DANSE, DANSE, MARIONNETTE

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Reina

"La séduction a toujours été une histoire de manipulation."

De François Raux

_ Règle numéro six : il est possible de céder un peu de terrain à l'ennemi si c'est pour réussir brillamment au parti de la revanche. Car une bonne stratège se définit aux décisions ingénieuses qui lui permettent d'atteindre la finalité de ses objectifs.

Percevoir l'écho de son cœur qui bat, me ramène immédiatement à la réalité. Cette situation est beaucoup trop intime pour ma santé mentale. Certes, je suis obligée faire en sorte qu'il tombe amoureux de moi, mais ce n'est pas pour autant que je dois devenir un jouet. L'unique personne qui doit rester prisonnier de ce fil, c'est lui. Même si j'utilise mon corps pour gagner à ce jeu de pouvoir, je dois également, faire marcher ma tête pour qu'il n'ait pas la moindre chance d'en réchapper.

De plus, je n'ai pas l'intention de devenir qu'une piètre maîtresse. Moi, j'aspire avidement à beaucoup plus de choses, qu'à demeurer uniquement le souvenir éphémère d'un instant passager. Il est bien plus aisé d'offrir à un homme une superbe partie de baise que de lui trouver une noble épouse. Or, afin de mener ma vengeance à son terme, c'est précisément la personne que j'envisage de devenir. L'honorable madame Reina Elisa Tellier, et non une vulgaire pute bien vite oubliée.

De fait pour l'instant, les circonstances ne prêtent nullement à un rapprochement charnel entre Nicholas et moi. S'il pense avoir si facilement accès à mon corps, il se trompe lourdement. Je vais lui prouver par mes actes que je ne suis pas une de ces filles faciles qu'il a l'habitude d'emballer et encore moins une de ses anciennes complaisantes partenaires. Il est absolument hors de questions qu'il tente de me manipuler grâce à de vaines promesses sexuelles.

Afin d'y parvenir, je n'ai pas d'autre choix que de me transformer en la personne en laquelle il aura le plus confiance.

Sa femme.

Une manipulatrice en puissance.

Et du temps j'en ai eu, énormément, pour me préparer à être cette femme.

J. Eldi. a dit un jour.

"Le manipulateur est un dealer, il vous livre ses doses, vous rend dépendant et s'enrichit en vous méprisant."

Une "dealeuse" de rêves factices.

C'est exactement le genre de femme que je dois être pour cet homme, ni plus, ni moins. C'est lui la marionnette, à lui donc de danser.

Mon introspection faite alors que nous nous embrassons passionnément, je le repousse brutalement en m'essuyant la bouche. Or, nous étions si accrochés l'un à l'autre qu'il manque de tomber. Mais je n'y prête pas réellement attention certaine de ma bêtise.

S'il y a bien une chose que les hommes détestent plus que toute autre chose, c'est que nous pauvres femelles blessions leur ego. Or en m'essuyant la bouche ainsi, je ne cherche qu'à obtenir de lui une réaction.

Même si je sais pertinemment que nous avons tous les deux initié cette folie, je refuse d'en prendre la responsabilité. Inutile de me sentir plus coupable que je ne le suis déjà. Mesquine, je préfère affirmer ce que je crois évident.

_ C'est une erreur.

_ Quoi ?

Son regard hagard m'indique clairement qu'il est toujours entièrement absorbé par la tension sexuelle existante entre nous, alors afin d'être bien comprise, je me répète.

_ Nous ne pouvons pas, c'est une erreur.

Au début, Nicholas a l'air de quelqu'un à qui on a déversé un seau d'eau froide sur la tête ; puis soudainement, son expression change pour laisser place à une mine affectée.

Cette conclusion est glaciale, mais à ce stade, je ne vois pas d'autres options pour justifier autrement notre dérapage. Je conviens plutôt d'excuser notre geste avec les premiers mots qui passent par la tête.

Ce qui n'a pas du tout l'air de lui plaire, puisqu'il me semble percevoir de l'agacement et de la colère dans ses yeux.

_ Une erreur, dit-il.

Il nous désigne et s'énerve quelque peu.

_ En quoi, est-ce une erreur ? Je ne saisis pas très bien le rapport, entre ces paroles merdiques et notre baiser. Jusqu'à il y a encore quelques minutes, vous en aviez autant envie que moi. Alors, que se passe-t-il réellement ?

Comme exaspéré, il en appelle à ma franchise, mais malheureusement pour lui, je n'ai pas ça en magasin. Je me fiche de ses sentiments, je souhaite qu'une seule chose, parvenir à mes fins.

Alors j'agis comme la garce que je suis supposé être.

_ Pourquoi perdre votre sang-froid pour un stupide baiser ? Nous ne nous connaissons même pas de toute façon. Entre nous, il ne se passe rien, absolument rien.

Comme pour me convaincre moi-même, j'insiste.

_ Une simple folie passagère.

Il ricane et rétorque.

_ Une folie passagère... Et puis quoi encore ?

Déterminée, à faire abstraction de son sarcasme, je reprends la parole.

_ Je ne vois pas ce que ça peut être d'autre.

Il secoue la tête et réplique à nouveau moqueur.

_ Si ça vous rassure de le croire tant mieux pour vous. Mais nous savons parfaitement tous les deux ce que c'est. Ça n'a rien d'une folie passagère et contrairement à vous, je ne compte pas me voiler la face sur ce que cela signifie. Vous l'avez senti tout comme moi, n'est ce pas ?

Je préfère rester silencieuse, mais il est aussi têtu que moi.

_ Ne le niez pas, bon sang.

Sans proférer un seule mot, je m'éloigne petit à petit parce qu'il m'est inenvisageable d'avouer une vérité aussi dérangeante.

_ Assumez vos désirs ! Nous nous connaissons peut-être pas mais nous faisons des étincelles ensemble. Vous avez simplement peur, s'il vous plaît ne partez pas.

Il tente de me saisir à nouveau le bras, mais je ne me laisse pas faire.

_ Attendez ! S'il vous plaît, attendez !

Mais je ne l'écoute pas. À quoi bon ? Je fuis la terrasse guidée par mon seul instinct de survie.

Dans ma hâte, je me retrouve nez à nez avec Tante Ella qui semble m'attendre.

_ Nous partons, dis-je, désireuse de ficher de camp au plus vite.

Elle acquiesce sans poser de question et moins d'une minute plus tard nous sommes sur le chemin du retour.

Contrariée, je me cogne la tête contre la vitre.

Mon Dieu, je me suis comporter comme la dernière des idiotes.

Assise dans la voiture, j'attends des reproches de ma tante qui ne viennent pas.

Depuis notre départ précipité du gala, c'est un silence de mort qui règne dans l'habitacle. Inquiète, je lui jette des coups d'œil furtif, mais elle ne dit rien. À croire qu'elle s'en fiche jusqu'à ce qu'elle me pose la première question.

_ Je peux savoir pourquoi tu t'en veux Reina ?

Surprise, je me retourne vers elle et réponds sèchement.

_ J'ai presque foutu en l'air notre plan et tu me demandes bien tranquillement pourquoi je m'en veux ? C'est une blague.

Très calme, ma tante réplique doucement.

_ Bien au contraire ma chérie, tu as été parfaite. Je n'aurais jamais pensé que ça fonctionnerait aussi bien ma fille.

Impulsive, je me retourne complètement vers celle-ci pour voir si elle se moque de moi. Mais non, elle a l'air très sérieuse.

_ Tu n'aurais pas pu mieux réussir.

Perplexe, je l'observe mais son visage demeure sans émotion.

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