte. Le tout sent le renfermé et n’a aucun charme mais c’en est assez pour eux.

Éric s’assoit sur le lit puis attire Manuel en son centre où il s’allonge. Juliette vient se mettre de l’autre côté du jeune homme blond dont elle mordille les lèvres avec gourmandise. Pendant ce temps, le brun déboutonne la chemise de son ami pour dégager un torse à la peau dorée. Il glisse sa main sur la poitrine, frôle un téton puis l’autre, arrachant un gémissement de plaisir au garçon. Juliette ne résiste pas à cet appel et descend sa bouche jusqu’au sein le plus proche. Elle laisse ce faisant la place à Éric qui prend à son tour les lèvres de Manuel. Celui-ci s’abandonne totalement, n’écoutant que les frémissements de son corps parcouru par le désir. Juliette s’enquiert de l’état d’excitation du garçon en posant sa main sur son entrejambe. En découvrant la dureté de son sexe, elle lâche un soupir de satisfaction puis, prise d’un appétit féroce, entreprend d’ouvrir le jean qui l’emprisonne. À califourchon sur le jeune homme, elle l'extirpe délicatement du caleçon, le tient quelques secondes entre ses doigts pour l’admirer puis d’un seul mouvement l’enferme dans sa bouche avec une avidité non dissimulée. Manuel émet un râle en se cambrant comme un arc sur le lit. Éric tourne alors la tête vers Juliette et la regarde un instant enrober le membre de son amoureux. À ses gestes experts, il juge qu’il peut la laisser faire et se remet à embrasser son amant tout en continuant ses caresses.

Quelques instants plus tard cependant, Éric interrompt ses baisers et relève la tête, alerté par des sanglots.

- Pourquoi tu pleures ? dit-il à Juliette en se retournant vers elle.

Mais la jeune femme dont la langue parcourt le sexe de Manuel n’est pas du tout en larmes, bien au contraire. Elle s’arrête à son tour en croisant le regard étonné du beau brun. Elle entend alors, elle aussi, les pleurs et suivant le même mouvement qu’Éric, dirige ses yeux vers la porte entrouverte.

- Qu’est-ce que c’est ?

- Une fille est en train de pleurer à côté. On dirait…

Le jeune homme ne finit pas sa phrase et se lève précipitamment, laissant Juliette interdite et son ami encore inconscient de ce qui se trame. Ouvrant la pièce voisine, Éric découvre sa sœur, assise contre le mur, jambes repliées et la tête dans les mains, secouée de sanglots.

- Adèle, qu’est ce qui se passe ?

Il relève le visage de la jeune fille. Son rimmel a coulé et forme des rigoles noires le long de ses joues. Ses yeux fixent son frère et redoublent de larmes. Éric, saisi de panique, l’examine de la tête aux pieds, à la recherche d’indices. Ses cheveux sont en désordre mais elle est totalement habillée.

- Adèle, parle-moi… on t’a fait du mal, ma puce ?

- Non…, non, c’est pas ça, parvient-elle à articuler.

- Qu’est-ce qui t’arrive alors ? Dis-moi…

Le garçon s’assoit près de sa sœur et la serre dans ses bras. De l’autre côté de la cloison, Juliette s’est également levée, laissant Manuel émerger en comprenant qu’il n’était plus que tout seul sur le lit. Adèle lutte contre elle-même pour assembler quelques mots d’explication.

- J’ai… j’ai couché avec un type… là.

Éric lève les yeux et distingue dans la pénombre le même genre de lit que dans la chambre voisine. Il réalise ce que vient de lui dire sa sœur. Depuis combien de temps est-elle là ? Les a-t-elle entendus de l'autre côté ? Eux ne se sont rendus compte de rien. L'état de détresse d'Adèle lui laisse penser qu'elle non plus.

- C’était qui ? Un des types qui dansaient près de toi ?

- Oui. J’ai trop bu… j’ai pas fait gaffe, tu sais, ça a été très vite... Je m’en veux, c’est dégueulasse d’avoir fait ça à Fred.

La jeune fille se laisse aller contre son frère, totalement abattue par le remords et la sensation de s’être elle-même salie en se donnant au premier venu, par dépit, par imprudence aussi. Les larmes l’assaillent de plus belle.

- Chuuut… lui murmure Éric, je comprends. Ça arrive de faire ce genre de connerie, je comprends ce que tu ressens, t’en fais pas.

Juliette se tient dans l’embrasure de la porte, bientôt rejointe par Manuel, enfin revenu à la réalité. Il ne leur faut pas longtemps pour saisir la situation.

- Vous devriez la ramener avec vous, suggère Juliette. Il ne faut pas que Fred la voit comme ça.

Entendant ces paroles, Adèle lève la tête et aperçoit la jeune femme.

- Juliette ?

Cette dernière s’accroupit près de la brunette et lui caresse les cheveux.

- Ça va aller Adèle, t’es pas la première à faire ce type de bêtise, crois-moi. Pars avec ton frère, ça vaut mieux.

- Tu lui diras pas…à Fred ? Ne lui dis pas, s’il te plaît.

- Évidemment que je ne lui dirai rien. Je suis grande gueule mais pas salope, t’as rien à craindre. Je lui expliquerai que tu t’es sentie mal et que vous êtes rentrés.

Dans la voiture qui les ramène en ville, Adèle est allongée sur la banquette arrière, somnolente. Les deux hommes devant sont silencieux. Manuel pianote un texto à l’intention de Fréderic :

Adèle est malade, trop d’alcool. Nous la ramenons chez elle, ne t’inquiète pas. Merci pour la soirée, à bientôt.

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