L'étincelle

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Le livre était juste devant moi, ouvert à la page 778.

Le papier commençait à brunir sous l'effet de la chaleur et les mots écrits en latin disparaissaient peu à peu, effaçant tout le savoir que des mains expertes de moines avaient patiemment retranscrist. Je les imaginais, penchés sur leur pupitre, trempant régulièrement leur plume dans l'encrier, puis la tapotant légèrement pour en faire tomber la goutte de trop. Une faible lueur les éclairait, leur abîmant prématurément la vue. Ils travaillaient en silence des heures durant.

La fumée commença à se dégager du livre, juste un petit filet gris qui s'échappe. Puis, une étincelle brilla quelques instants au centre de la page, petit point lumineux tremblotant, comme hésitant encore à aller jusqu'au bout du sacrilège. J'avançai la main tout près d'elle et l'agitai doucement : un léger courant d'air se fit et l'étincelle brilla un peu plus fort d'un orange si pur et si magnifique que je ne pouvais en détacher mon regard.

J'arrêtai mon mouvement et la lueur faiblit ; je le repris et elle enfla à nouveau. Je pris plaisir quelques instants à renouveler ainsi mon geste, distrait par la seul beauté de cette chose si infime qu'est une étincelle.

Enfin, lassée de ce petit jeu, j'approchai ma bouche et lâchai une faible expiration. La lueur s'intensifia. Alors, prenant une forte inspiration, j'entrouvris les lèvres et en laissai échapper un souffle puissant et long.

La demoiselle étincelle se mit à rougir, rougir, rougir… mais j’arrivai à bout de souffle. Je remplis à nouveau mes poumons d’air et l’expulsai le plus violemment que je pus : cela ne suffit pas cette fois encore. Une troisième fois mes narines se dilatèrent pour gonfler au maximum ma poitrine, mes épaules se haussèrent, ma tête se pencha légèrement en arrière et, me projetant soudain en avant, j’expulsai une véritable tempête de ma bouche ! L’étincelle recommença à rougir, rougir, rougir, et alors que je croyais ne pas réussir cette fois-là encore, au dernier moment, le miracle se produisit : les feuilles s’embrasèrent.

Les langues de feu se mirent à danser devant mon regard fasciné et rapidement le livre entier pris feu. Les mots disparurent dans un brasier ardent tandis que des volutes noires montaient dans l’air, transportant des particules de papier devenues cendres. J’avais devant les yeux un magnifique tableau de couleurs ocres mêlées aux tâches plus sombres du papier noirci. Et, au milieu de cette sublime peinture, la clarté joyeuse du feu illuminait les ténèbres environnantes.

J'exultai de bonheur !

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