La fin des dragons

6 minutes de lecture

Dyrkin avait bien meilleur aspect, il s'était débarrassé de son odeur nauséabonde par un bon bain et avait retrouvé des vêtements plus conformes à son statut. Il portait des chaussures bariolées en peau de reptile, un pantalon et un pourpoint de cuir et arborait un grand chapeau pointu de couleur bleu qui le rendait un peu comique. Mais personne ne lui fit remarquer.

Il avait passé de nombreux bracelets à ses poignets et ses doigts étaient désormais ornés de magnifiques bagues aux couleurs chatoyantes. Il vida une autre chope de bière en silence pendant qu'Yriel partit en quête de la fameuse bouteille d'alcool.

Le visage de Dyrkin s'illumina quand il vit le breuvage devant lui. Il semblait l'avoir attendu depuis longtemps et se servit une bonne rasade qu'il avala d'un trait et mit ses mains sur un énorme livre d'un air satisfait.

Yriel mon ami ce livre est pour toi, je sais que tu le recherche depuis des années. Mais j'espère que vas m'expliquer ensuite ce qu'un lézard et une fée font chez toi. Tiens d'ailleurs, c'est étrange toutes les créatures douées de magie sont présentes ici. Cela ne s'est pas produit depuis des siècles. Si l'on considère que les filtres d'amour, et autres balivernes des fées font partie de la magie bien sûr. »

Dyrkin nous sommes bel et bien douées de magie, chacune dans notre spécialité et nous tentons de faire le bien et d'influer de manière positive sur le monde de Neolym. Si je suis ici c'est pour une mission d'importance ainsi que Vharion qui est porteur d'un message capital. Si tu t'intéressais de nouveau au monde dans lequel tu vis, tu saurais que nous vivons le prélude de temps troublés après une longue pause sans guerres ni conflits. »

Vous êtes surtout douées pour pérorer sans cesse. Et je n'ai pas cessé de m'intéresser à ce monde, mais je garde mes distances, j'ai assez interférer de manière décisive dans les affaires de ce monde pour ne pas recevoir de leçons d'une gamine. »

Cinnamon jugea bon de pas poursuivre cette conversation, Dyrkin avait sans doute raison et son influence avait été tangible au cours des derniers millénaires, il n'était pas utile de remettre en cause son apport surtout avec les évènements qui se profilaient.

Dyrkin se leva et prit le grand livre qu'il posa devant Yriel. L'archimage passa ses doigts sur la couverture en cuir et ouvrit délicatement le livre ancien. Il semblait ravi et feuilleta les pages avec d'infinies précautions, s'émerveillant sur les illustrations

La guerre de la Méloponée racontée par Thadeïc le Jeune » souffla Yriel en refermant l'ouvrage.

Merci Dyrkin c'est effectivement un magnifique présent que je vais garder précieusement. Mais je pensais que l'unique exemplaire de cette relique était en possession de la reine serpent dans les marécages du sud. »

C'est effectivement son exemplaire et crois-moi il n'a pas été facile de l'obtenir mais cette vieille folle raffole d'herbes et potions hallucinogènes que je suis le seul à pouvoir lui procurer. Le plus difficile fut d'obtenir une entrevue avec elle. Apprenant que ses éclaireurs m'avaient retenu toute une journée alors que j'avais en ma possession ses herbes chéries, elle les a exécutés sans autre forme de procès. »

Vharion et Cinnamon furent impressionnés par le récit de Dyrkin. Personne ne pouvait pénétrer sur le territoire des hommes serpents sans être massacré séance tenante. C'était sans doute le peuple le plus cruel de tout Neolym, spécialisé dans les tortures abominables. Tous les émissaires envoyés par les autres peuples pour ouvrir des relations commerciales ou diplomatiques étaient renvoyées dans leurs contrées d'origine à peine vivants et porteurs de terribles mutilations. La langue coupée par les hommes serpents, on pouvait lire dans leurs yeux la terreur et la souffrance qu'ils avaient enduré.

Le territoire des hommes serpents était vaste et très hostile, constitué pour la majeure partie d'un inextricable labyrinthe de marécages et de forêts denses peuplé d'abominables créatures au moins aussi dangereuses que les hommes serpents. Par chance ce peuple était peu enclin à la guerre et n'avait aucune propension à coloniser d'autres terres alentours, ne prenant jamais partie dans la longue liste des conflits et guerres qui avaient émaillé l'histoire de Neolym.

