Chapitre 2

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Ce matin, il y avait comme une atmosphère particulière qui flottait dans l’air. J’avais le sentiment qu’il allait se produire quelque chose. Et puis il y avait l’attente…

Cela faisait quelques jours que je guettais la venue de cet homme étrange, cachée derrière un rocher. Parfois, il venait, d’autre pas. Qu’en serait-il ce matin ? À chaque fois que je l’observais, je me morigénais intérieurement, car agir comme une voyeuse, cela ne me ressemblait pas du tout. Mais je ne pouvais m’en empêcher ! Il était si beau, si fascinant ! Je ressentais avec force, inexplicablement, la nécessité d'en apprendre plus sur cet individu. J’aurais pu m’adresser à lui directement, cependant je ne m’imaginais pas le faire. J’étais trop timide. Il était vrai aussi que vu ce qu’il m’était arrivé, j’évitais tout représentant de la gente masculine, hors contexte professionnel ou amical. En fait, il y avait comme une attraction qui me poussait vers cet homme. Et cela, je n’arrivais pas à l’expliquer.

Au bout de quelque temps, je me fis une raison : ce serait une journée sans. Avec un soupir de déception, je sortis de derrière mes rochers pour effectuer une promenade au bord de l’eau. Mes jambes avaient besoin de ce délassement avant la fatigue de la journée ! Je décidai d’ôter mes chaussures.

Et il y eut cette voix derrière moi qui arrêta immédiatement mon geste :

— Vous me cherchez ?

Je me figeai, puis je me retournai, lentement.

L’homme était là, vêtu de pied en cap, et sur ses lèvres dansait un sourire narquois. Le soleil illuminant sa chevelure.

Une vraie gravure de magazine.

— Non… Je…

— Oh, que si ! Cela fait quelques jours que j’ai remarqué votre manège. Vous pensez être discrète, dissimulée derrière les rochers, mais ce n’est pas le cas. Loin de là !

Je me sentis rougir, prise sur le fait. Je n’en menais pas large.

Et puis c’était la première fois que je voyais ses yeux. Des prunelles d’un bleu vert surprenant, fascinant. Dans lesquelles je n’avais qu’une envie : me noyer, me fondre. Inexplicablement.

— Mademoiselle, tout va bien ?

Ce ton de voix, grave, envoûtant avec une pointe d’accent que je n’arrivais pas à déterminer… Il était séduisant. Infiniment…

Et dire que j’avais eu l’occasion de voir cet homme dans le plus simple appareil ! Il me sembla que mes joues s’enflammaient encore plus à cette réminiscence.

Bon sang ! Heureusement que je ne pensais pas à haute voix, parce que là… !

— Alors, pourquoi me suivez-vous ainsi ?

J’avalais une goulée d’air pour me reprendre, afin de ne plus avoir l’air aussi ridicule, et me jetai à l’eau :

— Je vous trouve étrange.

Au moins, j’étais honnête !

— Et pourquoi donc ?

— Vous arrivez tout le temps par la mer, et jamais par les terres. Et puis vous n’habitez manifestement pas dans le coin, je ne vous ai jamais croisé avant.

Je n’osais mentionner sa nudité…

Il pencha la tête sur le côté :

— Je viens d’un peu plus loin…

— D’où ? insistai-je.

Il fit un geste ample de la main qui englobait un peu de terre et l’horizon :

— De par là…

Je compris que je n’en saurais pas davantage dans l’immédiat, et il continua :

— Et vous, j’ai cru comprendre que vous viviez ici, je vous ai aperçue plusieurs fois aller vers le village.

Je hochai la tête, mon embarras s’accentuant :

— Oui, j’y réside et travaille. Mais je dois y aller…

Son sourire, qui n’avait pas quitté son visage, s’élargit.

— D’habitude, vous partez plus tard, affirma-t-il posément.

Je restais coite, et il poursuivit :

— Si c’est ma présence qui vous gêne, agissez comme vous en êtes coutumière. Et puis, les autres fois, cela n’a pas semblé vous être incommodant. Nous pouvons aussi continuer à discuter ainsi, jusqu’à votre départ. Mais je ne veux pas vous faire fuir.

De mon côté, je ne pouvais nier le fait que j’avais envie de rester, énormément envie de rester. Et ce n’était pas seulement de l’attirance, même si cette dernière était très présente. Oui, il y avait quelque chose derrière cette envie. Quelque chose d’indéfinissable.

Je ne savais pourquoi, mais face à cet homme de haute stature, large d’épaule, je ne ressentais aucune crainte. Au contraire, j’avais la certitude que je pouvais lui accorder ma confiance. Il ne me ferait aucun mal.

— Je vais me promener un peu… Je voulais faire quelques pas dans l’eau.

Lâche !! Mais il était préférable d’être raisonnable. Après tout, je ne savais rien de lui, et agir de cette manière n’était pas dans mes habitudes, surtout après ce que j’avais vécu.

Il inclina la tête :

— Alors, je vous laisse. À bientôt, sans doute.

Et il partit dans une autre direction que la mienne, comme s’il désirait me montrer qu’il comprenait mes réticences et qu’il en tenait compte.

Je le regardai un moment, mais il ne se retourna pas, et au fond de moi je ressentis un peu de tristesse. Cependant, j’ôtai mes chaussures et allai faire quelques pas dans l’eau. Au bout de quelques instants, j’entendis des bruits de voix et je pris conscience du temps qui avait passé. Les estivants arrivaient, et je préférai partir au travail. Je vérifiai avant si je le voyais, cependant, il n’y avait aucune trace de lui. Nulle part. Décidément, il excellait dans la disparition soudaine ! À croire que c’était une seconde nature chez lui, ce qui le rendait encore plus énigmatique.

Au travail, la journée passa très vite. Les touristes, en ce dimanche ensoleillé étaient au rendez-vous, et j’avais peu de temps devant moi pour penser à autre chose. J’avais décidé de garder l’après-midi pour ma fille, et nous la passâmes à la plage, mais pas dans ma crique habituelle. Nous choisîmes une plage touristique, là où j’étais sûre de ne pas le voir. Et comme je ne travaillais pas le soir, nous en profitâmes pour prolonger cette après-midi par un pique-nique sur la plage pour attendre le coucher de soleil, puis nous rentrâmes à la maison, lasses toutes les deux, mais ravies. Passer du temps ensemble, en dehors de la vie quotidienne, n'était jamais évident.

Pendant la nuit, j’eus du mal à m’endormir. Dans ma tête, j’entendais une voix singulière, et un regard bleu vert ne me quittait pas.

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