Mon mécène

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Sur le seuil de ma porte, à l'intérieur de l'appartement, le silence règne à travers les murs du 32 rue Ballu, parmi les fenêtres donnant sur la rue. Il n'y a que James, me dominant de sa carrure, plus beau que jamais. Comme si je le redécouvrais après tant de mois, je ne sais le décrire avec des mots élogieux. On devrait inventer des adjectifs qui lui colleraient à la peau, uniquement pour lui. Ses cheveux négligés, ses lunettes sur son long nez, toujours l'index pour les remettre sur son arête, et sa sobriété vestimentaire aspirant le respect et la grandeur, exalte les moindres pores de ma chair.

Nous ne bougeons pas, désireux de savourer ce si précieux instant qui nous appartient. Ininterrompus, comme suspendus dans le temps.

Puis, il esquisse un sourire et se précipite vers moi afin de m'enlacer. Sa main caresse ma nuque en accrochant quelques mèches de cheveux. Je le sens me humer, un court instant, avant que je ne le repousse.

Sorry. J'ai tendance à oublier que tu n'es pas friande de câlins ni de bisous.

J'ai un pincement au cœur au vu de ses yeux penauds. Il est fascinant de voir un homme sans expression, mais qui, pourtant, communique tellement avec ses yeux.

— Quand es-tu arrivé en France ?

— Il y a une heure.

Je hausse les sourcils, flattée d'être la première personne à qui il a pensé à peine rentrer de Londres.

— Tu ne perds pas de temps.

— Jamais, chuchote-t-il en passant son pouce sur mes lèvres.

— Arrête... murmuré-je en levant les yeux vers lui, plongeant dans ses cieux.

— Non, affirme-t-il avant de poser un baiser à l'embrasure de mes lèvres.

Je lui attrape la main et embrasse son pouce avant de le lui sucer. L'azur de son regard brillant me signale la tendresse qu'il attendait, le feu vert du consentement. La muse répond oui à son mécène.

Délicatement, je lui enlève son caban noir. J'aime le déshabiller, ça me laisse encore le pouvoir de diriger avant de consentir à la soumission de mes propres fantasmes.

Quant à James, bien qu'il ait un côté dominateur, savoir que la femme prend les devants, lui certifie qu'elle est apte à concevoir un plaisir partagé. Qu'elle a envie de lui. Je le comprends à sa manière de sourire, son coup d'œil espiègle qui me contemple en silence, tout comme sa façon de se laisser faire.

Alors, à reculons, sans le quitter du regard, je prends la direction de ma chambre en lui prenant la main.

Sans m'avertir, il m'attrape par les jambes et me soulève sur son épaule comme un vieux sac de patates. J'ai un fou rire d'enfant de huit ans, me cachant la bouche de ma main.

Il toque à la porte.

— C'est urgent, s'il vous plaît ! Deux personnes très pressées de rattraper le temps perdu. Merci bien.

J'éclate de rire.

— James ! Repose-moi.

Tout à coup, je me sens projetée contre mon lit, emprisonnée par mon prédateur qui ne me laisse aucun répit. Avide de sensualité, il y dépose ses douces lèvres sur mon cou, frissons qui agissent sur mes tétons. L'indécence de ses mains s'aventurent en-dessous de mon top, acclamant mes seins soudain lourds de désir.

Tout en douceur, je caresse tout d'abord le bout de son gland. Je le sens palpiter entre mes doigts et grossir au fur et à mesure de mes insistances. James pose son front contre le mien, les yeux fermés, savourant cette exquise torture.

Alors, sans le quitter des yeux, je m'arrête et m'avance, assise au bord du lit. Soutenant mon regard, debout, James s'immobilise. Il me domine de toute sa solennité. Par des gestes délicats et calculés, je retire mon t-shirt, libérant ma poitrine opulente. Sensuelle, je glisse ma culotte jusqu'à mes chevilles et joue avec mes jambes pour la jeter du bout du pied, laissant à loisirs mon partenaire profiter du spectacle.

Le bleu lagon de ses iris, autrefois invitant à la relaxation et à la douceur, se transforme en un brasier impatient. Amusée par son envie de me sauter dessus, certaine qu'il se retient par pur ludisme, je m'approche de lui. Il ne bouge pas. Ne cille pas. Exerçant tout son charisme sur moi, nue et vulnérable devant son regard, jamais je n'aurais pensé un jour me sentir aussi attirante et confiante dans mon propre corps. Je prends l'initiative de le dévêtir, dans une attente contrôlée, lui comme pour moi, car je lis à travers les verres de ses lunettes cet appétit de me retourner et de me prendre subitement. Mais, la distraction est trop délectable. Mes lèvres proches des siennes, ses yeux transpercent chaque morceau de ma peau, de mes seins à mon pubis.

Enfin déshabillé, son sexe, imposant de vigueur, n'attend qu'à être cajolé, aimé par mon savoir-faire. Je ne lui donnerai pas ce plaisir tout de suite.

Dos à lui, je colle mon dos à son torse et incite d'une main à me peloter, d'une autre à agiter mon clitoris. Son pénis bien au chaud entre mes fesses, je rejette ma tête en arrière en appréciant les bienfaits de son expérience. Tantôt mordue au creux de mon épaule, tantôt mordillée au lobe, je ne peux m'empêcher de me cambrer. Il actionne mon bouton du désir avec plus de véhémence. Mon orgasme va arriver, intense et incontrôlable, mais James bat en retraite.

Furieuse de m'avoir coupée dans ma jouissance, je tente de me retourner. Il me bloque.

— À chacun son tour de patienter, sweety.

Un petit rire m'échappe.

— Que souhaites-tu ? Que je m'arrête et reparte sans un mot, sans une étreinte exaltée ? Ou souhaites-tu qu'on prenne notre pied à deux, Charlie ?