Il se contentaient de vouer un culte sans bornes à leur reine despote qui vivait entourée de courtisans dans un immense palais le plus souvent dans un état de rêverie hypnotique provoqué par les substances hallucinogènes dont elle était friande. Paranoïaque à l'excès elle changeait sans cesse sa garde rapprochée et n'hésitait pas à exécuter toute forme d'opposition ou de remise en question de sa toute puissance.

Yriel rangea le livre dans la bibliothèque et s'adressa à Vharion.

Jeune dragon blanc nous t'écoutons maintenant pourquoi avoir entrepris un si long voyage, alors que ton peuple se tient loin de toute affaire de Neolym depuis de nombreux siècles et vit quasiment reclus dans son vaste territoire. »

Vharion sentit tout le poids de sa mission sur ses frêles épaules, il était jeune et inexpérimenté et n'avait cessé lors de son trajet de s'interroger sur les motivations du conseil draconique à le choisir pour cette mission capitale. Se remémorant la longue discussion qu'il avait eu avec le conseil des sages avant son départ il commença son récit.

Comme vous l'avez tous deviné je suis un dragon blanc et mon nom est bel et bien Vharion de la canopée Chantepluie. Mon peuple et ses différentes composantes vit en effet quasi reclus dans son territoire, j'ignore tout des tenants et aboutissants de cet isolement mais le conseil m'a chargé de cette mission car l'heure est grave. J'ai entrepris ce long périple avec de terribles responsabilités, venir jusqu'à toi Yriel et tenter de te convaincre de nous venir en aide. J'ai effectivement effectué la majeure partie de mon voyage en volant très haut dans le ciel pour ne pas attirer l'attention. J'ai repris apparence humaine pour faire le reste de mon voyage mais je n'avais que peu d'indications précises sur le lieu où je devais me rendre. Je me suis fondu dans le flot de commerçants sur les routes tentant de glaner des informations sur les ermites vivant en forêt sans jamais dévoiler ton nom Yriel. Cela faisait partie de mes consignes, rester discret et persévérer jusqu'à t'avoir trouvé ou plutôt vous trouver puisque le conseil avait mentionné la présence éventuelle de Dyrkin. Et je vous ai enfin trouvé, après bien des visites infructueuses et quelques frayeurs pour ceux m'ayant vraiment pris pour un démon.

Et si je suis ici c'est que mon peuple se meurt d'un mal étrange et inconnu. Cela a d'abord frappé les plus jeunes d'entre nous, touchant toutes les catégories de dragons puis le mal s'est étendu aux dragons adultes qui sont devenus faibles et incapables de voler ou d'utiliser leur magie. Seuls les plus vénérables d'entre nous échappe au mal qui nous ronge depuis des semaines et même eux sont devenus faibles et dans en état de léthargie avancé. Beaucoup des plus jeunes dragons sont morts dans d'atroces souffrances et pour dire la vérité notre peuple n'a jamais été aussi vulnérable et affaibli. La nouvelle commence à se répandre et notre conseil a fait mander de nombreux guérisseurs, mais nul ne connait le mal dont nous sommes victimes et encore moins le remède. Certains parlent de sombres malédictions et de mauvais présages. Et ce n'est pas tout, des rumeurs persistantes font état de mouvements de troupes hétéroclites dans les territoires du sud, une étrange agitation y règne depuis quelques semaines. Cela ne peut pas être le fruit du hasard et une invasion de notre territoire nous serait fatale sans alliés dans l'état de faiblesse où nous nous trouvons. Tu es, vous êtes notre dernier espoir, vos connaissances sont immenses pour tenter d'identifier le mal dont nous souffrons et obtenir une alliance avec d'autres peuples ne se fera pas sans votre aide. »

Un silence pesant s'installa dans la pièce, Cinnamon ouvrit de grands yeux vers Yriel qui semblait grave et inquiet. Dyrkin semblait s'être s'assoupi avec les yeux mi-clos mais nul doute qu'il ne dormait pas et réfléchissait au récit de Vharion. Imaginer un monde sans dragons était une éventualité insaisissable pour l'esprit, ils étaient présents depuis presque toujours, un élément stabilisateur qui ne pouvait disparaitre. Pourtant Vharion avait été très explicite, on ne parlait ni plus ni moins que de la fin des dragons.


Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Feerieland ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0