La sphère réfléchissante

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  C'était une sphère de métal parfaitement lisse, assez lourde, dont la surface limpide reflétait avec netteté la pièce qui l'environnait : un vaste salon meublé de fauteuils confortables et d'étagères surchargées de livres, dont les murs étaient ornés de nombreux tableaux.

L'homme l'éleva à la hauteur de ses yeux et y contempla son visage émacié, ses yeux cernés, sa barbe et sa moustache bien taillées qui lui donnaient une expression triste et mélancolique en toute circonstance.

« D'où vient cet objet ? » se demanda-t-il, perplexe. Il avait beau la tourner et la retourner, il n'y voyait rien qui pût lui permettre d'identifier sa provenance ; il n'y voyait rien que son reflet et celui du salon.

Avec un soupir, il posa la boule étincelante sur son bureau, avec précaution. Ce n'était pas la première fois que des choses apparaissaient ou disparaissaient dans cette demeure... Pas plus tard que la veille, son presse-papier en verre avait disparu ; et voilà qu'au même endroit apparaissait la sphère. Cette fois, si son épouse ne le croyait pas, c'est que l'un d'eux avait perdu l'esprit.

Justement, la porte s'ouvrit, livrant passage à celle qui illuminait ses journées de son sourire charmant.

« Circé, tu tombes bien, lança-t-il, heureux de la voir et inquiet de sa réaction.

Elle vint s'asseoir à proximité.

— Pourquoi donc, mon amour ?

— Regarde, regarde ça, dit-il en lui tendant fiévreusement l'objet qui l'intriguait tant.

— Ton presse-papier ? »

Elle prit la sphère entre ses mains, perplexe. Elle la tourna, la retourna, fit un clin d'œil à son reflet, rajusta coquettement une mèche de cheveux puis la rendit à son mari.

« Je ne vois pas ce qu'il a de spécial.

— Décris-le moi, s'il te plaît, lui enjoignit-il sur ton pressant.

— Si tu veux... C'est une sphère de métal. On se voit dedans. Elle est un peu lourde mais ce n'est pas anormal. Bref, c'est ton presse-papier.

— Mais... mais mon presse-papier ne ressemble pas à cela ! Il est en verre, avec une orchidée à l'intérieur. Et il a disparu hier pour être remplacé aujourd'hui par cette... cette... chose.

— Tu fais erreur. Il a toujours été en métal. Quant à sa disparition d'hier, hé bien... tu l'auras égaré, puis retrouvé, voilà tout ! »

Il ne répondit pas. A quoi bon ? Mais quand Circé fut repartie, il reprit la boule métallique et la contempla de nouveau. Et là...

Au lieu de voir se refléter son visage fatigué, il aperçut celui de sa souriante épouse. Il la vit lui adresser un clin d'œil, rajuster une mèche de cheveux. Il la vit tendre la main vers lui sans cesser de le regarder. Il la vit bondir hors de la sphère pour se précipiter sur lui, une expression de haine violente sur la figure et, avant d'être envahi par une obscurité sans fin, il crut entendre le reflet lui murmurer : « Tu es fou, tu es fou, ce n'est qu'un presse-papier. »

Plus tard, son épouse revint dans la pièce désormais vide et prit la sphère réfléchissante tombée à terre. Elle adressa un sourire narquois au reflet de son mari, qui semblait cogner les parois du presse-papier, et le reposa sur le bureau avant de s'éloigner.

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