Je gémis à l'entendre jouer avec mes sens.

— Vite. Décide-toi sinon je vais décider à ta place.

Je me mords la lèvre inférieure dans un long soupir suave, le laissant choisir. Tout ce que je sais, c'est que j'ai envie de lui en moi, doux et fiévreux à la fois.

Soudain, il m'oblige à avancer jusqu'au rebord du lit et de me mettre à quatre pattes. En levrette, il appuie sur mes reins pour m'inciter à me courber.

Fébrilement, son muscle viril s'enfonce dans mon sexe. Je m'ouvre tout à lui en un quart de seconde.

Je l'attendais depuis le début des vacances, depuis que je suis partie de chez lui.

Je gémis déjà de plaisir et bien qu'il accélère ses mouvements, je recule pour doubler mon plaisir. Le message passe et il me laisse diriger la séance. Nous embarquons dans les eaux les plus profondes et les plus vastes du désir jusqu'aux tréfonds de nos fantasmes. Ses doigts caressent mes seins, tendus d'excitation, et sa bouche se délecte de ma nuque.

Ses coups de reins deviennent puissants, sans limite. Le bruit de nos deux corps qui s'entrechoquent et mes cris de plaisir donnent d'ores et déjà la note de l'extase. Son endurance est remarquable et il ne s'essouffle pas, me laissant encaisser pendant un long moment.

Bon Dieu que c'est bon ! Une larme se forme au coin de mon œil.

Il s'arrête et tire sur le drap pour nous y enfouir.

— Qu'est-ce que tu fais ? demandé-je, essoufflée.

De fines gouttes coulent entre mes seins et cheminent le long de la colonne vertébrale. James, quant à lui, il a enlevé ses lunettes et le dessus de son front perle également de ce même liquide suant.

Sans me répondre, il m'allonge sur le ventre et il m'allonge sur le ventre, appuie de nouveau sur mes reins mais cette fois-ci pour que je reste bien à plat sur le lit. Son torse collé contre mon dos, il me pénètre. Il me remplit en profondeur et sans tendresse. J'ai beau essayer de crier par la jouissance qu'il m'offre, mais entre son poids et ma poitrine écrasée, aucun son ne sort. Je dois être rouge d'extase. Ma tête cogne contre celle du lit à chaque coup de ses reins.

C'est ainsi que l'on parle lui et moi. Que je m'exprime sur mes sentiments à son égard. Il n'y a que lui pour me procurer cette joie intense, cette larme d'orgasme, cette euphorie intérieure lorsque sa bouche couvre ma peau de baisers. Ses mains d'homme, dessinées par ses veines, sont les seules qui peuvent me toucher. Le seul qui a le droit de me traiter ainsi.

Et dans un dernier à-coup puissant, il grogne de plaisir alors que mon orgasme à moi arrive en dernier.

Nus et en sueurs sous mes draps, côte à côte, yeux dans les yeux, nous éclatons de rire. Un rire de soulagement et de bien-être. Nous attendions ce moment depuis longtemps. Mes espoirs d'avoir de ses nouvelles commençaient à me faire douter sur son désir. Son appel a fait disparaître une partie de mes questionnements, puis le sentir contre moi, encaisser sa tendresse et sa bestialité, le retrouver en moi, recevoir sa jouissance, a supprimé tout le reste. Mais ce moment s'arrêtera là : il va devoir partir. Ma seule condition, l'unique règle que je nous impose, pour ne pas mêler les sentiments amoureux à nos retrouvailles sexuelles.

Quel sera notre avenir lorsque je partirai pour Rome et lui à Londres ? Comment être sûre que cela en vaut vraiment la peine ? Il nous sera impossible de continuer cette relation basée sur le plaisir charnel et le rapprochement physique. La distance nous tuerait. Savoir que nous ne pourrions être rien d'autre que ce que nous vivons aujourd'hui m'empêche de ressentir quelque chose de plus fort.

Et j'en prends conscience, à la rentrée, en TD, devant tous ses étudiants, je l'observe, savourant l'exquise saveur du tabou et de l'interdit. Dévorant de mon regard, ses explications sur l'allégorie, la poésie d'une femme aimante devant un tableau de Maître. Cet enthousiasme face aux débats que les élèves créent entre eux, ses gestes appuyés pendant qu'il donne ses explications sur des interprétations évidentes et travaillées. J'en perds la parole à le contempler allègrement dans sa prose raffinée. Cette langue savante qui utilise pour nous instruire, me goûte dans notre intimité. Ses yeux admiratifs devant ce Raphaël sont semblables au regard qu'il pose sur moi. Ses mains qui aiment tant caresser mes seins et dessiner mes formes féminines, ici effleurent les figures projetées du diaporama. Son expression faciale et corporelle pendant les cours s'apparente à celles qui le possèdent lorsqu'il est avec moi.

Cette privation d'aimer n'aurait-elle pas un effet inverse ? L'obsession aurait-elle remplacer la saine Amour ? L'interdit ne cède-t-il pas à l'adoration ? Ai-je commis une erreur de tenter une distance affectueuse ?

Avec ce que je constate face à moi, ce n'est pas un homme dépourvu de sentiments. Vénus. L'a-t-elle possédé ? Cette divinité de l'amour et de la beauté est récurrente dans ses présentations d'œuvres. Devrais-je comprendre que sa passion pour l'art et la symbologie se soit reportée allégoriquement sur moi ?

Je l'écoute débattre sur la figure mythologique de la déesse et soudain, son bleu célestin se pose sur moi.

Fatidique mécène, que ton œuvre perdure.

Par l'ébène des ténèbres

Comme par les rayons du soleil,

Ton art demeurera toujours aux yeux de ta muse :

Une prouesse.

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